Terrible témoignage de Dina Elmuti sur l’esclavage des enfants palestiniens par les colons israéliens, sur des terres qu’ils ont volées dans la Vallée du Jourdain. Si vous achetez encore les produits exportés par Israël, c’est que vous n’êtes vraiment pas dégoûtés !
« L’air estival brûlait de plus en plus, lorsque la voiture est descendue vers la vallée du Jourdain. Son sol rouge et fertile répandait de la chaleur sous nos pieds, comme nous nous approchions du champ cultivé où s’éparpillaient des garçons qui ramassaient des légumes.
Couvert d’un capuchon par-dessus sa casquette de base-ball, Omar, âgé de 17 ans, a vite sauté de son tracteur pour nous accueillir. Il paraissait mince et brûlé par le soleil, ses mains étaient calleuses après avoir ramassé des légumes à mains nues. Le frère cadet d’Omar, Fouzi, âgé de 16 ans, coiffé d’une casquette de base-ball et portant un seau en plastique, le suivait de près. Des perles de sueur dégoulinaient sur leur visage, tandis qu’ils nous montraient avec fierté les aubergines et les poivrons qu’ils avaient cueillis pendant les cinq dernières heures.
Fouzi, âgé de 16 ans, travaille dans les champs de la colonie israélienne d’Hamra dans la région de la Vallée du Jourdain, en Cisjordanie. (Dina Elmuti / Défense des Enfants International – section Palestine)
Il y a quatre ans, Omar est devenu le principal soutien de famille pour ses huit membres après la mort de son père. Sérieusement endetté à cause des factures d’ordonnances médicales, Omar a commencé à récolter, laver et emballer les fruits et légumes près des champs de la colonie d’Hamra dans la Vallée du Jourdain.
Après s’être épuisé à jongler entre le travail et l’école, Omar et Fouzi ont tous les deux quitté l’école pour travailler à plein temps dans les champs. Selon la saison, de 10 à 20.000 ouvriers agricoles travaillent dans les colonies de la Vallée du Jourdain. Environ 5 ou 10 pour cent d’entre eux sont des enfants astreints au travail, selon le Centre de Développement Maan.
L’un des endroits les plus exclusifs de la planète, la Vallée du Jourdain comprend d’énormes parcelles de terre arable, cultivées par les colons israéliens. Depuis 1967, Israël a mis en œuvre des mesures systématiques afin de garantir un contrôle absolu sur la région, privant ainsi les Palestiniens de leur droit à leurs propres ressources.
Tandis que les colons représentent 13 pour cent de la population, ils contrôlent en réalité 86 pour cent des terres. On évalue à cent trente-deux millions six cent mille dollars la valeur annuelle de la production agricole des colonies de la Vallée du Jourdain, d’après un rapport d’Al Haq, organisation palestinienne pour les droits humains.
Omar et Fouzi viennent du village cisjordanien de Duma, à 21 kilomètres au sud de Naplouse. Durant les mois de travail, ils séjournent dans des entrepôts près de la colonie d’Hamra et dorment dans des lits de camp étroits pendant des mois.
– Nous travaillons jusqu’à 10 heures ou plus par jour et nous n’avons pas beaucoup de pauses pour boire ou nous reposer, nous raconte Fouzi. Les locaux où nous dormons sont très exigus et humides ; parfois, nous avons l’impression d’étouffer, mais nous y sommes habitués.
À la fin de chaque semaine, ils envoient l’argent qu’ils gagnent chez leur mère. Les enfants qui travaillent gagnent en moyenne de 40 à 60 ISL (Nouveaux Shekels Israéliens) – de 12 à 18 dollars – par jour. Ce n’est même pas suffisant pour acheter un paquet de farine pour nourrir sa famille, nous raconte Muntaha, mère d’Omar et de Fouzi.
Les enfants palestiniens, parfois âgés de 11 ans, travaillent jusqu’à 12 heures par jour, sous des températures qui peuvent monter jusqu’à 50 degrés et descendre jusqu’à 0 degré.
