Voici la lettre que Ronnie Kasrils a adressé au tribunal de Versailles avant le procès. Nous allons publier tous les témoignages écrits des témoins qui n’ont pu être entendus.
Ronnie Kasrils, lors de notre concert « Free Palestine » à la Porte de Paris le 1er novembre 2015
Ronald KASRILS
Johannesbourg, République d’Afrique du Sud
Vice-ministre de la Défense (1994-99)
Ministre des Forêts et des Eaux (1999-2004)
Ministre des Services de Renseignements (2004-2008)
Le 6 mars 2018
A l’attention de Mme la Présidente de la 8ème chambre correctionnelle du Tribunal de Versailles
Madame la Présidente,
C’est en ma qualité d’ancien ministre ayant servi à plusieurs reprises le gouvernement démocratique de l’Afrique du Sud (voir ci-dessus le détail de mes participations) entre 1994 et mon départ à la retraite en 2008 que je m’adresse aujourd’hui à vous, non sans rappeler les relations de coopération que j’avais entretenues en leur temps avec les autorités françaises.
Je viens de prendre connaissance, avec toute l’attention requise, des poursuites dont est l’objet Mme Olivia Zémor devant votre juridiction, au sujet d’une manifestation de 2011 où il avait été demandé à la chanteuse Vanessa Paradis de ne pas aller se produire en concert en Israël.
Cette affaire m’intéresse et me concerne en tant que partisan déclaré de la Campagne Internationale de Boycott – Désinvestissement – Sanctions (BDS) visant l’occupation illégale, par Israël, des territoires palestiniens, la violation, par cet Etat, d’innombrables résolutions des Nations-Unies, et son traitement brutal du peuple palestinien auquel sont déniés tous droits humains.
En fait, ma sensibilité à ce sujet doit beaucoup au fait que pour les grandes figures de notre mouvement de libération nationale, telles Nelson Mandela ou l’archevêque Desdmond Tutu, le soutien au droit du peuple palestinien à l’auto-détermination allait de soi. Mais j’ai pu également constater que notre propre lutte a pu retirer un grand bénéfice de la campagne internationale BDS menée en son temps contre le régime sud-africain de l’apartheid, campagne qui connut un large écho en France, et qui se concrétisa par l’adoption de sanctions par le gouvernement français lui-même.
Un nombre significatif de Sud-Africains d’origine juive –dont Denis Goldberg, qui avait été condamné à la détention perpétuelle en même temps que Nelson Mandela- soutiennent la campagne BDS , et ils rejettent avec dégoût l’idée que celle-ci soit violente, voire antisémite. Ici, nous faisons le parallèle entre cette campagne et celle qui était menée contre l’apartheid sud-africain : de la même manière que la lutte pour l’abolition de l’apartheid n’était pas un appel à la haine raciale contre les Blancs ou tout autre groupe racial, mais une forme pacifique de protestation contre un système injuste, de la même manière la campagne BDS n’a rien de discriminatoire à l’encontre des personnes juives.
J’ai appris que la chanteuse française Vanessa Paradis avait annulé un concert programmé à Tel Aviv, et j’en suis heureux. J’ai visionné la vidéo illustrant une manifestation de protestation contre ce projet de tournée en Israël, et cela me rappelle les innombrables manifestations de ce type, pendant des décennies un peu partout dans le monde, avant la chute du régime sud-africain de l’apartheid.
Madame la Présidente, c’est avec plaisir que je serai venu témoigner au procès intenté à Mme Zémor, mais les délais pour effectuer un tel voyage sont malheureusement trop courts.
Je fais confiance à la Justice de votre pays, et aux principes de votre grande révolution, qui garantissent la liberté de réunion et d’expression de chaque citoyen, notamment en ce qui concerne les actions de solidarité menées par la campagne BDS. Ce ne sont pas seulement les Sud-Africains, mais tous les citoyens du monde, qui devraient faire leur la célèbre déclaration de Nelson Mandela, pour qui « Nous autres Sud-Africains ne pourront pas nous sentir libres, tant que le peuple palestinien ne le sera pas lui aussi ».
Je vous prie de recevoir, Madame la Présidente, l’expression de ma haute considération.
Ronnie KASRILS
CAPJPO-EuroPalestine