Ce 17 octobre 2013, une place, dédiée aux victimes de la répression sanglante des Algériens par la police française, le 17 octobre 1961, sera inaugurée officiellement à Strasbourg, grâce à la persévérance du Collectif « D’ailleurs nous sommes d’ici », qui avait été initié par Olivier Lecour Grandmaison.
L’AFP annonce : « Le maire (PS) de Strasbourg, Roland Ries, a donné son accord pour nommer une place de la ville en hommage aux Algériens morts lors de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris, a-t-on appris mercredi auprès des associations ayant formulé la demande. Dans une lettre adressée mardi à Ahmed Faouzi, porte-parole du collectif « D’ailleurs nous sommes d’ici », M. Ries indique avoir donné son « accord pour une telle dénomination », estimant que « de nombreuses raisons plaident en faveur de ce geste symbolique ».
Un collectif d’associations avait formulé cette demande en décembre 2011.La Commission de dénomination des rues et places de Strasbourg, qui se réunira début 2013, examinera la proposition avalisée par le maire. La place du « 17 octobre 1961″ devrait être située au croisement de la rue de la Douane et de la rue de la Division Leclerc, au sud de l’île principale de Strasbourg. Les quelque 80 manifestants présents mercredi pour l’hommage rendu aux Algériens morts à Paris ont posé symboliquement une plaque en carton à l’endroit choisi. Environ 200 Algériens étaient morts le 17 octobre 1961 lors d’une manifestation tenue à Paris contre un couvre-feu visant les Nord-Africains. »
Le Collectif « D’ailleurs nous sommes d’ici 67 » et plus largement toutes celles et tous ceux qui durant des décennies n’ont cessé de se battre pour que la France reconnaisse sa responsabilité dans les massacres du 17 octobre 1961, saluent une telle décision et s’en réjouissent.
Le Collectif rappelle les faits :
« Le soir du 17 octobre 1961 ont lieu à Paris et dans la région parisienne, des manifestations pacifiques selon des consignes claires : « pas d’armes, pas de provocation », à l’appel de la Fédération de France du FLN (Front de Libération National algérien), à la fois contre le couvre-feu discriminatoire en France décrété le 5 octobre 1961, contre la répression policière et pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Un grand nombre d’Algériens appelés alors « Français musulmans d’Algérie » sont tués par la Police en plein Paris. Les manifestants sont frappés par d’énormes bâtons, les bidules, ou sont abattus par balles, jetés dans le Seine. C’est une nuit d’épouvante. L’estimation de l’historien Jean-Luc Einaudi est de 265 morts.
11 538 manifestants sont officiellement détenus ce soir là ; ils sont transférés dans divers stades où ils subissent les pires brutalités.
Le 20 octobre 1961 des femmes algériennes manifestent devant l’Hôtel de Ville de Paris et ailleurs en France, et exigent la libération de leur époux, de leurs enfants. A Paris, 513 d’entre elles et 118 enfants sont conduits dans les commissariats centraux…
L’Etat est représenté par :
Charles de Gaulle, chef d’Etat,
Michel Debré, 1er Ministre,
Roger Frey, Ministre de l’Intérieur,
Maurice Papon*, Préfet de Police de Paris.
Il faut rappeler que les Algérien-ne-s subissent des fouilles, des arrestations et des détentions arbitraires depuis plusieurs mois déjà.
L’Etat de droit est remplacé par un Etat policier et militaire qui commet impunément des crimes, se sert d’une presse muselée par la censure, d’une radio/télévision aux ordres et bloque toute commission d’enquête.
*Maurice Papon est l’ex-préfet du département de Constantine entre septembre 1949 et décembre 1951, puis IGAME de l’Est algérien de février 1956 à mars 1958. Il avait aussi été durant l’occupation allemande : secrétaire général de la préfecture de la Gironde. Il fut condamné le 2 avril 1998 par la Cour d’assises de la Gironde à une peine de 10 ans de réclusion criminelle, d’interdiction des droits civiques, civils et de famille pour « complicité de crimes contre l’Humanité ».
De la manifestation du 17 octobre 1961, M. Papon dressa son bilan en disant qu’il y avait eu 2 morts par légitime défense, alors qu’aucun manifestant n’était armé.
Après le massacre, la CGT demanda la libération des emprisonnés et internés, l’arrêt des expulsions et la suppression des mesures particulières frappant les Algériens. Les étudiants, emmenés par l’UNEF, manifestèrent dans le quartier latin. « Ce qu’on ne sait pas, explique la revue Esprit, ce qu’on entrevoit, ce qu’on saura un jour, c’est le nombre de ceux qui ont été liquidés en secret…Ce qui se passait quotidiennement en Algérie s’est donc produit à Paris, et la Seine charrie les frères des cadavres qui dorment au fond de la baie d’Alger ».
En avril 1961 avait eu lieu à Alger le putsch des généraux contre la république française. En février 1962, face à la montée du terrorisme en Algérie et en France, organisée par des ultras de l’Algérie Française qui avaient créé en février 1961 l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) une manifestation eut lieu à Paris le 8 février 1962. La police chargea et neuf manifestants français de la CGT et du PCF furent piétinés et battus à mort au métro Charonne.
Mais face au danger de l’OAS qui menaçait de faire sauter des parachutistes sur Paris et de s’emparer du pouvoir, l’unité antifasciste contre l’OAS devient essentielle. L’indépendance de l’Algérie, le retour des soldats du contingent, une nouvelle situation nationale et internationale retiennent désormais l’attention. Les massacres du 17 octobre 1961 sont laissés dans l’ombre, d’autant que les documents d’archives sont longtemps inaccessibles aux historiens.
Du côté algérien, au moment des négociations d’Evian et de la lutte pour le pouvoir en Algérie, la Fédération de France du FLN, qui a joué un grand rôle notamment par le financement de la lutte armée par les 131 000 cotisants, est encore marginalisée. La référence au 17 octobre 1961 disparait alors dans les discours des dirigeants algériens.
Après des décennies de rassemblements dans de nombreuses villes de France et de questions posées aux élus, la situation a enfin changé.
Si le massacre commis par la Police française a été occulté, peut-on laisser subsister encore aujourd’hui des zones d’ombre dans notre histoire ? Les historiens doivent avoir accès à toutes les archives. »
Le Collectif « D’ailleurs nous sommes d’ici » ( ATMF 67, ATTAC-Strasbourg, MRAP-Strasbourg, NPA 67, PCF 67) appelle ce 17 octobre 2013 à :
– 17h30 commémoration de ces massacres au Pont du Corbeau
– 18h15 inauguration officielle de la place 17 octobre 1961 au bout de la rue de la Douane
Source : http://strasbourg.atmf.org/17-octobre-2013-a-Strasbourg
CAPJPO-EuroPalestine