RFI rend hommage au grand dessinateur Carlos Latuff, dont on ignore souvent en France le rôle important qu’il a joué dans les soulèvements du monde arabe.
Carlos Latuff, le dessinateur du « printemps arabe »
Par Taíssa Stivanin
Les dessins du Brésilien Carlos Latuff ont illustré les pancartes, les T-shirts et les murs de la place Tahir pendant les manifestations du « printemps arabe », devenant un véritable symbole de la contestation. Non seulement en Égypte, mais aussi en Tunisie, au Bahreïn, au Yémen et en Libye. Un an et quelques régimes renversés plus tard, il met toujours son crayon au service des opposants. Portrait d’un activiste controversé du web 2.0.
Le dessinateur brésilien Carlos Latuff ne parle pas l’arabe et n’a jamais mis les pieds en Égypte, mais ses images sont devenues le symbole de la révolte égyptienne de la place Tahir. Sur Twitter, Carlos partage ses dessins avec quelques 72 355 abonnés. Une armée virtuelle qui lui a permis de devenir célèbre de l’autre côté de l’Atlantique. Car c’est en partie grâce à ses tweets que le dessinateur a été repéré par les activistes en Égypte au tout début de la révolution, le 25 janvier 2011. « Deux jours avant le début des manifestations, les organisateurs m’ont envoyé un message sur Twitter. J’avais déjà dessiné pour les Tunisiens, mais ce n’était pas la même chose de travailler pour l’Égypte, car je me disais que la machine répressive dans le pays était plus sophistiquée », explique-t-il.
Ses images étaient utilisées comme un outil de lutte
Au départ, Carlos a fait seulement cinq dessins pour les Egyptiens. Il s’est alors rendu compte que ses images étaient utilisées comme un outil de lutte contre la dictature et a donc proposé de continuer sa collaboration jusqu’au 12 février – date de la chute de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak. « En principe on a imaginé que, après la chute de Moubarak, l’Égypte pourrait vivre une nouvelle ère, mais la dictature a juste été remplacée par une dictature militaire. Le système mis en place par Moubarak n’était pas fini, juste lui était fini », remarque-t-il.
Après la chute de Moubarak, le Conseil suprême des forces armées (CFSA) assume le pouvoir et la transition promise se prolonge, ainsi que la violence. Dans les rues, des milliers de manifestants dénoncent les prisons arbitraires, la violence faite aux femmes lors de heurts avec la police et l’abus de pouvoir. Au mois de juin, Carlos est recontacté par les activistes égyptiens. Il se met alors à critiquer les militaires, avec notamment l’emprisonnement de cyberdissidents très connus dans les réseaux sociaux. « Cela a été plus complexe, car la population au départ avait de la sympathie pour les militaires », raconte-t-il, « mais peu à peu les irrégularités ont fait surface, ce qui a rendu la communication avec le public plus facile.»
« Je n’ai pas besoin d’être noir pour lutter contre le racisme ou d’être femme pour soutenir l’égalité des sexes »
Ce 25 janvier, lors de l’anniversaire de la révolution, Carlos a décidé, par exemple, d’ironiser sur la distribution de cadeaux à la population, en guise de commémoration, proposée par le CFSA. « C’est plus que de la démagogie, c’est une blague », réagit-il.
Carlos Latuff est engagé dans plusieurs causes, comme son discours le démontre. Antiaméricain assumé, militant pro-palestinien, il jure que cela n’a aucun rapport avec une origine lointaine : son nom de famille, Latuff, hérité d’une grand-mère libanaise. « Je n’ai pas besoin d’être noir pour lutter contre le racisme ou d’être femme pour soutenir l’égalité des sexes », argue-t-il. Le déclic, il l’a eu lors d’un voyage dans les territoires occupés, en 1999. Depuis, le dessinateur a même été accusé d’antisémitisme, ce qu’il conteste. « Je dessine pour toutes les revendications que je trouve juste, partout sur la planète.» Ses dessins ont fait le tour des cortèges du « printemps arabe ». Ils ont été ainsi diffusés par l’opposition au Bahreïn, au Yémen, en Tunisie et en Libye, soit partout où a soufflé le vent de la démocratie tant attendue. « Tant que les activistes veulent de moi, je vais continuer à dessiner. »
Ses dessins sur son blog : http://latuffcartoons.wordpress.com/.
– Bio express :
– Nom : Carlos Latuff
– Né le 30 novembre 1968 à Rio
– 1999 : Voyage en Cisjordanie
– 2011 : Dessine pour les activistes en Égypte, Libye, Bahreïn, Tunisie et au Yémen.
– http://latuff2.deviantart.com/
– Twitter : @CarlosLatuff
Source : http://www.rfi.fr/ameriques/20120131-egypt-tahir-tunisia-bahrein-yemen-arab-spring-printemps-arabe
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