La police égyptienne a tué 72 manifestants ce week-end, dans ce qui apparait aux yeux de tous les observateurs honnêtes comme une boucherie préméditée.
Tout ceci était parfaitement prévisible, estime ainsi Robert Fisk, témoin direct des événements au Caire, dans le quotidien britannique The Independent.
La totalité des cadavres qu’il a vus à l’hôpital près de la mosquée de Rabaa sont les corps de Frères Musulmans froidement assassinés d’une balle dans la tête, dans les yeux, dans la poitrine, le plus souvent à bout portant, alors qu’ils manifestaient près de la tombe de Anouar Sadate. « Aucun policier ne faisait partie des victimes »‘, écrit-il en précisant que lors de la manifestation, il n’a rencontré qu’un seul manifestant armé.
« Les médecins de l’hôpital étaient horrifiés. Ils baignaient dans le sang des victimes et ont épuisé en deux heures tout l’équipement médical censé servir pendant plusieurs semaines », écrit-il. « De toute ma vie je n’ai rien vu de tel. Pourquoi a-t-on fait cela ? », s’est écrié le D. Ahmed Habib, en état de choc.
Le Général Al-Sisi qui a appelé le peuple égyptien à soutenir sa « lutte contre le terrorisme », commence à inquiéter même les militants du mouvement
Tamarod à l’origine du soulèvement anti-Morsi.
« Ceux-là mêmes qui ressassent depuis des semaines que le 30 juin est une révolution et non un coup d’Etat, ceux qui vendredi encore, place Tahrir, pensaient goûter aux délices de la grande réconciliation égyptienne, se sont réveillés avec la gueule de bois », écrit
Maarwan Chahine, correspondant au Caire de Libération.
«Nous soutenons les plans de l’Etat dans sa lutte contre le terrorisme, mais nous avons déjà souligné que cela ne justifiait pas les lois d’exceptions ou les mesures contraires à la liberté et aux droits de l’homme», a déclaré son leader, Mahmoud Badr, avant d’ajouter : «Nous n’accepterons jamais le retour de l’appareil de sécurité d’Etat de Moubarak.» Une réaction aux propos du nouveau ministre de l’Intérieur, Mohamed Ibrahim, qui, samedi, avait expliqué la flambée de violence par «la fermeture de certains services après le 25 janvier 2011 et une restructuration inadéquate de la police [sous Morsi]», et annoncé la réintégration de certains officiers écartés après la chute de Moubarak.
Ce discours ouvertement contre-révolutionnaire et la répétition des bavures sanglantes laisse craindre un retour de la brutalité et de l’arbitraire policier de l’ancien régime. «Nous ne sommes pas dupes, nous savons que certaines personnes de l’ère Moubarak cherchent à récupérer à leur profit notre révolution. Mais nous ne les laisserons pas faire», affirme un membre important de Tamarod.
« Pourtant des centaines de milliers de personnes – dont les membres fondateurs de Tamarod – ont manifesté sur la place Tahrir, vendredi. Beaucoup tenaient même dans leurs mains le portrait du général Al-Sisi ».
« Mais certains groupes ont refusé de prendre part à la grand-messe pro-armée. C’est notamment le cas du Mouvement du 6 avril ou des socialistes-révolutionnaires qui, dès jeudi, ont affirmé dans un communiqué tristement visionnaire qu’ils «ne voulaient pas signer un chèque en blanc pour commettre des massacres».
Des personnalités liées à la coalition au pouvoir ont dénoncé les violences policières du week-end. Le parti salafiste Al-Nour, qui a soutenu la destitution de Morsi mais avait déjà pris ses distances avec l’armée, a évoqué un«carnage» et son président, Younes Makhyoun, a demandé des «poursuites contre les auteurs». Mohamed El-Baradei, vice-président et principale figure de l’opposition libérale sous Morsi, s’est senti obligé de condamner sur Twitter «un usage excessif de la force », rapporte Libération
Sources :
http://www.independent.co.uk/voices/comment/eyewitness-in-egypt-most-were-shot-in-the-face–only-one-in-the-back-8735098.html
et
http://www.liberation.fr/monde/2013/07/28/en-egypte-la-revolution-confisquee_921380
CAPJPO-EuroPalestine