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Egypte : une mobilisation exemplaire contre la violence policière

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Nous sommes tous Khaled Said : la plus grande campagne d’activisme en ligne du monde arabe, contre la violence policière et le mensonge en Egypte. Où l’on voit comment la mobilisation peut commencer sur internet et se développer de manière multiforme sur le terrain, y compris dans des régimes dictatoriaux.


Info publiée par Bylasko sur le site de Michel Collon, Investig’Action

Khaled Said a été inter­pelé, le 6 juin der­nier, dans un cyber­café de son quar­tier d’Alexandrie en Egypte. Il a été battu à mort par deux poli­ciers, en pleine rue et sous le regard de tous, pour avoir dif­fusé sur le web une vidéo mon­trant les forces de l’ordre en train de se par­ta­ger de la drogue et de l’argent sai­sis à la suite à un coup de filet. Le rap­port du méde­cin légiste avait conclu rapi­de­ment à une mort par asphyxie, suite à l’ingestion d’un sachet de can­na­bis qu’il aurait tenté de dis­si­mu­ler ainsi aux poli­ciers venus l’arrêter. Les auto­ri­tés Egyptiennes affir­maient de leur coté que Khaled Said était toxi­co­mane. Somme toute, un banal fait divers. Circulez, il n’y a rien a voir.

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La cam­pagne « Nous sommes tous Khaled Said », lan­cée sur Facebook et qui réuni à ce jour pas loin d’un quart de mil­lions de « fans » (lien de la page en arabe), soit près de 10% des uti­li­sa­teurs de Facebook en Egypte, a fait voler en éclat le men­songe gou­ver­ne­men­tal en mon­trant la photo de Khaled après son décès. Mutilé et com­plè­te­ment défi­guré, il était clair qu’il était mort sous la tor­ture (la photo est à décon­seiller aux âmes sen­sibles)

La page de sou­tien à Khaled Said est deve­nue en quelques jours la plus sug­gé­rée entre les uti­li­sa­teurs de Facebook en Egypte, et un compte Twitter bilingue arabe et anglais été créé (Elshaheeed, tra­duit « le mar­tyr »). L’administrateur du compte Twitter a par la suite lancé le hash­tag #KhaledSaid, et a tenté d’en faire un « tren­ding topic » à deux reprises avec l’aide des sym­pa­thi­sants du monde arabe, notam­ment en ciblant les uti­li­sa­teurs influents de Twitter, dont le jour­na­liste et blo­gueur égyp­tien Wael Abbas.

Sur Facebook, la fédé­ra­tion de sym­pa­thi­sants s’est faite plus impo­sante de jour en jour : dif­fu­sion de mes­sages, chan­ge­ment de photo de pro­fil, upload de pho­tos per­son­nelles avec des pan­cartes affi­chant leur soutien…
De Facebook à inter­net, puis au monde réel

L’une des com­po­santes qui a fait le suc­cès de cette cam­pagne d’activisme en ligne a sans nul doute été l’existence d’une adresse email de contact et d’un blog assez com­plet, ras­sem­blant toutes les infor­ma­tions sur l’affaire Khaled Said.

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Beaucoup d’artistes ont ral­lié la cause, plu­sieurs chan­sons ont été éditées à la mémoire de Khaled, des comé­diens et des acteurs pré­sents dans les média Egyptiens se sont mobi­li­sés et ont même par­ti­cipé aux « silent stands » qui s’organisaient régu­liè­re­ment sur la page Facebook.

Plus effi­cace encore que les flash­mobs, ce mode de mani­fes­ta­tion paci­fique a beau­coup fait par­ler de lui en Egypte. Les « silent stands » avaient lieu simul­ta­né­ment dans plu­sieurs régions égyp­tiennes, et ont réuni de très nom­breux citoyens. La vio­lence employée par la police pour répri­mer les mani­fes­tants n’a fait qu’envenimer les choses.

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Changement de cap (ou de mensonge)

Ayant réa­lisé que la situa­tion était deve­nue incon­trô­lable, le gou­ver­ne­ment a changé de stra­té­gie : ils ont pré­senté une nou­velle ver­sion des faits, affir­mant que Khaled Said se serait fait tuer suite à la conver­sion de ses frères au judaïsme et à leur demande de natu­ra­li­sa­tion amé­ri­caine. Khaled, soupçonné d’être tenté de les rejoindre, aurait donc été assas­siné par des isla­mistes, ce qui, au regard de son tout nou­veau sta­tut de traitre, n’était pas bien grave, fina­le­ment. Par contre, plus ques­tion de toxicomanie.

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Pour appuyer ses affir­ma­tions, le gou­ver­ne­ment fit cir­cu­ler une photo qui ne fai­sait guère que démon­trer sa faible mai­trise de Photoshop.

Elle fut immé­dia­te­ment dénon­cée sur Facebook.

Les mili­tants, de leur coté, sont pas­sés à l’étape sui­vante : ils ont demandé à tout le monde d’écrire « Non à la tor­ture, non à l’Etat d’urgence, ce pays est le nôtre : Nous sommes tous Khaled Said », ainsi que d’autre mes­sages reven­di­ca­tifs sur tous les billets de banque qui leur pas­sait dans les mains afin de dif­fu­ser leur mes­sage sur quelque chose dont il est dif­fi­cile d’arrêter la cir­cu­la­tion : l’argent.

La cam­pagne « Projet du mil­lion de billets de banque » fai­sait sor­tir le mili­tan­tisme du online, avec un cer­tain succès.

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Il faut dire que la bru­ta­lité poli­cière est un fléau endé­mique en Egypte dont la page de sou­tien a Khaled Said se fait l’echo, et cette cam­pagne n’a fait que faire explo­ser une colère trop long­temps conte­nue chez de nom­breux citoyens Egyptiens. Elle a été l’occasion de mettre à jour un nombre impres­sion­nant de bru­ta­li­tés dont le témoi­gnage n’a fait qu’ajouter à la colère : des per­sonnes âgées brû­lées dans un com­mis­sa­riat, un enfant mort sous la tor­ture, des indi­vi­dus vio­lés (der­niè­re­ment, une femme en niqab a été vic­time de viol par des poli­ciers), des har­cè­le­ments et des menaces de toutes parts…

Au centre de la polé­mique : l’Etat d’urgence, décrété suite à l’assassinat du pré­sident Anouar el-Sadate en 1981 et reporté d’année en année depuis, et qui a été assou­plit récem­ment mais sans que cela soit visi­ble­ment sui­vit d’effets.

La page Facebook suit désor­mais toute affaire de bru­ta­lité poli­cière et d’abus de pou­voir, l’affaire Abderrahmen Achref a par exemple a été démê­lée grâce aux efforts des internautes.

L’administrateur de la page Facebook a bien reçu des menaces de la part des poli­ciers, et beau­coup d’opposition chez cer­tains membres de Facebook, mais il conti­nue à pos­ter les pho­tos et les infor­ma­tions rela­tives à l’identité des poli­ciers qui abusent de leur pou­voir, notam­ment en insul­tant ou en agres­sant les manifestants.

Les deux meur­triers de Khaled Said attendent, eux, la sen­tence qui sera pro­non­cée à leur égard par la cour.

Source : http://www.michelcollon.info/Nous-sommes-tous-Khaled-Said-la.html

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