URL has been copied successfully!
Header Boycott Israël

Ken LOACH : Israël, le boycott, l’art et le cinéma

URL has been copied successfully!
URL has been copied successfully!
Partagez:

Dans une interview à Frank Barat, le célèbre réalisateur explique, à ceux qui ne les verraient pas, les relations entre l’art et la politique. Et aussi pourquoi la stratégie du boycott de l’Etat d’Israël est efficace.


ken_loach_cannes_2012-3.jpg

Israël, le boycott, l’art et le cinéma

Frank Barat ; Pouvez-vous nous dire comment vous avez pris conscience et ensuite vous êtes impliqué dans la lutte pour les droits palestiniens ?

Ken Loach : Cela a commencé il y a quelques années lorsque je travaillais à l’élaboration d’une pièce de théâtre nommée “perdition”. C’était une pièce à propos du sionisme durant la seconde guerre mondiale, ainsi que sur le marché qui fut conclu entre certains sionistes et les nazis. Cela a éclairé d’une nouvelle perspective la création d’Israël ainsi que les politiques du sionisme. Je suis alors devenu conscient, et de plus en plus durant les années suivantes, que la fondation d’Israël était basée sur un crime envers les palestiniens. D’autres crimes ont ensuite suivi. L’oppression des palestiniens, qui ont perdu leur terre, dont les vies quotidiennes sont interrompues par l’occupation, dont la vie dans un état permanent de dépression qui se poursuit aujourd’hui, est quelque chose dont nous devons nous occuper.

FB : Pourquoi la Palestine ? Pourquoi est-elle symbolique ?

KL : Il y a de l’oppression partout dans le monde mais ce qui rend le conflit israélo-palestinien spécial est un certain nombre de choses. Tout d’abord, Israël se présente au monde en tant que démocratie. Un pays comme n’importe lequel de l’hémisphère ouest. Il se présente de cette manière alors qu’il est en fait en train de commettre des crimes contre l’humanité.
Il a produit un état qui est divisé selon des lignes raciales comme l’apartheid en Afrique du Sud. Il est aussi militairement et financièrement soutenu par l’Europe et l’Amérique. Il y a donc là une hypocrisie massive, on soutient un pays qui se vante d’être une démocratie, on l’aide de toutes les façons possibles et pourtant, il est impliqué dans ces crimes contre l’humanité.

FB : Il y a divers outils pour essayer de changer cela et l’un d’entre eux est l’appel au BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions). Vous avez été la première personnalité à soutenir et à demander un boycott culturel d’Israël. Vous avez depuis lors ouvert la voie pour que beaucoup d’autres vous rejoignent. Certaines personnes disent que vous ne devriez pas boycotter la culture. Que répondez-vous à cela ?

KL : Tout d’abord vous êtes un citoyen, un être humain. Quand vous êtes confronté face à de tels crimes, vous devez réagir en tant qu’être humain, peu importe que vous soyez un artiste, un VIP ou qui que ce soit. Vous devez en premier lieu réagir et faire en sorte que vous ameniez cela à l’attention des gens. Un boycott est une tactique. Cela est efficace contre Israël parce que Israël se représente en tant que pilier, gyrophare culturel. Il est dès lors très sensible au boycott culturel. Nous ne devrions rien avoir à faire avec les projets qui sont soutenus par l’état israélien. Les individus ne sont pas concernés, nous devons nous concentrer sur les actions de l’état israélien. C’est lui que nous devons viser. Nous le visons parce que vous ne pouvez juste pas rester là à ne rien faire et regarder les gens vivre leurs vies dans des camps à tout jamais.

FB : Israël utilise l’art et le cinéma pour sa campagne nommée “Marque Israël”. L’art est dès lors politique – même si certains artistes répondent à la campagne BDS qu’ils ne sont pas des politiciens mais juste des chanteurs, des musiciens, des acteurs. Pour vous, tous vos films sont politiques. Donc, selon votre opinion, l’art peut être un outil pour combattre l’oppression.

KL : Oui. L’élément fondamental est le suivant : peu importe l’histoire que vous choisissez de raconter ou les images que vous décidez de montrer, ce que vous sélectionnez indique quels sont vos intérêts. Si vous faites quelque chose d’entièrement fictif, dans un monde d’oppression, cela indique quelles sont vos priorités. Ainsi, un spot commercial majeur, pour faire beaucoup d’argent, montre quelque chose. Cela porte des conséquences politiques et implique une position politique. La plupart des arts ont un contexte et des implications politiques.

FB : Avez vous entendu parler de “World War Z”, ce film avec Brad Pitt dans lequel un virus décime la population terrestre, et dont l’unique lieu sûr est redevable au mur qu’ils ont construit ?

KL : Cela a l’air d’un scenario d’extrême droite. Vous devrez voir le film avant de porter un jugement mais cela sonne vraiment, selon votre description, comme de la fantaisie d’extrême droite.

