Pas moins de 40 policiers (on les a comptés), en uniforme et en civil, étaient mobilisés vendredi pour transformer en citadelle assiégée le tribunal administratif de Montreuil, où le préfet de la Seine-Saint-Denis avait convoqué le maire de Stains, Azzeddine Taïbi.
Le « crime » de cet élu ? Celui de réclamer la libération de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, détenu sans jugement ni même inculpation depuis août 2017 par l’arbitraire israélien.
Eh oui ! Sur commande de deux officines pro-israéliennes sévissant en France (le BNVCA de Sammy Ghozlan et l’OJE de Gilles Taïeb, parallèlement patron d’une association de financement de l’armée israélienne), le préfet demande au tribunal d’ordonner le retrait immédiat de la banderole que la municipalité de Stains, réclamant la liberté pour Salah et tous les prisonniers politiques palestiniens, a déployée au fronton de la mairie de cette petite ville de la banlieue parisienne.
(un premier détachement de policiers …)
(et encore un autre au bout de la ruelle)
Nous étions venus à quelques dizaines soutenir Azzedine et son équipe : élus d’autres villes (plus de 1.500 ont à ce jour signé une pétition réclamant la libération de Salah), militants de la solidarité, notamment d’EuroPalestine, sans oublier Elsa Lefort, la compagne de Salah, à qui le régime d’apartheid refuse le droit même de rendre visite à son compagnon.
Que dire de « l’argumentation » du représentant du préfet, entendu en premier par la juge ? Malgré les notes d’audience que nous avons prises, difficile d’en sortir autre chose qu’un galimatias, où l’initiative de la mairie de Stains aurait eu le tort d’avoir été « informelle », contrevenant à une obligation de « neutralité politique », seul le gouvernement ayant le droit de se prononcer sur ce qu’il a appelé « un conflit international ».
Pas un mot dans sa bouche, bien sûr, sur tous ces maires alignés sur Israël qui ont fait en toute tranquillité campagne pour le soldat israélien Gilat Shalit (détenu par la résistance palestinienne entre 2006 et 2011), ou ceux qui réclamaient, avec moult banderoles et illuminations, la libération de l’otage franco-colombienne Ingrid Bettencourt.
Qu’à cela ne tienne ! L’avocat de la ville de Stains, M° Roland Weyl, plus incisif et pugnace que jamais à l’âge de 98 ans, était là pour remettre les pendules à l’heure.
Après avoir démonté les arguties juridiques de la préfecture sur le caractère prétendument « informel » de la décision municipale, et « l’absence d’intérêt local » à prendre la défense de Salah Hamouri, M° Weyl (qui est inscrit au barreau depuis 1939 !) a exposé les véritables motivations de la tentative liberticide du préfet.
«Manifestement, quand le préfet entend parler de la Palestine, il voit rouge et il cherche à censurer. Car contrairement à ce qu’il avance, revendiquer la libération de Salah, ce n’est même pas faire de la politique, c’est réclamer l’application des droits de l’homme et du droit international, violé par Israël : car Salah Hamouri est en prison depuis le mois d’août 2017 sous le régime inique de la ‘détention administrative’, sans qu’aucune charge ne lui ait été signifiée par les autorités israéliennes ».
Et puis, a souligné l’avocat, Salah Hamouri est citoyen français, et nos autorités lui doivent au contraire protection. « La Présidence de la République a d’ailleurs officiellement écrit aux proches de Salah, pour leur dire que notre gouvernement voulait sa libération, et qu’il développait les démarches pour l’obtenir. Alors, le préfet de Seine-Saint-Denis s’oppose-t-il à la politique de son gouvernement ? », a-t-il fait ironiquement observer.
Enfin, l’avocat a exprimé une certaine colère, face à l’utilisation, à des fins politiquement frauduleuses, de l’expression « conflit israélo-palestinien ». « Cette formulation, qui laisse entendre qu’il y aurait deux parties qui s’affronteraient, est fausse, et je ne l’emploie pas : quand quelqu’un entre chez vous par effraction et vous vole vos biens, on ne parle pas de conflit, mais d’un voleur et de sa victime », a-t-il terminé sa plaidoirie, en demandant le rejet de la requête extravagante du préfet.
Commencée à 9h40, l’audience a pris fin 30 minutes plus tard.
(au sortir de l’audience, Azzedine Taïbi fait un bref compte-rendu pour celles et ceux qui n’avaient pu entrer, et réaffirme notre détermination commune à soutenir la cause du peuple palestinien ; à ses côtés, Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers, Elsa Lefort, et Roland Weyl)
Mis en délibéré, le jugement devait être rendu en fin de journée vendredi.
(aux abords du tribunal)
CAPJPO-EuroPalestine