Seuls 15,6 % des biens ayant appartenu à des juifs disparus dans la Shoah ont été rendus aux héritiers légitimes, par Israël qui continue à détenir ces biens, montre un article de Danièle Kriegel, publié dans le Point.
Israël ferait bien de se servir un peu moins de la Shoah en bouclier de ses crimes, et de rendre justice à ses victimes en leur rendant leurs biens.
Norman Finkielstein, qui l’avait souligné dans son livre « L’industrie de l’Holocauste », qui fit scandale et fut poursuivi en justice, avait raison, et 12 ans après sa parution, le problème reste entier.
La publication, début novembre, du rapport annuel du contrôleur de l’État*, montre en effet l’énorme quantité de « biens juifs en déshérence », Israël n’ayant restitué que 15,6 % des biens ayant appartenu à des juifs disparus dans la Shoah à leurs héritiers légitimes.
« Hashava, la compagnie gouvernementale chargée de cette mission depuis dix ans, ne se presse pas. Ainsi, fin février de cette année, sur les 631 dossiers ouverts pour retrouver d’éventuels ayants droit, 547 étaient toujours en cours, alors qu’en dix ans le nombre des employés n’a cessé de croître, de même que le budget de fonctionnement », rapporte Danièle Kriegel.
Ce n’est pas plus brillant en ce qui concerne une autre obligation de cet organisme gouvernemental : l’aide aux rescapés de l’Holocauste.
Hashava a versé 750 millions de shekels (184 millions d’euros) aux associations d’aide aux survivants, mais en 2016, tout s’est arrêté.
Une opacité clairement épinglée
« L’État d’Israël est supposé servir d’exemple en matière de restitution des biens, que ce soit à travers Hashava ou via les institutions publiques afférentes. Toutes les parties concernées doivent coopérer afin d’activer la gestion des biens en déshérence, une justice historique pour Israël », note le contrôleur de l’État.
Refus de collaborer des banques israéliennes
Diplomate de carrière, puis députée travailliste depuis 1999, Colette Avital se rappelle très bien comment, pour elle, tout a commencé. Elle a découvert cette affaire presque fortuitement, dans un article publié par un journal israélien. Elle lit alors qu’au cours des années 20 et 30, surtout en Europe de l’Est, pour encourager le sionisme en Palestine, des juifs avaient ouvert des comptes dans ce qui était alors l’Anglo-Palestine Bank, l’ancêtre de l’actuelle banque Leumi. Certains avaient aussi acheté des terrains, des biens immobiliers, etc. « Mais ce qui m’a le plus révoltée, c’est cette partie de l’article donnant la parole à des gens qui se plaignaient d’être venus en Israël pour essayer de récupérer l’argent légué par un grand-père, un père, disparus dans la Shoah. Tous avaient reçu la même réponse : Nous ne savons pas de quoi vous parlez, nous ne savons rien à ce sujet… »
Une fin de non-recevoir d’autant plus scandaleuse, à ses yeux, qu’en tant que diplomate elle connaissait la lutte menée par Israël et le monde juif pour amener les banques suisses, les pays d’Europe de l’Est, etc. à restituer les biens juifs en déshérence. « Je me disais que nous, la patrie du peuple juif, nous ne faisions pas ce que nous demandions aux autres ! » Colette Avital prend alors la tête d’une commission d’enquête. Cinq ans de recherches qui, en raison du refus de collaborer des banques israéliennes, vont souvent emmener son équipe dans les archives britanniques : « Nous y avons retrouvé au moins 9 000 comptes bancaires et 20 000 titres de propriété. » Après la publication d’un rapport adopté à l’unanimité par la Knesset, le parlement israélien, révélant que les comptes en déshérence dans les banques du pays s’élèvent à 1 milliard de shekels, soit 242 millions d’euros, Colette Avital ne s’arrête pas là : « Je me suis rendu compte que les rapports finissaient souvent sur une étagère à prendre la poussière. D’où ma décision de me lancer dans une nouvelle bataille : rédiger un projet de loi contraignant, lequel fut voté, à l’unanimité, en 2005. » Pour la mise en œuvre de la loi, le gouvernement créait un an plus tard l’Agence officielle pour la localisation et la restitution des biens en déshérence des victimes de la Shoah, la fameuse compagnie Hashava aujourd’hui épinglée par le contrôleur de l’État.
(…)
* L’équivalent du président de la Cour des comptes en France.
Source : http://www.lepoint.fr/monde/biens-juifs-en-desherence-israel-ce-mauvais-eleve-08-12-2016-2088865_24.php
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