Nous publions ci-dessous un article de deux universitaires australiens, qui font le point sur la stratégie de la tension opportunément mise en oeuvre par Israël, à un moment où sa politique fait l’objet de multiples condamnations.
« Seule une paix juste mettra fin à la violence »
Fatima Ismail Issa Rushdi avait 12 ans quand elle est devenue une réfugiée palestinienne obligée d’aller vivre dans un camp provisoire au Nord d’Hébron. Elle a eu une crise cardiaque la semaine dernière quand des soldats israéliens sont entrés dans sa rue la semaine dernière et elle en est morte le lendemain à l’hôpital. Elle aura passé toute sa vie de misère sous occupation et elle est morte inquiète, désespérée, terrorisée.
Même si l’on ne pouvait prévoir l’enlèvement des trois jeunes colons le 12 juin dernier, ni ce qui allait s’ensuivre, tous les proches observateurs avaient signalé l’escalade de la violence israélienne depuis un bon bout de temps. Les agressions de Palestiniens par les colons se sont intensifiées, les attaques contre leurs maisons, leurs champs et les familles triplant au cours du premier trimestre 2014. Les associations de défense des droits de l’homme ont répertorié pendant cette période 203 attaques de colons sans le moindre prétexte. L’annonce de la construction de nouvelles colonies tout comme de nouvelles confiscations de terres palestiniennes, près de Naplouse, ont fait monter la tension.
Parallèlement aux agressions de colons, l’armée israélienne a multiplié par plus de deux le nombre d’arrestation d’enfants palestiniens. Rien qu’en janvier et février 2014, des associations européennes de défense des droits de l’homme ont recensé 790 arrestations d’enfants, dont 495 ont été détenus pendant plus d’une semaine, et ont subi des interrogatoires accompagnés de torture. Les statistiques ont également révélé une augmentation du nombre d’enfants palestiniens assassinés (avec une moyenne d’un enfant palestinien tué tous les 3 jours) depuis 2000.
Israël a également ré-arrêté de manière accélérée des prisonniers qui avaient été libérés dans le cadre de la libération de Gilad Shalit, violant ainsi un accord passé avec le Hamas. L’occupant a maltraité les prisonniers en grève de la faim pendant 122 jours contre la détention administrative (sans charges, ni procès et pour des durées illimitées), qui touche actuellement 300 prisonniers, tandis que 5700 Palestiniens restent illégalement emprisonnés en Israël. Une politique
d’incarcération massive qui se poursuit depuis 1967, avec un total de plus de 880.000 Palestiniens emprisonnés depuis cette date.
La terrible réalité est que les Palestiniens n’ont aucune perspective de paix, ni d’amélioration de leur vie sous occupation, Israël ayant fermé toutes les portes.
Et ils ne peuvent retourner leur colère que contre l’Autorité Palestinienne qui collabore au contrôle de la population palestinienne pour le bien être de l’occupant.
Le récent accord entre le Hamas et l’OLP montre que le Hamas a fait le choix de la non violence. Cet accord, accueilli avec un optimisme prudent par de nombreux Palestiniens, ouvrait la voie à un gouvernement d’unité formé essentiellement de technocrates, et faisait espérer la tenue de nouvelles élections dans les prochains mois.
Le gouvernement dirigé par Netanyahou, l’un des plus à droite de l’histoire israélienne, se retrouve en difficulté, y compris dans ses relations avec son plus fidèle allié, les Etats-Unis, pour avoir torpillé les pourparlers de paix. Et les déclarations à ce propos du secrétaire d’Etat John Kerry, à la suite de cet échec en avril dernier, sont sans précédent. Il a non seulement affirmé que Netanyahou portait la responsabilité de cet échec, mais qu’Israël risquait de devenir un Etat d’Apartheid.
Le monde occidental en général ne cache pas sa préoccupation par rapport à l’expansionnisme colonial de Netanyahou, et a refusé la demande de ce dernier de boycotter le nouveau gouvernement d’union nationale palestinien.
Ce qui survient après un autre échec pour Israël, qui a échoué à obtenir des puissances occidentales des frappes contre l’Iran, réclamées depuis 5 ans, sous prétexte de développement du programme nucléaire iranien.
La mort des 3 colons israéliens a fourni une occasion parfaite pour focaliser l’attention internationale, soulager Netanyahou de la pression qui pèse sur lui, isoler le Hamas et faire capoter le nouveau gouvernement d’unité.
Tous les faits montrent en outre que cet enlèvement et ce meurtre des 3 colons tombent étrangement à point nommé. Un acte non revendiqué. Le Hamas a décliné toute responsabilité et les accusations israéliennes contre lui défient toute logique. On ne voit pas pourquoi le Hamas aurait choisi de commettre cet acte criminel alors qu’il s’engageait sur la voie d’un gouvernement d’unité nationale. La riposte israélienne a été vicieuse et calculée. Alors que le gouvernement et les médias israéliens savaient parfaitement que les trois jeunes colons étaient morts depuis deux semaines, ils ont fait semblant de les rechercher comme s’ils étaient en vie. Israel a mené des raids dans 1300 foyers, arrêté plus de 500 Palestiniens, en a blessé 120 et tué 12. Sans compter les bombardements sur Gaza, prétendument destinés à cibler le Hamas.
Et les appels ouverts à la vengeance du gouvernement israélien sont d’une gravité sans nom. L’assassinat par le feu de Muhammad Hussein Abu Khdeir, 16 ans, kidnappé, alors qu’il se rendait à la mosquée, est d’une barbarie que l’on ose pas relater, sachant qu’il a été brulé de l’extérieur et de l’intérieur à la fois (obligé d’absorber du carburant selon l’autopsie). Et les médias ici ne nous révèlent pas tout. Des témoins oculaires rapportent par exemple qu’un colon a roulé intentionnellement en voiture sur des enfants de 9 et 12 ans .
Nous blâmons les gouvernants pour leur empathie sélective, alors que nous nous désolons pour le sang versé dans toutes les familles, qu’elles soient palestiniennes ou israéliennes, et qui sont prises en otages dans le cercle vicieux de la colonisation israélienne et de toutes les atrocités qu’elle entraîne.
Nous n’appelons pas à la vengeance ou aux représailles. Nous appelons au calme, à la paix et à la justice pour tous. Nous rêvons également de dirigeants qui respectent et fassent respecter le droit international et les droits de l’homme. »
Bassam Dally, is a Palestinian-Australian Professor at Adelaide University, and an executive member of AFOPA and APAN
Peter Slezak, is a Jewish-Australian A/Prof at the University of News South Wales, and co-founder of Independent Australian Jewish Voices and an executive member of APAN
(Traduit par CAPJPO-EuroPalestine)
CAPJPO-EuroPalestine