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Avant son voyage en Israël, des ambassadeurs de France s’adressent à Hollande

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Tribune publiée par un groupe d’anciens ambassadeurs de la France, dans le journal Le Monde (daté du jeudi 14 novembre 2013) :


« La France doit sauver l’Etat palestinien – Tenir un langage de vérité s’impose

La pro­chaine visite du pré­sident Hol­lande en Israël et en Palestine per­mettra de faire entendre la voix de la France sur un pro­blème essentiel et récurrent : le conflit israélo-​​palestinien. Les signa­taires de ce texte, tous anciens ambas­sa­deurs, sont inter­venus à plu­sieurs reprises auprès des plus hautes auto­rités de l’Etat pour que notre pays continue à défendre le respect du droit inter­na­tional : réso­lu­tions de l’ONU, auto­dé­ter­mi­nation du peuple pales­tinien, respect du droit des personnes.

Au mois de juillet, le pré­sident Hol­lande a bien voulu nous faire connaître qu’il approuvait nos objectifs, estimant cependant que ceux-​​ci ne pou­vaient être atteints que par des négo­cia­tions sans condi­tions préa­lables, mais sur des bases cré­dibles, et il a soutenu dans cet esprit l’initiative américaine.

Or, faute de ces bases, vingt ans après les accords d’Oslo qui avaient soulevé un immense espoir, les négo­cia­tions sont tou­jours dans l’impasse. L’engagement amé­ricain est insuf­fisant pour faire bouger le gou­ver­nement israélien dont l’intransigeance n’a jamais été aussi affirmée.

Prolongeant l’occupation

Dans la pers­pective d’un règlement durable, c’est-à-dire juste et équi­libré, le statu quo apparaît chaque jour plus inte­nable, pro­lon­geant l’occupation, avec son cortège d’humiliations, de bru­ta­lités et de mul­tiples détentions.

Le « mur » déli­mitant une fron­tière arbi­traire et condamné par la Cour inter­na­tionale de justice, l’expansion constante des colonies en Cis­jor­danie, l’annexion de Jérusalem-​​Est (avec ses lieux saints) consacrent un état de fait sur le terrain et rendent de plus en plus pro­blé­ma­tique la création d’un Etat pales­tinien de plein exercice.

Cet Etat, dont l’éventualité est reconnue mal­heu­reu­sement du seul bout des lèvres par le premier ministre israélien Benyamin Néta­nyahou, ne repré­sen­terait au mieux qu’une suc­cession d’enclaves dont la super­ficie serait celle de la moitié d’un dépar­tement français.

Cette stag­nation aggrave une conjoncture régionale dan­ge­reuse. La menace nucléaire ira­nienne, invoquée par M. Néta­nyahou, lui permet d’occulter la question pales­ti­nienne. Or, Israël détient déjà un puissant armement nucléaire, sans avoir signé le traité de non-​​prolifération (TNP) ni ratifié la convention sur les armes chimiques.

Il est sans doute illu­soire de prévoir un apai­sement sécu­ri­taire dans la région sans la création d’une zone exempte d’armes de des­truction massive, dont les cinq membres per­ma­nents du Conseil de sécurité des Nations unies ont déjà rappelé la nécessité. De même, les affron­te­ments eth­niques et reli­gieux en cours (Syrie, Liban, Irak) ne doivent pas détourner la volonté de faire res­pecter les droits du peuple palestinien.

L’Etat unique est utopique

De fait, il n’y a pas d’alternative à la solution de deux Etats avec les garanties de sécurité indis­pen­sables. L’Etat unique, réunissant Israé­liens et Pales­ti­niens, est uto­pique pour les deux parties. L’affirmation a priori d’un « Etat du peuple juif » lui retire toute signi­fi­cation. De plus, la démo­graphie favo­rable aux Pales­ti­niens et la dif­fi­culté de définir des droits civiques et poli­tiques communs rendent impos­sible une coexis­tence fondée sur l’égalité des droits de tous ses ressortissants.

Que faire ? Nous demandons au pré­sident de la Répu­blique, François Hol­lande, de parler un langage de vérité et de dénoncer une cer­taine vision natio­na­liste israé­lienne, fondée sur un mes­sia­nisme reli­gieux ainsi que sur les illu­sions trom­peuses de la supé­riorité mili­taire et tech­no­lo­gique. A terme, l’existence d’Israël ne peut être garantie que par son insertion dans son envi­ron­nement régional.

A cet égard, la pro­po­sition de l’Arabie saoudite, en 2002, relayée par la Ligue arabe, a offert une chance qui ne peut être négligée (recon­nais­sance d’Israël en échange de la création d’un Etat pales­tinien sur la base des fron­tières de 1967).

Au surplus, l’évolution des opi­nions publiques, en Europe et dans le monde, est pro­gres­si­vement défa­vo­rable à Israël en raison de son com­por­tement, même si son exis­tence est tou­jours défendue sans réserve. En Europe, d’éminentes per­son­na­lités, dont, en France, les anciens pre­miers ministres Michel Rocard et Lionel Jospin, ainsi que l’ancien ministre des affaires étran­gères Hubert Védrine, ont appelé, en avril, à un enga­gement au service de la paix.

Appeler aux décisions lucides et courageuses

L’Union euro­péenne a ainsi refusé d’appliquer aux colonies les dis­po­si­tions du traité d’association avec Israël. D’autres déci­sions du même ordre sui­vront imman­qua­blement. Israël s’expose ainsi à des mesures dont les consé­quences peuvent être graves pour ses intérêts.

Ainsi que l’a déclaré le pré­sident amé­ricain, Barack Obama, à la remise de son prix Nobel en 2009 : « Ceux qui se disent res­pec­tueux du droit inter­na­tional ne peuvent pas détourner leur regard lorsque ce droit est bafoué. » La France, dont le rôle a tou­jours été moteur dans la question pales­ti­nienne, se doit d’appeler aux déci­sions lucides et cou­ra­geuses qui ouvriront la voie à une paix juste pouvant conduire à la récon­ci­liation entre juifs et arabes.

Cette paix, éta­blissant les droits du peuple pales­tinien, affirmera le principe de la libre déter­mi­nation des peuples dont la France a fait une valeur fon­da­mentale dans la vie inter­na­tionale. Elle sera la vraie garantie de la pérennité légitime d’Israël au Proche-​​Orient.

Le pré­sident de la Répu­blique fran­çaise, par les posi­tions qu’il exprimera, est ainsi mis au défi de l’Histoire. »

Cette tribune est signée par un groupe d’anciens ambas­sa­deurs qui ont traité des dos­siers relatifs au Moyen-​​Orient : René Ala, Jacques Andréani, Yves Aubin de la Mes­su­zière, Denis Bau­chard, Pierre-​​Louis Blanc, Alain Dejammet, Bernard Dorin, Ber­trand Dufourcq, Christian Graeff, Pierre Hunt, Sta­nislas de Laboulaye, Pierre Lafrance, Patrick Leclercq, Jean-​​Louis Lucet, Gabriel Robin, André Ross, Jacques-​​Alain de Sedouy, Alfred Sieffer-​​Gaillardin.

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