La photographe Anne Paq, que nous connaissons bien et qui fait un remarquable travail de témoignages depuis des années en Palestine, prépare un documentaire web sur les familles de Gaza décimées par les attaques israéliennes de 2014. Elle fait appel à nous via kisskissbankbank. Aidons-la !
Extrait de ce webdocumentaire interactif « Gaza : une fois la guerre finie, la lutte commence », qui raconte les histoires personnelles de familles palestiniennes de la bande de Gaza dont les vies ont été bouleversées par l’attaque israélienne de 2014.
(La vidéo est aussi sous-titrée en français- cliquez sur la roue en bas à droite et choisir français dans « subtitles »)
La guerre contre Gaza
– Anne Paq : « Nous avons retenu l’une de ces données – 142 familles palestiniennes qui ont perdu trois membres ou plus, selon un décompte de l’ONU- et l’avons transformée en un récit intime de perte soudaine, de douleur, et de la vie d’après.
Les survivants, aussi, se rappellent certains chiffres – la minute, l’heure, le jour, le mois où une bombe a frappé leur maison. Le temps qu’il a fallu aux ambulances pour les atteindre. Le nombre de leur êtres chers blessés et tués. Ce dont ils se souviennent les hante : la nuit quand il n’y a pas d’électricité, quand ils essaient de trouver le sommeil, ou tout simplement quand ils voient une photo de leurs proches, maintenant disparus.
Photo: Ala Balata, 17 ans, est le seul survivant de sa famille proche.
Ala a perdu ses parents et sept frères et soeurs, tués dans une attaque israélienne.
Comment cela a-t-il commencé ?
Nous avons travaillé en équipe pendant l’offensive, avec Anne qui photographiait et Ala qui écrivait les histoires correspondantes.
– Anne PAQ : J’ai commencé à me rendre dans la bande de Gaza en 2010, et à partir de ce moment là Gaza est devenue une grande partie de mon travail et ma vie. Les années suivantes, j’ai documenté non seulement la souffrance d’un peuple vivant sous blocus, mais aussi la vie quotidienne, et les scènes vibrantes artistiques et alternatives. Gaza est beaucoup plus que ce que les médias nous montrent habituellement. Sa soif de liberté et de la vie est contagieuse, et je m’y suis faite beaucoup d’amis proches.
J’ai beaucoup insisté pour que Ala, une amie journaliste proche, m’accompagne. Elle m’a finalement rejoint en Novembre 2012 – le premier jour de l’offensive militaire israélienne. Notre travail était difficile, mais je ne pouvais pas penser à une meilleure personne avec qui faire équipe. Parfois, je me précipitais pour prendre des photos. Ala me ralentissait toujours. « Attends, je veux m’assurer que je comprenne correctement cette histoire », m’a-t-elle toujours dit. Voilà pourquoi je pouvais lui faire confiance. Ala prendrait toujours un temps supplémentaire pour être sure de discuter les détails avec la personne interviewée, mais aussi pour se connecter sur le plan humain. En 2014, je n’ai pas hésité une minute lorsque Ala m’a dit qu’elle allait retourner à Gaza. Je ne pouvais pas rester en Europe, tandis que la bande de Gaza était bombardée à nouveau. Je l’ai rejoint et nous avons travaillé à nouveau sans relâche – jours et nuits.
Quand j’y suis retournée en Septembre, après le cessez-le, le Gaza que je connaissais avait été changé à jamais. J’ai été choquée de voir que tous les journalistes internationaux étaient absents, alors que la lutte réelle des gens sur place venait juste de commencer: construire leur vie dans les décombres d’une autre guerre. J’ai décidé alors de me consacrer à ce projet à long terme.
