(Par Amira HASS) – Les colons ont opéré au cours des deux derniers mois des destructions systématiques d’oliveraies palestiniennes en Cisjordanie, avec la bénédiction de l’armée d’occupation et le silence complice des principaux médias, dénonce lundi la journaliste Amira Hass dans le Haaretz.
« Il est clair que l’armée apprécie au plus haut point la ‘retenue’ de journalistes qui satisfont le droit du public à ne pas savoir », écrit-elle ironiquement, dans un article où l’écoeurement le dispute à la colère.
Des documents qui sont parvenus au quotidien montrent ainsi, pour les seuls mois de septembre et octobre :
• Le 11 sep : 500 arbres calcinés sur des terres appartenant au village de Deir al Khatab
• Le 15 sep : 17 oliviers sciés à la base sur des terres du village de Kafr Laqif
• Le 17 sep : 18 oliviers pareillement sciés (même village)
• Le 20 sep : 27 oliviers brûlés à Kafr Qaddum
• Le 21 sep : 70 oliviers sciés (même village)
• Le 2 oct : nombreux oliviers sévèrement endommagés sur les terres de la famille Raba’i
• Le 2 oct : une trentaine d’oliviers du village de Jitt sérieusement endommagés
• Le 3 oct : 48 oliviers de la famille Shatat sérieusement endommagés
• Le 5 oct : 130 oliviers de la famille Fukha abîmés
• Le 5 oct : 15 oliviers détruits, et la récolte d’olives volée, dans le village deDeir Sharaf
• Le 7 oct : une soixantaine d’arbres sérieusement endommagés, et la récolte d’olives volée, à Jitt
• Le 7 oct : 8 oliviers détruits au village de Ras Karbar
• Le 7 oct : 35 oliviers détruits à Far’ata, et le quart de la récolte volée
• Le 8 oct : quelque 400 oliviers incendiés à Jaloud
• Les 13-14 oct : vignes et oliviers vandalisés à Far ‘ata
• Le 20 oct : des colons juifs d’Yitzhar attaquent des paysans palestiniens qui, avec l’aide de volontaires de l’association israélienne, Les Rabbins pour les Droits de l’Homme, cueillaient les olives. Les assaillants ont utilisé des barres de fer, des matraques et des pierres. Deux paysans et deux volontaires –un homme de 71 ans et une jeune fille de 18 ans ont été blessés.
Le dénominateur commun de cette liste –qui n’est pas exhaustive- est que toutes ces attaques se sont déroulées dans des secteurs de la Cisjordanie dont l’armée israélienne a le contrôle exclusif. Ils se sont produits à proximité immédiate de colonies israéliennes et de leurs avant-postes, toutes gardées par des bataillons de soldats, équipés de tours de guet et de caméras, à Elon Moreh, Karnei Shomron, Kedumim, Ma’on, Sussia, Shavei Shomron, Zayit Ra’anan, La ferme de Gilad, Shiloh et Yitzhar.
Autre élément commun : ces attaques ont eu lieu dans des localités déjà visées antérieurement. Et dans la plupart des villages palestiniens cités, l’armée israélienne, qui n’a pas levé le petit doigt pour mettre fin aux exactions des colons, interdit aux victimes, les Palestiniens, d’accéder à leurs propres terres sauf deux fois par an, le tout sous escorte militaire. C’est pourquoi, hormis pour l’attaque du 20 octobre, les dates mentionnées ne sont pas celles où les attaques ont eu lieu, mais celles où les Palestiniens ont découvert les dégâts.
Les ONG Rabbins pour les Droits de l’Homme et Yesh Din détaillent les incidents survenus jusqu’à la date du 7 octobre. Ils ont envoyé une lettre le 9 octobre aux colonels commandant les brigades installées en Cisjordanie, soit les colonels Avi Balut, Yossi Pinto, Ran Kahane, et Yoav Marom, avec copie au conseiller juridique de l’armée pour la Cisjordanie, Doron Ben-Barak. Cette lettre accuse les officiers de ne pas avoir rempli leurs obligations de protéger les paysans palestiniens et les biens de ces derniers.
Le porte-parole de l’armée a dit qu’il répondrait directement aux associations, mais pas à la presse.
Certains des commandants en passe de finir leur temps de service auront sans doute relevé ces informations dans leurs cahiers personnels, qui contiennent vraisemblablement des rapports similaires sur des attaques similaires les années précédentes. Sitôt quitté l’uniforme, ils diront, lorsqu’interrogés par la presse, qu’ils avaient peur que la révélation de telles attaques ne déclenche des explosions de colère. Et quand on leur demande pourquoi ils sont restés silencieux lorsqu’ils étaient encore sous l’uniforme, ils évoqueront l’antagonisme entre le serment qu’ils ont prêté en tant que soldats d’une part, et la vérité des faits d’autre part.
Les militaires ont fait le serment de protéger les citoyens juifs de l’Etat d’Israël en toutes circonstances. En tant qu’officiers, ils considèrent qu’ils sont là pour protéger leurs propres soldats en toutes circonstances. Mais la vérité socio-historique et le simple sens commun montre que la violence exercée par des citoyens israéliens juifs appelle une réponse et une violence additionnelle. La vérité socio-historique nous enseigne aussi que les gens en uniforme qui exercent leur domination sur une population qui ne les a pas élus pour les diriger sont violents du seul fait de leur présence, même quand ils ne sont pas en train de tuer ou blesser autrui, et même quand ils ne font que protéger les voleurs de terre.
Une fois à la retraite, ces officiers vous diront que leur serment de servir était plus important que le sens commun, et ils s’ingénieront à nier la réalité de la violence juive avec les meilleurs « arguments » que l’armée israélienne développe si bien dans ses laboratoires de fabrique de bonne conscience.
Pendant ce temps, il ne faut pas être grand clerc pour imaginer les sessions de briefing au cours desquelles dirigeants militaires et représentants des médias se sont mis d’accord pour ne pas qualifier « d’escalade » les équipées des colons, vu qu’elles ont lieu tous les ans, avec la même fréquence et la même intensité. Et quoi de plus facile de tirer de telles conclusions, dès lors qu’une chape de plomb entoure ces évènements.
En somme, nos officiels auront décidé qu’il faut décidément tout faire pour respecter le « droit » du public … de ne pas savoir !
Source Haaretz : http://www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/.premium-1.554690
(traduction CAPJPO-Europalestine)