Ci-dessous un texte de Jonathan Cook, écrivain ibritannique nstallé à Nazareth, qui tire la sonnette d’alarme sur les falsifications auxquelles se livre l’archéologie au service de l’Etat d’Israël et de l’annexion de terres qui se poursuit dans Jérusalem et tout autour de la ville.
« Quand le roi David embauche pour expulser les Palestiniens, ou quand l’archéologie se transforme en malédiction »
par Jonathan Cook
« A partir de l’extérieur des murs de la vieille ville de Jérusalem, simples maisons en pierre ou maisons en parpaing de Silwan dégringolent en cascade vers le sud de la vallée, connue sous le nom de Bassin Sacré.
Les habitants palestiniens ont l’habitude de vivre à l’ombre de l’histoire et de la religion, étant donné la forme physique, si impressionnante du grand dôme d’argent de la mosquée d’al Aqsa et la présence imposante du Mont des Oliviers. Mais dernièrement, l’histoire est devenue une malédiction pour la plupart des habitants de Silwan.
« Nous avons des cameras partout qui nous observent nuit et jour », indique Jawad Siyam, 39 ans. « Des gardes israéliens armés ratissent nos rues. Nos espaces ouverts, là où je jouais quand j’étais enfant, son devenus des zones à éviter ».
La raison ? Le nombre grandissant de colons qui se sont installés à Silwan depuis le début des années 90 au nom d’un « droit biblique » à cette terre. Au moins 50 familles juives, comprenant 250 personnes, se sont emparées d’habitations palestiniennes parsemées dans Silwan et les ont transformées en enceintes fortifiées sur lesquelles flottent des drapeau israéliens.
Des conquêtes identiques s’opèrent hors de notre vue dans toutes les zones palestiniennes de Jérusalem-Est occupée. Les organisations de colons, soutenues par des donateurs privés depuis l’étranger, espèrent rendre impossible un accord de paix et s’assurer ainsi que Jérusalem-Est ne deviendra jamais la capitale de l’état palestinien.
Mais il ny’a pas qu’à Silwan que les colons ont défié le droit international aussi ostensiblement, en recrutant ouvertement une masse de fonctionnaires israéliens, depuis l’Autorité des Antiquités jusqu’à la municipalité de Jérusalem.
La prise de Silwan est organisée par une nébuleuse, connue sous le nom d’Elad quia été préférée à l’Autorité de la Nature et des Parcs pour conduire un important chantier archéologique dans le centre du village.
Avec des fonds fournis par de mystérieux soutiens russes et étatsuniens, Elad a transformé Silwan en « Ville de David ». Même les panneaux indicateurs oublient l’existence de ce village palestinien et de ses dizaine de milliers d’habitants.
Le cœur de la « Ville de David » est un parc archéologique qui occupe toute l’étendue de Silwan.
« Les colons ont commencé par s’emparer des maisons autour du site » dit Mr Siyam, dont la maison grand-maternelle est l’une des premières à avoir été saisie en 1994 après la mort de la vieille dame. « Puis on leur a donné le principal site de fouilles, et ils ont construit de nouvelles maisons dans le parc. Et maintenant qu’ils ont trouvé de nouveaux sites, la terre est de plus en plus inaccessible, avec des murs partout, et des fouilles de plus en plus nombreuses sous nos maisons. »
Ces fouilles ont provoqué des fissures de plus en plus nombreuses dans les maisons palestiniennes, entamée l’an dernier pour déterrer un canal de drainage qui, « daterait de la période du roi Hérode ». Les habitants de Silwan craignent que les fondations de leurs maisons n’aient subi de très graves dommages.
La fouille entendait être faite jusqu’à une profondeur de 600 mètres sous les murs de la Vieille Cité de Jerusalem, mais le tribunal l’a fait arrêter en février dernier, après avoir constaté que les archéologues étaient en train de fouiller sans licence. Toutefois, Elad a récemment commencé à creuser d’autres tunnels.
Elad a investi d’énormes sommes d’argent dans les fouilles et a passé contrat avec la principale entreprise d’archéologie – L’Autorité des Antiquités – pour superviser les découvertes de ce qui est censé être le lieu originel de Jérusalem.
« Pour eux l’archéologie est un outil qui, même bidon, fournit une couverture à leur agenda politique qui est l’expulsion des Palestiniens de Silwan », déclare Yonathan Mizrachi, ancien archéologue attaché à l’Autorité des Antiquités. « Et il est rageant de constater qu’ils sont en train d’organiser l’agenda de l’Autorité des Antiquités ».
M. Mizrachi et deux autres archéologues ont conduit, depuis janvier, d’autres expertises de la « Ville de David » pour tenter de mettre en échec les desseins d’Elad, qui prétendait avoir exhumé le palais du roi David vieux de 3000 ans, faisant ainsi de Silwan la capitale d’un ancien royaume israélite.
Mais des archéologues dissidents affrontent une tâche herculéenne. L’an dernier, 350 000 touristes ont été pilotés à travers le site par les guides d’Elad, alors que les visites alternatives rassemblent une douzaine de visiteurs dans les meilleurs des cas.
« SI Elad arrive à convaincre les gens que cet endroit fut un jour le royaume du Roi David, alors il sera plus facile pour eux de justifier leur prise de Silwan et le « nettoyage » de la population palestinienne « , souligne Mr Mizrahi.
