Nous publions de nouvelles lettres de lecteurs adressées au directeur du Palais de Chaillot qui prévoit d’accueillir un spectacle de danse sponsorisé par Israel, dans le cadre des festivités organisées pour le 70ème anniversaire de dépossession du peuple palestinien.
Lettre ouverte à mes réseaux universitaires, de recherche, artistiques, associatifs, etc.
Nadya Bouzar-Kasbadji
A Monsieur Didier Deschamps
Directeur de Chaillot, Théâtre national de la Danse
De l’inéthique invitation de la Batsheva Dance Company
Monsieur le Directeur,
Pétrie d’arts et de littérature juifs de la Mitteleuropa, de leurs contextes, c’est à leur lumière que j’aborde la lecture d’Israël, de sa propagande, de son emprise sur les grandes puissances occidentales, de son chantage à l’antisémitisme, de ses lobbies, et surtout, je m’horrifie de la violente répression, des crimes incessants perpétrés par ses gouvernants, son armée, ses colons pourtant dénoncés par des voix juives israéliennes courageuses et qualifiées, arabes israéliennes, palestiniennes, occidentales juives et de toutes origines, sensibilités politiques et confessions, ce depuis 1948 au moins.
Ces arts juifs, cette littérature de la Mitteleuropa, ont relaté – de l’incrédulité à l’effroi – le progressif, l’implacable et brutal étau auquel leurs créateurs et interprètes ont été soumis, les condamnant à l’affliction de la fuite et de l’exil, au suicide, ou à la monstrueuse immolation pour tant d’entre eux, tandis que nombre de leurs concitoyens de toutes nations européennes sinon hostile affectait de ne rien voir, de ne rien savoir.
Cette tragique histoire artistique et intellectuelle juive maculant les valeurs et l’histoire européennes, vous en avez, Monsieur le Directeur, aussi bien que vos collaborateurs, toute connaissance ; certains d’entre vous en sont-ils peut-être personnellement concernés.
Aussi, est-il inconcevable aux gens de culture et de conscience de souffrir que vous, actuels dirigeants, engagiez le Théâtre National de la Danse du Palais de Chaillot à soutenir les dérives inhumaines d’un pays comme Israël en invitant la Batsheva Dance Company, fleuron de la danse contemporaine, et bien moins honorablement ambassadrice ouvertement rétribuée et missionnée au titre de la propagande d’État, et, apprend-on, sponsorisée par des entreprises d’armement (Eastronics et IDB International) et de spoliation des terres palestiniennes telles que le Fonds national juif (KKL).
Inconcevable de souffrir que vous cautionniez implicitement les dérives de cet État, certes non au regard de l’idéologie des puissants gouvernants et médias, ni d’influentes organisations sectaires qui se féliciteront de votre programmation mais au regard de l’Histoire – le seul, le juste, l’irréductible – qui conservera mémoire de l’atroce et incessante politique de colonisation, spoliation-déportation, destruction, ghettoïsation, privations, sévices, assainissement ethnique, tueries du peuple palestinien. Peuple nié dans son droit d’exister, de résister, et même de se défendre avec les moyens les plus dérisoires dans son propre territoire devenu par les successives violations israéliennes morcelé voire résiduel : la minuscule Cisjordanie avec Jérusalem-Est en cours de nettoyage de « ses Arabes » expropriés manu militari, et l’exiguë bande de Gaza sans relâche pilonnée, affamée, assoiffée, ensanglantée !
En raison d’expressions artistiques traditionnelles palestiniennes qu’Israël n’a de cesse de ruiner, de productions contemporaines qu’il n’a de cesse d’entraver, de bâillonner, de saboter, d’interdire, et de s’évertuer à faire interdire en pays sous son influence, peine à survivre un patrimoine culturel et archéologique dont les graves et multiples atteintes menacent de déposséder de son legs les futures générations palestiniennes, et par voie de conséquence l’humanité entière. Ce, à l’instar de l’abomination hitlérienne qui, ayant échoué à éradiquer de toute mémoire l’œuvre juive, parvint par le meurtre de créateurs et d’auteurs à priver l’humanité de l’advenue de leur héritage, à anéantir l’idéal humaniste et pacifiste de la culture mitteleuropéenne juive, lui-même malmené par celui d’autres Juifs européens, tenants de l’Eretz Israel, théoriciens et leaders sionistes possédés par la visée ethno-religieuse d’instaurer un « État juif » en terre de Palestine, quoi qu’il en coûtât aux autochtones arabes chrétiens et musulmans.