Les enfants astreints au travail risquent de souffrir de blessures ou de douleurs chroniques en raison des longues heures, des mauvaises conditions de travail et de la dureté du travail physique. L’emploi de pesticides et d’engrais inorganiques est répandu et non réglementé dans la Vallée du Jourdain, et produit de l’eau d’écoulement hautement polluée, avec de hauts niveaux de substances chimiques auxquelles les enfants sont exposés.
L’exposition à ces substances chimiques peut avoir des conséquences de longue durée, y compris des anomalies hormonales, rénales et du système nerveux, ainsi que le cancer.
Les enfants palestiniens qui travaillent n’ont pas de papiers, ce qui veut dire que leurs heures ne sont pas comptées. Ils sont payés en espèces. Il n’y a donc aucune preuve qu’ils travaillent dans les colonies. Ils n’ont pas non plus de statut officiel, ni d’assurance maladie, ni de droits en tant que salariés. Les colons qui les emploient le savent très bien.
– L’année dernière, un des garçons est tombé de son tracteur et s’est blessé au dos. Il est pour ainsi dire paralysé et n’était pas assuré. Il ne peut donc plus travailler, nous confie Omar, les yeux sur le tracteur qu’il conduisait.
Les travailleurs mineurs sans papiers prêtent flanc – plus que d’autres – à l’exploitation, ayant peur de se plaindre ou de révéler des abus de droits, ce qui pourrait compromettre la source de leurs revenus et leur sécurité.
– Les cas de violences et abus sexuels sont courants dans les colonies, nous dit Amjad Jaber, directeur de cabinet au Ministère du Travail de l’Autorité Palestinienne à Jéricho. Un grand nombre de femmes et d’enfants, qui sont particulièrement exposés à ces abus, m’informent de terribles incidents.
La formation professionnelle (ou autre) limitée force les Palestiniens à s’adresser à des médiateurs (« waseets »). Les familles comptent sur ces médiateurs pour trouver du travail aux enfants dans les colonies israéliennes. Beaucoup de « waseets » sont d’abord travailleurs mineurs.
En général, les médiateurs prennent une commission déduite du salaire des enfants qu’ils recrutent. D’autres se font payer pour le logement et le transport. Les colons israéliens paient un salaire plus élevé aux « waseets » du fait que leurs services rendent l’entière entreprise agricole des colonies abordable et rentable.
L’Autorité Palestinienne empêche les enfants de travailler dans les colonies, et sous la loi israélienne, l’emploi des mineurs est illégal. Le résultat est une main-d’œuvre invisible sous la loi, dont la protection et les droits essentiels ne sont pas garantis.
– Je considère l’emploi des enfants dans les colonies comme une forme de trafic d’êtres humains, a déclaré Khaled Quzmar, avocat pour Défense des Enfants International – section Palestine, qui a participé à l’élaboration de la Législation du Travail palestinienne, qui est entrée en vigueur en 2000. (Communication : Je suis expert-conseil auprès de DEI Palestine.)
– Le travail des enfants est un problème compliqué, nous dit Quzmar. La fracture du système juridique en Cisjordanie facilite l’exploitation du travail des mineurs, du fait que la législation palestinienne du travail ne s’applique qu’aux enfants travaillant dans les secteurs sous la juridiction de l’Autorité Palestinienne, non dans les colonies israéliennes.
Nous nous installons près de la mère d’Omar et de Fouzi, Muntaha, à Duma. On entend clairement la détresse dans sa voix quand elle évoque sa dépendance à l’égard de ses enfants.
– Une mère ne veut pas envoyer se enfants travailler dans une colonie. Bien sûr que non, soupire Muntaha, mais quel choix avons-nous ? »
Dina Elmuti est expert-conseil pour le Programme de Responsabilité auprès de « Défense des Enfants International – section Palestine », organisation indépendante pour la sauvegarde des droits des enfants, qui se consacre à défendre et à promouvoir les droits des enfants dans les Territoires Palestiniens Occupés.
Source : The Daily Beast. Soumis par Dina Elmuti, le 29 octobre 2013, section Droits Humains
(Traduit de l’anglais par Chantal pour CAPJPO-EuroPalestine)
CAPJPO-EuroPalestine