L’archéologue en charge des excavations dans la Ville de David, Eilat Mazar, affirme avoir réuni des preuves dans la forme des anciens murs de pierres qui seraient des vestiges du palais du Roi David. Mais Rafi Greenberg, professeur d’archéologie à l’université de Tel Aviv, qui fit partie de l’équipe qui avait excavé le site à la fin des années 70, considère le travail fait sous la supervision d’Elad comme de la « mauvaise science ».
Et ses inquiétudes ont été largement et publiquement partagées par des archéologues israéliens. Au milieu des années 1990, Elad a dû affronter une bataille juridique à propos des dommages infligés par ses fouilles aux anciennes reliques. En 1997 l’Autorité des Antiquités a lancé un avertissement contre la remise du parc aux mains d’Elad. Et en 1998 des archéologues de l’Université Hébraïque de Jérusalem ont pétitionné auprès de la Cour Suprême contre la mauvaise gestion du site de la « Ville de David » par Elad.
Pourtant, alors que le contrôle d’Elad sur Silwan s’est resserré, et que la popularité de la « Ville de David » s’est étendue, les voix dissidentes sont redevenue muettes. L’Autorité des Antiquités, avec son budget restreint, a besoin des financements d’Elad. Et les archéologues, qui dépendent de l’Autorité pour leurs travaux, n’osent pas critiquer ouvertement la participation d’Elad.
Lorsqu’on a appris en juin denrier que des douzaines de squelettes datant de la période primitive de l’Islam, et découverts à Silwan près de la Mosquée al Aqsa, avaient été jetés sans examen, aucun archéologue n’a voulu s’exprimer devant un micro. L’Autorité des Antiquités s’est contentée d’admettre plus tard l’existence d' »un sérieux problème ».
Des historiens et des archéologues de renom d’autres pays, ont lancé une pétition réclamant que le site soit soustrait au contrôle d’Elad.
Pour Yonathan Mizrachi, aucune preuve physique ne montre que le Roi David ait jamais utilisé ces bâtiments, malgré le nombre d’études effectuées sur ce site. « Même si nous avions trouvé une inscription en hébreu disant « Bienvenue au palais du Roi David », ajoute-t-il, cela ne justifierait pas les buts politiques d’Elad. Les habitants de Silwan et leurs ancêtres vivent ici depuis des centaines d’années, et on ne peutignorer leurs droits. Toutes les fois qu’un site chrétien est découvert en Israël, devrait-on en donner la terre au Vatican et expulser les Israéliens de leurs foyers ? »
Mais il n’y a pire sourd que celui qui ne veut entendre.
Selon une série de rapports parus dans les media locaux, le gouvernement, les archéologues d’état, la municipalité de Jérusalem et la police se sont tous entendus avec Elad et une autre association de colons, Ateret Cohanim, pour étendre le contrôle des colons sur Silwan.
Une série de jugements rendus par les tribunaux il y a plus de dix ans ont établi que les colons falsifiaient les documents pour s’emparer des terres et des propriétés des familles palestiniennes, et qu’ils avaient construit en contravention avec les lois régissant l’urbanisme local. Ces jugements sont restés lettre morte, la municipalité et la police ne levant pas le petit doigt pour faire appliquer ces jugements. Pire, c’est le gouvernement israélien qui finance les gardes qui continuent à veiller sur ces maisons illégales.
Le mois dernier, Yossi Havillo, conseiller juridique de Jérusalem a souligné que le refus de la municipalité d’appliquer un ordre d’expulsion déjà vieux à huit familles de la colonie appelée Beit Yehanatan aller souligner la politique du deux poids, deux mesures de la municipalité qui n’hésitait pas à faire exécuter des démolitions quand il s’agissait de maisons arabes.
En 2005 en effet, sous la pression d’Elad, la démolition de 88 maisons palestiniennes avait été ordonnée par la municipalité dans le quartier de Bustan, juste en dessous du site archéologique d’Elad. Uri Sheetrit, l’ingénieur de la ville, avait justifié cette démolition par des risques d’inondation. Ces ordres ont été temporairement suspendus sous la pression internationale.
A l’opposé, la municipalité prend toujours part à à l’expansion des colonies de Silwan. En mai, Elle a commencé à approuver un plan soumis par Elad pour un nouvel ensemble de maisons, avec synagogue, jardin d’enfants, bibliothèque et parking souterrain pour 100 voitures, dans la localité.
Des conseillers soutiennent aussi la confiscation de la terre de neuf propriétaires privés palestiniens pour la création d’un parking destiné à la « Ville de David ». En juillet dernier, le tribunal avait rejeté cette décision. Mais « selon un schéma qui nous est familier, dit Mr Syiam, le jour où le tribunal a publié sa décision, la police a assailli la maison de ceux des Palestiniens qui avaient déposé la plainte, et les ont arrêtés ».
De semblables arrestations sont intervenues au début de l’année quand des habitants avaient pétitionné pour faire stopper les excavations sous leurs maisons.
Même si Shuka Dorfman, directeur de l’Autorité des Antiquités, a récemment déclaré aux journalistes qu’il était contre le fait « de mélanger la politique à l’archéologie ».
Jonathan Cook
26/9/08
Jonathan Cook est l’auteur de « Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the Plan to Remake the Middle East » (Pluto Press) et « Disappearing Palestine : Israël’s Experiments in Human Despair » (Zed Books)
(Traduit par Carole SANDREL)
CAPJPO-EuroPalestine