Le « pinkwashing », cela ne vous dit peut-être pas grand-chose. Cette stratégie développée par les dirigeants israéliens pour améliorer l’image de leur pays à travers la promotion de l’homosexualité est pourtant une réalité, férocement mise à nu par le journaliste Jean Stern dans son livre-enquête « Mirage Gay à Tel Aviv ».
Cela fait longtemps que les dirigeants israéliens ont pris conscience qu’ils ne pouvaient pas se reposer sur la fable d’un « David contre Goliath » pour justifier leur brutale persécution du peuple palestinien.
Aussi, la propagande officielle a-t-elle investi des dizaines de millions d’euros pour vendre au reste du monde un « autre » Israël que celui des bombardements et de la colonisation ; un Israël champion de l’art de vivre, avec ses plages, ses artistes, sa recherche médicale et même sa gastronomie.
Mais au décours de cette campagne appelée « Brand Israel », une brique de taille est venue s’ajouter à l’édifice.
C’est le « pinkwashing » , formule qu’on peut traduire par « Lave plus rose », ou bien « Laver par le rose », qui consiste à présenter Israël, et singulièrement sa capitale Tel Aviv, comme le pays le plus favorable du monde aux homosexuels, le plus « gay friendly ».
Que la société israélienne, en tout cas sa fraction la plus religieuse, soit elle-même passablement homophobe, peu importe.
Les milliers de gays du monde entier, au portefeuille généralement bien garni, à qui l’on a fait miroiter, notamment via le cinéma porno, la perspective d’une « baise mémorable » avec de jeunes hommes bronzés et musclés à souhait, militaires de préférence, n’y verront que du feu, explique Jean Stern.
(affiche publicitaire pour le film pornographique « Hommes d’Israël », sorti en 2009)
Pas plus qu’ils ne verront la réalité hideuse de l’occupation.
L’objectif, estime l’auteur, semble malheureusement atteint : « les gays de retour de Tel Aviv ne tarissent pas d’éloges sur leur séjour, et contribuent à remplir les charters de touristes homonationalistes émoustillés d’avance », constate l’auteur.
Au-delà des institutions gouvernementales israéliennes, c’est tout le milieu gay israélien –à quelques exceptions près- qui en prend pour son grade, notamment pour son dédain vis-à-vis des homosexuels palestiniens, victimes d’une double, voire triple ou quadruple peine.
Comme tous leurs concitoyens, les homosexuels palestiniens subissent au quotidien la violence de l’occupation et de la colonisation. Ils sont de plus vulnérables et contraints à la clandestinité au sein de leur propre société, toujours conservatrice sur le plan des mœurs. Le sachant, les services de renseignement de l’occupant exercent sur eux, chaque fois qu’ils le peuvent, un odieux chantage : « Tu deviens notre collaborateur, ou on révèle à tout ton village que tu es un sale pédé ».
Mais pour le LGBT (Lesbiennes, Gays, Bi- et Trans) officiel, la Gay Pride, un événement théoriquement dédié à la défense de tous les homosexuels, c’est bon pour les Juifs et leurs visiteurs occidentaux, pas pour les Arabes.
Jean Stern, qui fut l’un des pionniers de la lutte pour la reconnaissance des droits des gays en France dans les années 1970, s’indigne, à juste titre, de cet apartheid rose.
Son livre illustré et bien documenté contient en outre un chapitre dévastateur sur le développement israélien de la GPA (Gestation pour Autrui) qui voit des centaines de couples homosexuels masculins acheter chaque année le ventre de « mères porteuses » un peu partout dans le monde.
Cela pose évidemment un petit problème quant à la judaïcité du bébé accouché d’une maman népalaise ou indienne. Mais avec un peu d’astuce, on trouvera bien un rabbin pour décréter que l’enfant, une fois dans les bras de ses papas israéliens, est quand même juif, bientôt bon pour le service !
(« Mirage Gay à Tel Aviv », Jean Stern, éditions Libertalia, 14 €, en vente à la librairie Résistances)
CAPJPO-EuroPalestine