Deux articles du Figaro et du Quotidien d’Oran expliquent comment l’armée est consacrée comme institution autonome, qui échappe au contrôle du législateur.
Les signataires de la Constitution autour d’Amr Moussa, l’ancien secrétaire de la Ligue arabe, lundi, devant la Chambre haute du Parlement égyptien, au Caire.
– LE FIGARO : « EGYPTE : L’ARMEE SORT SA CONSTITUTION »
« Le texte, qui conforte le pouvoir militaire et interdit les partis religieux, va être soumis à référendum.
Sous les ors de la Chambre haute du Parlement égyptien, le vote sur le projet de Constitution s’est passé comme un concert de musique classique. Amr Moussa, l’ancien secrétaire général de la Ligue arabe, était parfait en chef d’orchestre. Mahmoud Badr, qui a contribué à la chute de Morsi en lançant une pétition monstre, surjouait le jeune cool et branché, en jean, veste de cuir et chemise rose pâle. Deux jours, samedi et dimanche, auront suffi pour valider les 247 articles (…).
Les généraux gardent toujours la main sur le jeu institutionnel
Ce n’était pas la seule fausse note de ce concert si bien joué dans son ensemble. Les tribunaux militaires pourront toujours juger les civils qui s’en prennent aux soldats ou aux biens de l’armée. De façon générale, les généraux gardent toujours la main sur le jeu institutionnel: «C’est pire que la Constitution de 2012, au moins pour ce qui concerne l’armée, avec cette disposition sur la nomination du ministre de la Défense», explique Nathalie Bernard-Maugiron, chercheuse et spécialiste de l’Égypte. Ce maroquin ne pourra revenir qu’à un officier militaire, présenté avec l’accord du Conseil supérieur des Forces armées – pour les deux prochains mandats présidentiels. Et le budget restera pour l’instant secret-défense.
Les seuls articles rejetés puis modifiés dimanche concernent les prochaines élections. Le 229 et 230, d’abord: «Pour renforcer la légitimité de l’Assemblée du peuple, beaucoup de membres du comité de rédaction voudraient que l’élection présidentielle se tienne avant les législatives», explique Mohammed Salmawy, le porte-parole du comité de rédaction. Contrairement à la feuille de route adoptée après la destitution de Mohammed Morsi, qui stipulait l’inverse. Du coup, les articles 243 et 244, sur la représentation des minorités et le mode de scrutin, seront précisés par le prochain président. Ce dernier pourra donc façonner une assemblée à son image: elle risque d’être martiale. »
Source : http://www.lefigaro.fr/international/2013/12/02/01003-20131202ARTFIG00492-egypte-l-armee-sort-sa-constitution.php
– LE QUOTIDIEN D’ORAN
« L’HIVER DES LIBERAUX
par M.Saadoune
Très bruyants et disposant de pratiquement toutes les chaînes de télévision d’Egypte, les partisans du général Sissi à la présidence ont inventé un slogan très «lèche» pour l’y inciter : kemal guamilak. Traduire : termine le «job» en devenant président. Il est très probable que le général Sissi sera le prochain président de l’Egypte. Mais même s’il choisit de ne pas aller au palais présidentiel, le général Sissi est assuré de rester le «maître» du pouvoir en Egypte.
La Commission des «cinquante» chargée de rédiger la Constitution lui en a taillé une sur mesure. Les membres de cette commission sont majoritairement des «libéraux» et les islamistes – qui ont gagné les deux dernières élections – n’y ont qu’une représentation de figuration. Comme dans les marchés de dupes que les régimes autoritaires savent accorder aux élites qui les applaudissent, la Constitution a une « tonalité» vaguement libérale, «non religieuse» tout en maintenant la charia comme la principale source du droit… Elle consacre formellement la liberté de croyance, l’égalité entre les hommes et les femmes… Les «progressistes» peuvent ainsi pavoiser, ils ont fait «progresser» le pays…
Mais comme il n’est pas question d’empêcher le généralissime de terminer le «job», l’armée est consacrée comme institution autonome qui échappe au contrôle du législateur. Si le général Sissi devient président, la question ne se posera même pas. Mais s’il décide de ne pas répondre aux laudateurs qui le pressent de se présenter à la présidentielle, la question ne se posera pas non plus. Le projet de Constitution élaboré par les «libéraux» donne au Conseil suprême des forces armées le pouvoir de nommer le ministre de la Défense pour les deux prochains mandats. Amr Moussa, président du comité des 50, fait dans l’argutie en affirmant qu’il n’est pas question d’accorder une «immunité» au ministre de la Défense.
En réalité, ces dispositions rétablissent le fondement même du système Moubarak avec une armée indépendante pouvant, à tout moment, débarquer un gouvernement élu. C’est une exigence du CSFA (comité militaire qui a pris le pouvoir après la chute de Moubarak) qui avait suscité de très fortes résistances qui est ainsi validée par les libéraux. Les généraux avaient été vivement critiqués car ils voulaient une armée autonome du pouvoir civil avec une latitude de gérer ses «propres affaires» et son budget sans que le Parlement s’en mêle. Le projet avait mis en fureur la rue fin 2011 et plusieurs dizaines de personnes ont été tuées dans les manifestations. »
Source : http://www.lequotidien-oran.com/?news=5191192
CAPJPO-EuroPalestine