– Ala : Quand je dis à mes amis du Moyen-Orient que je suis à moitié palestinienne, ils sont souvent un peu agacés. «Si ton père est palestinien, tu es palestinienne. » Je réponds généralement avec un sourire à ce commentaire. J’ai grandi en Pologne et longtemps avant même que nous n’ayons commencé à parler de la Palestine à la maison, mon père me disait: « Nous sommes des réfugiés, alors étudie à fond, parce que quand quelqu’un viendra t’expulser de ta maison, ton éducation sera tout ce que tu pourras prendre avec toi. » Il pensait à ses parents, expulsés de leur village par les forces israéliennes en 1948 et empêchés depuis d’y retourner. Quand je suis arrivée en Palestine en 2012 pour écrire sur la lutte pour la justice et contre l’oppression, je me suis rendue compte que beaucoup de parents palestiniens disaient la même chose à leurs enfants. Au fil des ans la Palestine m’est devenue chère, et en particulier Gaza. Comme l’a mentionné Anne, il est difficile de résister à la soif du peuple pour la vie et la liberté ainsi que son hospitalité, sa bienveillance et son ouverture.
Nous avons travaillé ensemble avec Anne dans les moments les plus chaotique et intenses. Elle était infatigable, avec comme force motrice son engagement envers les Palestiniens de Gaza. Et très respectueuse envers les gens qu’elle photographiait. Même pendant l’offensive israélienne, elle a gardé ses principes, sans jamais oublier de dire « bonjour », « merci » ou « êtes-vous d’accord pour être photographié? ». Après l’été 2014, j’ai pensé quitter la Palestine pour de bon. J’étais épuisée. Mais à la place, j’ai commencé à y retourner pour de courtes visites et finalement à Gaza pour quelques mois afin de recueillir des matériaux pour notre projet.
Le projet a vraiment commencé quand nous avons réalisé que, sous les bombardements quotidiens, terrées dans leur maison ou fuyant sous les bombes, des familles entières disparaissaient, et leurs histoires avec elles. Nous n’arrivions plus à les compter. La situation générée par la guerre était souvent trop chaotique pour pouvoir même recueillir tous les noms des personnes tuées.
Anne a alors décidé de retourner dans la bande de Gaza en Septembre 2014, peu après le cessez-le-feu. Elle a commencé à retrouver des survivants et des proches des familles qui avaient été décimées lors des attaques. Ala a rejoint le projet l’année suivante. Nous avons commencé avec une poignée de familles puis le projet s’est agrandi avec l’aide du Centre Al Mezan pour les droits humains, qui nous a aidé à contacter d’autres survivants. Pendant plus d’un an, nous sommes retournées dans la bande de Gaza à plusieurs reprises et avons rencontré 54 familles.
Le webdocumentaire «Obliterated Families » se concentre sur 10 familles, l’histoire de chacune faisant l’objet d’un chapitre. Il comprendra aussi une section « ressources », avec notamment une exposition photo que ceux qui souhaitent s’engager un peu plus sur le sujet pourront présenter à leur entourage et réseau. Le webdocumentaire sera en français et en anglais.
Chaque chapitre sur les familles se compose de texte, photos et des vidéos. Il était important pour nous de ne pas se limiter aux moments des attaques et de se pencher aussi sur la vie de ces familles avant l’offensive. Certaines familles ont partagé avec nous leur histoire, remontant à leur expulsion en 1948, d’autres nous ont laissé les accompagner dans leur cheminement pour reconstruire leur vie – nous invitant à leurs mariages, à des sorties, déjeuners et à partager d’innombrables tasses de café.
Nous avons compris que certaines familles étaient lasses du flot de journalistes et membres d’ONG posant tous les mêmes questions difficiles, et nous avons essayé d’y être sensibles. Nous avons pris le temps de se connaître. Nous espérons que nous sommes parvenues à établir des portraits intimes, respectueux et sensibles de chaque famille, une documentation se démarquant des enquêtes habituelles.
Notre intention est de sortir le webdocumentaire par étapes, autour du deuxième anniversaire de l’offensive israélienne sur la bande de Gaza, entre Juillet et Août 2016. Dans un premier temps, nous pensons publier les histoires de cinq familles, puis viendront les cinq autres chapitres publiés aux dates exactes des attaques sur leurs maisons. Ceci devrait permettre de donner une plus grande visibilité aux histoires.
