Puisque nous sommes dans les hommages à Mandela, comment peut-on admirer, respecter ce grand leader et en même temps encenser les dirigeants israéliens qui ont été ses pires ennemis ?
Le soutien d’Israël au régime d’apartheid sud-africaine n’a été ni platonique ni de courte durée. Il a consisté à armer les ségrégationnistes, à leur envoyer des renforts militaires et à l’approvisionner quand la campagne internationale de boycott battait son plein.
Nous l’avons raconté dans notre brochure éditée en 2008, et intitutée : « Israël : 60 ans de mystifications. Palestine : 22.000 jours de résistance », dont voici un extrait :
En avril 1976, la presse israélienne annonce la prochaine arrivée de John Vorster, Premier ministre d’Afrique du Sud. Israël est en effet en train de former une alliance stratégique avec le régime de l’apartheid.
Et ce, à un moment où la révolte gronde, non seulement à l’intérieur du pays, où le soulèvement du ghetto noir de Soweto est réprimé avec sauvagerie, mais aussi à l’international, avec le début de la protestation menant au boycottage et aux sanctions.
Le Premier ministre israélien Yitzakh Rabin sait tout cela, bien sûr, et c’est en conscience qu’il a invité John Vorster.
Seulement, Vorster est également connu comme antisémite. Il a même été emprisonné par les Britanniques, pendant la Deuxième Guerre Mondiale, pour ses activités en faveur des Nazis. Rabin prie donc pour qu’il n’y ait pas d’incident lorsque Vorster se rendra au Mémorial de la Shoah, Yad Vashem, étape obligée de tout dirigeant étranger invité en Israël.
Heureusement pour le protocole, tout se passe bien et le soir, au dîner officiel, un Yitzhak Rabin soulagé peut porter un toast « aux idéaux communs à Israël et à l’Afrique du Sud, deux pays qui affrontent une brutalité et une instabilité inspirées par l’étranger ». Vorster répond que « les deux pays ont en effet une chose essentielle en commun : ils sont situés dans un environnement hostile, habité par des peuples à la peau sombre ».
Se développe ensuite une collaboration durable entre gouvernements et entreprises des deux pays, axée principalement sur le secteur militaire. Financés par des capitaux sud-africains, des kibboutz fabriquent des véhicules anti-émeutes, ainsi que des projecteurs géants spécialement commandés par la police sud-africaine, ou encore une barrière électrifiée pour lutter contre les indépendantistes en Namibie. Surtout, ils vont développer ensemble l’arme nucléaire.
Les dirigeants sionistes observeront aussi avec beaucoup d’intérêt la mise en œuvre des bantustans, ces réserves sur lesquelles le régime de l’apartheid entend concentrer la majorité noire, et Israël sera le seul pays au monde à reconnaître le premier d’entre eux, le Bophutatswana. Sharon vantera la stratégie des bantustans, en exposant ses propres intentions pour la Palestine. Et quand la lutte du peuple noir sud-africain finira par triompher de l’apartheid, au début des années 1990, les dirigeants israéliens prendront discrètement leurs distances…
CAPJPO-EuroPalestine