C’est intéressant qu’Israël se révèle lui-même via ses alliés. Dans le nord de l’Irlande, – qui a une longue histoire de séparation entre les loyalistes et les républicains – les loyalistes, ont sur leurs murs le drapeau d’Israël ainsi que celui des Blancs sud-africains ; les républicains ont eux le drapeau de la Palestine et de l’ANC. C’est curieux comme ces alliances révèlent autant de ce que pensent réellement les gens.

FB : Etes vous inquiet de la montée de l’extrême droite et de leurs idées partout en Europe ? Cela me rappelle le début des années 30.

KL : La montée de l’extrême droite accompagne toujours la récession et la dépression économiques ainsi que le chômage de masse. Les gens au pouvoir, qui veulent le maintenir, doivent toujours trouver des boucs émissaires car ils ne veulent pas combattre l’ennemi réel, qui est la classe capitaliste, les propriétaires des grosses industries, ceux qui contrôlent les politiques. Ils doivent donc trouver des boucs émissaires. Les plus pauvres, les immigrants, les demandeurs d’asile, les gitans sont à blâmer. L’aile droite choisit ceux qui sont les plus vulnérables, les plus faibles pour justifier la crise dans leur système économique. En situation de chômage de masse les gens sont malheureux et doivent trouver quelque chose à combattre. Les juifs furent blâmés durant les années 30, de terribles choses leur furent infligées. Maintenant, ce sont les immigrants, les chômeurs…
Nous avons une presse terrible au Royaume-Uni qui va blâmer et culpabiliser ceux qui sont sans emploi, alors que bien sur, il n’y a pas de jobs.

FB : Comment pouvons réagir face à cela quand les mêmes personnes contrôlent tout : la presse, le capital, les politiques,… ? Que pouvons nous, nous la société civile, sans l’accès à la presse populaire, défier et battre cette idéologie ?

KL : Grande question. Vous devez faire une analyse de la situation et organiser la résistance, Comment cela est organisé est toujours une problématique importante. Vous devez mettre en échec chaque attaque sur le terrain, et vous lier solidairement avec ceux qui subissent l’attaque. Vous devez aussi organiser des partis politiques. Le problème est que nous avons des partis qui ont une analyse erronée. Nous avons les partis staliniens de gauche qui guident les gens depuis des années dans un couloir aveugle ; nous avons les socio-démocrates qui veulent faire croire aux gens que nous devons travailler dans le système, que nous pouvons le reformer, le faire fonctionner. Ce qui bien sûr est une illusion, cela ne marchera jamais. La question principale est quelles politiques ? Les gens se débattent de cela chaque jour.


FB : Votre dernier film aborde ces points. A propos des gens qui sont marginalisés à cause de leurs opinions politiques. J’ai lu aujourd’hui que “Jimmy’s Hall” pourrait être votre dernier film et que vous voudriez vous concentrer après sur des documentaires, ce qui est une excellente nouvelle pour la Palestine.

KL : « Jimmy’s Hall » fut un assez long tournage et un travail très difficile. Je ne suis pas sûr de pouvoir refaire un autre film de ce genre.
Mais il y a toujours du bruit à faire quelque part; donc je dois juste découvrir le meilleur moyen de déranger un peu plus. Certainement, des films devraient être faits sur la Palestine. Ils ont besoin de Palestiniens pour les réaliser. La lutte palestinienne, au final, est un conflit qui sera gagné.
Les choses ne restent pas les mêmes pour toujours. Il sera gagné à la fin. La grosse inconnue est quel type de Palestine en émergera ? La question n’est pas uniquement de mettre fin à l’oppression israélienne, mais quel Etat en émergera ? Sera-t-il dans l’intérêt de chacun ? Ou bien sera-t-il dominé par une classe riche qui opprimera le reste du peuple ? Quel Etat se dessinera à partir de tout cela est une question primordiale. »

(Traduit depuis l’anglais par Olivier Mignon pour Investig’Action :
http://www.michelcollon.info/Israel-le-boycott-l-art-et-le.html?var_mode=calcul )

Source : newint.org

Oui, c’est une question importante qui est directement liée à la durée de l’occupation. Chacun sait que chaque occupant, chaque colonisateur — et l’exemple de l’Algérie n’est pas là pour nous démentir– amène une société sous occupation à se déliter, par tous les moyens à sa disposition : les privations, l’impossibilité de circuler librement et de se rencontrer, la corruption, l’accès à l’éducation limité, les différences de statuts accordées, la destruction du patrimoine historique… autant de méthodes pour diviser, tribaliser, casser les chaînes de solidarité.

Alors il y a urgence à faire cesser l’occupation et tout ce qui va avec !

CAPJPO-EuroPalestine

Partagez: