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Le parti-pris des médias : une analyse implacable du journaliste Daniel Schneidermann

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A l’heure où d’aucuns, y compris de pseudo-partisans d’une paix juste comme la Ligue des Droits de l’Homme*, réservent leurs foudres aux seuls assassins des trois jeunes colons de Hébron, le journaliste Daniel Schneidermann remet salutairement les pendules à l’heure. Lire ci-dessous l’article publié sur son site Arrêt sur images, un site spécialisé dans l’analyse critique des médias conventionnels.

Hébron : les trois adolescents et les trois « mineurs »

Daniel Schneidermann, Arrêt sur images, jeudi 3 juillet 2014

Trois ado­les­cents israé­liens, enlevés le 12 juin dernier près de Hebron, dans les ter­ri­toires pales­ti­niens, sont retrouvés le 30 juin, assas­sinés par leurs ravis­seurs. Les Israé­liens soup­çonnent deux mili­tants du Hamas. L’affaire fait peu de bruit dans la presse inter­na­tionale, jusqu’à ce que leurs corps soient retrouvés. Les images des obsèques sont alors lar­gement dif­fusées sur les chaines de télé mon­diales.

Le Monde consacre à l’affaire toute sa page 2. Dans un long article (non dis­po­nible en ligne), les vic­times sont dési­gnées neuf fois, de dif­fé­rentes manières : par leur nom et leur âge (« Eyal Yifrach, Naftali Frenkel, Gilad Shaer, âgés de 16 à 19 ans »), par leur pro­fession (« les trois étu­diants en yeshiva, école reli­gieuse »), par leur qualité dans l’affaire (« les captifs »), ou encore par le hashtag de la cam­pagne Twitter appelant à accé­lérer les recherches poli­cières (« #bring­ba­ckourboys »).

Au cours des opé­ra­tions de recherche, nous apprend le même article, »420 Pales­ti­niens ont été empri­sonnés (…) et 2200 bâti­ments ont été fouillés, au cours de cette opé­ration durant laquelle l’armée israé­lienne a tué cinq Pales­ti­niens, dont trois mineurs ».

Relisez bien : « dont trois mineurs ». Des « trois mineurs » pales­ti­niens, qui ne sont men­tionnés qu’une seule fois dans l’article, on ne nous dit rien, ni leurs iden­tités, ni leur âge, ni leur état (étu­diants ? Lycéens ? Autres ?), rien non plus de l’émotion éven­tuelle de leurs proches, de leurs parents, ni même si leurs morts ont été men­tionnées sur Twitter.
Leurs obsèques n’ont pas été retrans­mises sur les réseaux mon­diaux.

D’un côté, des « ado­les­cents », avec tout ce que le mot charrie de per­sonnel et d’affectif (posters, baskets, frères, soeurs, bande de copains, pre­miers émois, acné, etc). De l’autre, des « mineurs », sans âge précis, sans visage, sans famille. Vous me direz que les « trois mineurs pales­ti­niens » ne sont pas le sujet de l’article, consacré à l’enlèvement des trois Israé­liens. La mort des « trois mineurs » n’est qu’une consé­quence, un dommage col­la­téral.

Mais un journal est tou­jours libre de déli­miter comme il le sou­haite le sujet d’un article. Vous m’objecterez (peut-​​être) qu’on ne saurait taxer la presse fran­çaise, dans son ensemble, d’être outra­geu­sement pro-​​israélienne. C’est vrai. Il arrive qu’un biais jour­na­lis­tique (la prime aux « faibles ») vienne contre­ba­lancer un autre biais (la prime à « ceux qui nous res­semblent », et les Israé­liens res­semblent davantage aux jour­na­listes et lec­teurs occi­dentaux que les Pales­ti­niens). Vous m’objecterez peut-​​être enfin qu’il était dif­ficile de recueillir des infor­ma­tions pré­cises et per­son­na­lisées sur les familles des trois « mineurs » pales­ti­niens. Là, je serai obligé de vous contredire. L’un d’entre eux s’appellait Mohammed Dudin, il était âgé de 15 ans. Il avait un père, une mère, des cousins, une maison en construction, et il se faisait de l’argent de poche en vendant des frian­dises, toutes choses par­fai­tement racontées, selon les meilleurs canons de la nar­ration jour­na­lis­tique occi­dentale, dans cet article du journal israélien Haaretz, dont je vous recom­mande la lecture intégrale.


* La direction nationale de la LDH ne publie pas tous les jours des communiqués sur la situation en Israël/Palestine. On ne l’a pas vu dénoncer par exemple la campagne de terreur déclenchée depuis plusieurs semaines en Cisjordanie par l’armée israélienne. Aussi est-il désolant de constater que quand elle prend la plume, c’est pour fustiger en premier lieu les auteurs de l’assassinat des trois adolescents israéliens. Vous pensez que nous sommes trop sévères avec la direction de la LDH ? Lisez alors son communiqué, ci-dessous


Assassinats de jeunes Israéliens, la LDH condamne
Communiqué LDH
La Ligue des droits de l’Homme condamne l’assassinat de Gilad Shaer, Naftali Fraenkel et d’Eyal Yifrah, enlevés le 12 juin 2014.

Non revendiqués, ces meurtres sont insupportables. S’en prendre à des civils ou à des prisonniers constitue une violation évidente du droit international que rien ne saurait justifier, pas même la situation d’occupation que connaît la Palestine et le déploiement permanent de violence déclenché par le gouvernement israélien à l’encontre du peuple palestinien. Ces assassinats ne serviront que les ennemis de la paix, qui sauront s’en saisir comme prétexte à la permanence de la colonisation, alimentant ainsi un peu plus le fleuve de haine et de sang. Il est plus que temps que la communauté internationale fasse prévaloir la voie du droit sur celle de la violence, et que tous les responsables de crimes de guerre soient déférés devant la Cour pénale internationale. Paris, le 1er juillet 2014


CAPJPO-EuroPalestine

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