Le quotidien allemand Der Spiegel donne la parole à ces quelques refuzniks israéliens, complètement à contre courant de leur propre opinion publique, qui cautionne les massacres de l’armée israélienne.
Les Israéliens, subissent certes la propagande israélienne jour et nuit, et cela depuis leur naissance, mais comment peuvent-ils se regarder encore dans une glace face à ce génocide ? Le présent des Palestiniens est atroce, mais nous ne donnons pas cher de l’avenir des Israéliens.
« Opposants à la guerre dans leur propre pays
Ulrike Putz, DER SPIEGEL, 9.01.2009
Israël sévit durement contre les opposants et les manifestants. « Nous sommes une minorité mais notre nombre augmente » : les objecteurs de conscience israéliens se mobilisent contre les attaques militaires dans la Bande de Gaza. L’Etat réagit durement : des manifestants sont arrêtés, des opposants se retrouvent en geôle.
Tel Aviv. L’émetteur était une voix électronique qui disait « Ici l’armée israélienne, ceci est un communiqué important. Veuillez indiquer votre numéro de mobilisation pour vérification de votre identité ». Noam Livne, son portable à l’oreille, savait qu’avec l’ordre de mobilisation une guerre avait débuté pour lui aussi. Mais elle aurait lieu sur une scène autre que la Bande de Gaza. Parce qu’il refuse l’attaque contre le Hamas, il refusera le service armé. Et Livne sait qu’en conséquence il passera en jugement et sera emprisonné. « C’est un combat que je suis prêt à livrer ».
Livne est encore libre. Le jeudi soir, cet homme de 35 ans se trouve avec quelque 250 autres devant le Ministère de la Défense : « Nous nous refusons à combattre à Gaza », « Détruire Gaza mène à la terreur » peut-on lire sur les banderoles que brandissent les manifestants. La veille, l’association des réservistes « Le courage de dire non » avait publié une annonce à la une du quotidien israélien HAARETZ et appelé à protester. « Il importe que notre voix soit entendue » dit Arik Diamant, du groupe des réservistes. « Nous sommes ceux qui savent ce que combattre veut dire ». La plupart sont des trentenaires. Presque tous ont servi dans les territoires occupés, dit Diamant, « nous savons ce qu’a d’immoral une guerre dans une bande de terre occupée comme Gaza ».
91% des Israéliens soutiennent la guerre. Au premier jour du conflit , un millier de personnes ont manifesté dans les rues. Une semaine plus tard, ils étaient 10 000. Mais il est improbable que le nombre des participants connaisse une augmentation notoire lors de la prochaine grande manif annoncée. Le journal israélien à grande diffusion MAARIV a diffusé vendredi un sondage relatif aux opinions sur la guerre contre le Hamas. Environ 91% des sondés déclarent soutenir la guerre. A peine 4% déclaraient être contre. A peine 5% avouaient n’avoir pas d’opinion ou ne pas vouloir répondre.
De fait, après deux semaines de guerre il n’y a que peu de voix protestataires – et ce sont toujours les mêmes. Parmi les manifestants du jeudi soir, il se trouvait à peine quelqu’un qui descendait dans la rue pour la première fois. Presque tous les manifestants sont membres d’associations pacifistes ou de défense des Droits de l’Homme. Depuis le début de la guerre, ils se rencontrent presque chaque soir. Le week-end, ils sillonnent ensemble le pays pour donner une audience à leur voix.
La police a la main lourde contre les manifestants. Elle intervient durement : environ 600 manifestants ont été jusqu’ici arrêtés, 225 sont encore incarcérés, 175 sont accusés d’atteinte à l’ordre public et d’entrave à la circulation. C’est ce qu’écrivent les médias israéliens dans les rares articles qu’ils consacrent aux opposants. Interrogée par SPIEGEL ONLINE, la police n’a pas fourni de chiffres précis. « Il y a plus de 300 détenus » a indiqué un porte-parole de la police.
Keren Manor est resté trois jours en prison avec 18 compagnons qui partagent la même opinion. Ils s’étaient couchés à l’entrée de la base aérienne Sde Dov. Tous portaient des combinaisons blanches sur lesquelles la couleur rouge symbolisait le sacrifice de victimes innocentes. « Nous voulions rappeler aux pilotes leur responsabilité personnelle » dit Manor. Selon lui, la police a jeté en prison tous les manifestants, quoique, à la demande des employés, ils aient dégagé la voie. Ce n’est que trois jours plus tard qu’ils ont été libérés. « Et encore, nous avions la chance d’être des Juifs israéliens », dit Manor, « la plupart de ceux qui sont encore en geôle sont des Palestiniens avec une carte d’identité israélienne ». Les associations de défense des Droits de l’Homme en Israël confirment que la plupart de ceux qui sont maintenus en détention sont des Arabes israéliens.
Ulrike Putz
DER SPIEGEL, 9.01.2009
(Traduit de l’allemand par Anne-Marie PERRIN)
CAPJPO-EuroPalestine