La répression du mouvement des Frères Musulmans, dont le président élu Mohamed Morsi a été renversé mercredi par un coup d’Etat militaire, a déjà fait des dizaines de morts au cours des dernières 48 heures.
Vendredi après-midi, l’armée a tiré sur un cortège de manifestants qui s’approchaient de la caserne du Caire où Mohamed Morsi est détenu, faisant au moins trois morts et plusieurs blessés.
Partout dans le pays, les auteurs du putsch, dirigé par le général Abdel Fattah Al-Sissi, un homme notamment formé aux Etats-Unis, ont engagé une vaste offensive contre les Frères Musulmans, plus de 300 mandats d’arrêt ayant été émis contre leurs dirigeants et tous leurs médias (journaux, radios, télévisions) étant interdits ou coupés.
La situation en Egypte ne manque pas d’aspects contradictoires, puisque le président élu, Morsi, a manifestement suscité un vaste mécontentement populaire depuis son arrivée au pouvoir il y a seize mois.
On le doit –ce que les médias négligent le plus souvent de mentionner-, non pas tant à un exercice « dictatorial » du pouvoir (après tout, la liberté d’expression, conquise par le peuple égyptien avec son sang en 2011 était restée jusqu’au coup d’Etat supérieure à ce qu’elle était sous le règne de Moubarak), qu’à l’incapacité totale de Morsi et son équipe à satisfaire un minimum des revendications économiques des couches populaires.
Pendant les seize mois où il a exercé la présidence, Morsi ne s’est à aucun moment attaqué au système social profondément injuste qui mine l’Egypte depuis des décennies. Un système dans lequel l’armée, qui possède des pans entiers de l’appareil industriel et commercial, occupe une place prépondérante.
Au contraire, Morsi avait choisi de composer avec la caste militaire, n’ayant d’autre ambition que de partager le gâteau avec les généraux, tout en acceptant les injonctions du FMI à libéraliser à tout va, c’est-à-dire à appauvrir encore plus des millions de citoyens. Dans le domaine extérieur, la politique de Morsi vis-à-vis de la Palestine ne s’est que très marginalement distinguée de l’alignement sur l’axe américano-israélien en vigueur sous Moubarak.
Pour cette raison, aucun effort n’a été entrepris pour détruire le complexe militaro-industriel qui dirige l’Egypte depuis des décennies.
C’est pourquoi, lorsque l’Etat-major a estimé, ces derniers jours, qu’il avait intérêt à reprendre ouvertement les leviers de commande, il a opté pour le coup d’Etat. Côté occidental, on est évidemment un peu –mais pas beaucoup- gêné par un déni aussi cynique de la légitimité issue du suffrage universel. Hollande et Obama font mine de s’en offusquer, mais gageons, par exemple, que l’aide militaire américaine de 1,5 milliard de dollars par an à l’armée égyptienne ne sera pas supprimée pour autant.
Pourvu que cet argent serve la « bonne cause », s’entend, à savoir qu’il serve à réprimer le peuple, et surtout pas à remettre en cause les bonnes relations avec Israël.
Il est symptomatique, de ce point de vue, que les premiers gestes des putschistes concernant le peuple palestinien soient ceux d’un net durcissement.
Le politologue Nabil Ennasri signalait ainsi, vendredi, que 500 pèlerins gazaouis qui s’apprêtaient à prendre l’avion pour se rendre à la Mecque pour la Omra du Ramadan ont été refoulés à l’aéroport d’Al Arich. Ils se sont vu notifier le refus d’embarquer juste avant le décollage. Au même moment, l’homme fort de l’armée, Abdelfatah Al Sissi annonçait que les dirigeants du Hamas seront interdits de voyage en Égypte.
De Gaza même, Ayman Qwaider nous adressait de son côté vendredi matin les nouvelles suivantes :
« L’armée égyptienne a ordonné la fermeture de la frontière de Rafah avec la bande de Gaza ce vendredi. Même si celle-ci était ouverte de manière plus qu’aléatoire et restreinte sous Morsi, la situation devient encore plus critique pour les Gazaouis actuellement.
« Il y aurait eu des affrontements hier soir au poste frontière, et selon les informations dont nous disposons un policier égyptien a été tué et deux autres blessés, ce qui aurait amené l’armée égyptienne à fermer la frontière, jusqu’à nouvel ordre », écrit Ayman.
« Une longue liste de Palestiniens étaient enregistrés comme ayant besoin de se déplacer à l’étranger. Ils ne savent pas ce qu’ils vont pouvoir faire.
De manière plus générale, les Gazaouis se retrouvent encore plus pris au piège avec la crise en Egypte. La destruction de tunnels, a entraîné une forte hausse des prix alimentaires ; l’essence est encore plus rationnée, de même que l’électricité.
« Et nous ne savons pas quels accords ont été passés entre l’Egypte et Israël ces derniers temps et plus récemment. Il n’est pas évident qu’il y ait une communication entre les autorités égyptiennes et gazaouies.
« Nous sommes donc suspendus aux infos, mais sans pouvoir être aux première loges et l’angoisse est très vive ».
CAPJPO-EuroPalestine