Un des nombreux témoignages, celui du Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme (PCHR), que la Cour Pénale internationale devra examiner, à la demande de 300 associations, au nom desquelles Me Gilles Devers a déposé plainte pour crimes de guerre israéliens.
« Comment les infirmiers palestiniens risquent leur vie pour secourir les morts, mutilés et blessés à Gaza
(Texte rédigé par le PCHR le 12/1/2009)
« On travaille vingt-quatre heures par jour – on ne dort que quand il n’y a pas de bombardements israéliens. Le reste du temps, c’est notre devoir de rester au travail – voilà des jours que je ne suis pas allé chez moi, et je ne peux pas croire à la situation à laquelle nous sommes confrontés. Quatre-vingt dix-neuf pour cent des victimes blessées que nous essayons de secourir ont déjà perdu un bras ou une jambe, ou les deux.
Khalid Youssef Abou Sa’ada vit dans le camp de réfugiés au nord de la Bande de Gaza et il travaille comme ambulancier à l’hôpital Al-Awda dans la ville voisine de Jabaliya, risquant sa vie pour évacuer les morts, mutilés et blessés victimes des attaques des Forces d’Occupation Israéliennes (F.O.I).
« Il y a quelques jours, je conduisais mon ambulance dans Beit Lahia quand les Israéliens nous ont bombardés », dit-il. « Ils ont lancé un obus sur nous, et deux minutes après ils en ont lancé un autre. J’étais avec deux infirmiers – les obus israéliens ont tué l’un des deux, Arafa Abdul Dayem, et l’autre, Ala Sarhan, a été gravement blessé. Il ne peut pas travailler parce qu’il est maintenant à l’hôpital, paralysé ». Ce n’était pas la première fois que Khalid Sa’ada et ses collègues avaient été attaqués par les F.O.I. alors qu’ils tentaient de porter secours à des civils. « Voilà quelques jours, nous essayions de secourir un jeune garçon qui avait été blessé à Beit Lahia quand les Israéliens nous ont bombardés », raconte-t-il. «La bombe est tombée juste au moment où nous étions en train d’évacuer le patient dans notre ambulance – la force de l’explosion lui a arraché la tête ».
Selon Khalid Sa’ada, l’hôpital Al Awda a deux ambulances et toutes deux ont été détruites par les F.O.I. durant leur massive opération en militaire cours à Gaza. Il dit qu’il conduit maintenant une ambulance qui a été donnée à l’hôpital par la Société du Croissant Rouge Palestinien. Depuis que les F.O.I. ont déchaîné l’Opération Plomb Fondu le 27 décembre, environ 983 Palestiniens ont été tués, y compris au moins 673 civils, parmi lesquels approximativement 225 sont des enfants. Sept membres au moins du personnel médical palestinien comptent parmi les morts, tués par les F.O.I. alors qu’ils étaient en service au secours des morts et des blessés. Le Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme a enquêté sur les meurtres de personnel médical durant l’opération militaire en cours. Ses résultats indiquent que les F.O.I. ont délibérément visé du personnel médical.
Le 31 décembre 2008, l’infirmier Mohammed Abou Hasera, âgé de 21 ans, a été tué à Jabal Alrees à l’est de la ville de Gaza quand les F.O.I. ont bombardé une ambulance où il se trouvait et qui appartenait au Ministère palestinien de la Santé. Son collègue, le docteur Ehab al-Madhoun, a aussi été gravement blessé et il est décédé à l’hôpital par suite de ses blessures. Le 4 janvier 2009, les infirmiers Yasser Shubeir, Anas Naim et Rafat Abdul Aal tous trois été tués tués dans le quartier Tal Al Hawa de la ville de Gaza tandis qu’ils tentaient d’évacuer des civils blessés. Ils étaient arrivés à Tal Hawa en ambulance et lorsque les F.O.I. ont bombardé celle-ci, les trois infirmiers ont essayé de secourir les blessés à pied, poussant devant eux leurs chariots médicaux. Visés par un obus des F.O.I., les trois hommes ont été instantanément tués. L’infirmier Arafa Abdul Dayem a été tué le même jour pendant qu’il était en service à Beit Lahia.
Les victimes les plus récentes des F.O.I. dans la profession médicale sont morts à Jabalya le 12 janvier. Le docteur Eysa Saleh, trente-deux ans, travaillait avec les Services de Sécurité Médicale quand il a été appelé vers l’immeuble Al Bama, un secteur résidentiel, dans la rue Al Zarqa à Jabaliya. Au moment où lui-même et son collègue Ahmed Abu Fuul, vingt-cinq ans, tentaient d’évacuer un cadavre vers une ambulance stationnée dans la rue, ils ont été pris pour cible par un tir d’obus des F.O.I. La tête arrachée du docteur Salah est venue frapper son collègue. Ahmed a été hospitalisé avec des blessures au dos et à la tête.
Le droit humanitaire international interdit explicitement l’attaque d’organismes et de personnels médicaux. La Quatrième convention de Genève établit que tout « personnel engagé dans la recherche, l’évacuation, le transport et les soins de civils blessés et malades (…) doit être respecté et protégé (Article 20). En aucune circonstance, les personnels médicaux engagés dans leurs devoirs légitimes ne doivent faire l’objet d’une attaque. Prendre directement pour cible le personnel médical constitue un crime de guerre ».
Médecins, infirmiers, conducteurs d’ambulances et autres personnels médicaux à Gaza sont tous épuisés, complètement submergés par l’ampleur des morts et des blessés à quoi ils ont à faire face, jour et nuit, en s’efforçant de traiter même ceux dont les blessures sont les plus horribles et critiques, tout en étant eux-mêmes sur la ligne de front.
« Nous savons qu’il reste beaucoup de gens que nous ne pouvons pas atteindre, parce que certaines zones sont trop dangereuses et que nos ambulances sont délibérément visées par les Israéliens », dit Khaled Sa’ada, qui parle calmement, comme un homme qui a déjà vu le pire. Mais malgré les dangers pour leur propre vie, lui et ses collègues, dévoués et à bout de force, continuent chaque jour à travailler, témoins du sanglant carnage des attaques indifférenciées d’Israël contre des civils palestiniens.
« Hier, aux alentours de dix heures du matin, nous étions à Tell Il Zatar à Jabaliya », dit-il. « Tandis que je conduisais, j’ai vu devant moi un homme qui descendait le long de la rue. Un instant plus tard, cet homme a été frappé par un missile qui a déchiré son corps en deux, sous nos yeux. La situation ici à Gaza est inimaginable – mais nous continuons à faire de notre mieux – parce que, comme je vous l’ai dit, c’est notre devoir. »
PCHR à Gaza
(Traduction de Anne-Marie NAFFAKH pour CAPJPO-EuroPalestine)
CAPJPO-EuroPalestine