Deux ans après le cessez-le-feu, il est grand temps de rappeler à la communauté internationale le sort des survivants qui attendent que justice soit faite, de savoir pourquoi leurs êtres chers ont été tués, et qui vivent dans la peur de la prochaine guerre à venir.
Pourquoi financer le projet?
Ce projet est la plus vaste documentation visuelle sur des familles dont plusieurs membres ont été tués lors de l’offensive israélienne contre la bande de Gaza. Le résultat sera beaucoup plus intimiste que tous les reportages ou rapports d’ONG produits sur le sujet.
Le sujet est sensible. Les médias traditionnels, si désireux de couvrir les attaques, sont maintenant presque silencieux. Les traumatismes et les luttes pour la survie, consécutifs à l’offensive, ne sont pas assez sensationnels. Sans intérêt de la part des médias, nous devons nous tourner vers le public pour financer notre projet.
Nous n’avons que deux mois avant le deuxième anniversaire de l’offensive israélienne, et encore beaucoup de travail. Sans le financement, nous risquons de ne pas pouvoir respecter ce délai. Après près de deux années de travail acharné, nous voulons être certaines d’avoir les moyens adéquats pour finaliser le webdocumentaire de la meilleure façon possible.
À quoi servira la collecte ?
Nous avons donc embauché un web designer, des monteurs vidéo et des éditeurs de texte, des cameramen supplémentaires et des traducteurs. Nous avons encore besoin de l’aide de quelques professionnels pour finaliser le web documentaire.
Il sortira d’abord en deux langues – français et anglais, mais nous envisageons également une traduction limitée en polonais, et – si nous recueillons des fonds plus importants – une version en arabe.
Parce que l’aspect visuel du webdocumentaire est crucial, nous produisons 12 vidéos et un documentaire court sur le sujet. Il a fallu passer par les interviews et les séquences vidéos de près de 50 familles. Cela a pris beaucoup de nos ressources.
Nous, à savoir les deux co-réalisatrices, allons devoir travailler à plein temps au cours des deux prochains mois pour y arriver, ce qui signifie que nous ne serons pas en mesure de prendre des demandes de reportages rémunérées. Nous l’avons déjà fait dans le passé, mais maintenant nous avons besoin d’un plus grand soutien, également pour que l’équipe puisse être en mesure de se réunir pour finaliser le projet.
Voici la répartition de notre budget:
– Web design: 3200 €
– Frais de déplacement et autres dépenses pour les deux co-directeurs pour deux mois: 2200 €
– Montage vidéo: 1800 €
– Compensation pour les photographes, journalistes, traducteurs et autres collaborateurs dans la bande de Gaza: 1800€
– Traductions de tous les textes du webdocumentaire (la longueur d’un livre en moyenne) en deux langues: 2200 €
– Édition des textes en anglais et en français: 1200 €
– Préparation de l’exposition de photos et direction artistique: 300 €
– Coûts de post-production vidéos: 600 €
– Hébergement web pour 4 ans: 200 €
SOUS TOTAL 13 500 €
Nous devons également inclure la commission de Kiss Kiss Bank Bank qui est de 8% soit 1080 €.
TOTAL 14 580 €
Que ferons-nous avec plus de financement?
Avec plus de financement, nous serons en mesure de consacrer plus de temps pour organiser des présentations du web-documentaire, et nous pourrons ajouter, pour :
16 000 €: des podcasts pour chaque épisode,
18 000 €: une version papier des 10 chapitres comprenant les textes et certaines des photos,
20 000 €: des podcasts, la version imprimée ainsi que l’embauche d’un éditeur vidéo pour éditer d’autres témoignages des familles et les ajouter en ligne à la section Bibliothèque de notre doc web,
23 000 €: une version arabe de notre doc web.
https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/obliterated-families
CAPJPO-EuroPalestinne