Bien des similitudes avec les persécutions nazies à l’encontre des artistes et intellectuels juifs, m’obligent à vous interpeller concernant celles d’Israël infligées à leurs pairs palestiniens.
La Lettre ouverte qui fut adressée au directeur de l’Opéra de Paris par d’éminentes personnalités juives israéliennes contestant le bien-fondé de la programmation de la troupe Batsheva en janvier 2016, l’indignation de citoyens parfaitement informés s’y associant, les protestations que vous recevez actuellement devraient vous inspirer de ne pas basculer du côté de ce régime oppresseur qui finira bien par répondre devant la justice internationale de son abject et criminel système.
Si aveuglement et pseudo apolitisme font bon ménage pour épargner réprobation à Israël, et s’épargner ses foudres relativement à ses agissements en Palestine occupée et démembrée, humanité et conscience quant à elles ne peuvent s’en accommoder ni se taire. Aussi, si le courage vous manquait à déprogrammer la compagnie Betsheva, l’Histoire demain vous jugera, jugera vos collègues, et vous consignera sinon dans le chapitre des auxiliaires, à tout le moins dans celui des sympathisants de l’infamie israélienne qui empêche, réprime, interdit l’expression artistique palestinienne, emprisonne, torture, handicape, et tue ses créateurs, ses interprètes.
La dignité de la France et de ses arts ne méritent guère la souillure morale d’une exhibition de danseurs stipendiés pour servir la propagande d’un État officiellement d’apartheid selon sa loi « fondamentale » votée en juillet 2018, aussi par des marchands d’armes et des expropriateurs, sur la scène de son prestigieux Palais de Chaillot.
Cette institution que vous dirigez se targue d’être un « Théâtre responsable » agissant « en faveur du développement durable dans la conduite de ses missions ». J’ose croire que c’est en fidélité active à l’honorable ligne qui fut sienne comme siège de l’Organisation des Nations unies trois ans durant dès 1948, et dans la grande salle duquel fut signée la Déclaration universelle des droits de l’homme, le 10 décembre.
Saurez-vous comme directeur ne pas en compromettre les principes humanistes et de justice élevés ?
Si je vous suis une inconnue pour accorder pleine mesure à mon exhortation, et afin que nul des cadres du Théâtre ne puisse jamais prétexter à son tour un « Je ne savais pas ! », il me tient de vous inviter à prendre connaissance des rigoureux et édifiants travaux scientifiques publiés par Ilan Pappé et Shlomo Sand qui, entre autres Nouveaux historiens israéliens, en appellent au boycott d’Israël, leur propre pays, comme il en fut pour l’Afrique du Sud afin d’abolir l’insoutenable système d’apartheid.
Ne désespérant guère d’un sursaut de conscience courageux, éthique, et honorable de votre part, je vous adresse mes remerciements anticipés pour la déprogrammation responsable de la Batsheva Dance Company de la scène de Chaillot.
Nadya Bouzar-Kasbadji
Musicologue et historienne d’art
Île-de-France, mardi 2 octobre 2018
Copie à :
– Monsieur Réda Soufi, administrateur général
– Monsieur José Montalvo, directeur de la Danse
– Monsieur Benoît André, secrétaire général et conseiller à la programmation
– Madame Agnès Chemama, directrice du développement et des publics et conseillère à la programmation jeune public
Messieurs Didier DESCHAMPS et José MONTALVO
La troupe nationale de danse Batsheva, présentée par le bourreau Netanyahou, premier ministre israélien, comme « le meilleur ambassadeur d’Israël à l’étranger », est invitée à se produire le 10 octobre prochain à Paris, au Palais de Chaillot (Théâtre National de la Danse).
Messieurs, s’il vous plaît, ne vous compromettez pas avec un pays qui pratique l’Apartheid vis à vis du Peuple Palestinen ! Entendez la voix de ce peuple d’un pays occupé depuis plus de 70 ans par Israël au mépris des conventions internationales.
A ce jour, 350 enfants sont emprisonnés dans les geôles israéliennes au mépris de la convention de Genève des Droits de l’Enfant, sous détention dite « administrative » au nom de la « sécurité » : des balles réelles contre des pierres !
Non, Messieurs, en France et surtout dans ce prestigieux lieu qu’est Chaillot : On ne danse pas avec l’apartheid !
Bien Respectueusement,
Marie-Claire GOURINAL
Citoyenne Française
CAPJPO-EuroPalestine