Le premier ministre indien n’a jamais caché son admiration pour le modèle d’Etat israélien accordant le monopole de nombreux droits, et y compris de la nationalité, à un groupe ethno-religieux. Il y vient avec une nouvelle loi sur l’accès à la citoyenneté fondée sur la religion, et excluant les Musulmans. Grandes manifestations dans le pays, rapporte Laure Siegel pour Mediapart (Extraits).
27 décembre 2019, manifestation après la prière du vendredi dans le vieux quartier de Delhi, en Inde. © Anushree Fadnavis / Reuters 27 décembre
« Depuis mi-décembre, des manifestations géantes ont lieu en Inde en réaction à une nouvelle loi sur l’accès à la citoyenneté fondée sur la religion. Combiné à la mise à jour de registres nationaux de population et de citoyens, le dernier coup d’éclat du parti nationaliste hindou au pouvoir fait craindre à des millions d’Indiens (notamment musulmans) de perdre leur statut.
Calcutta (Inde), envoyée spéciale.– « L’ambiance est intense et je pense que les choses vont progressivement devenir bien pires. C’est vraiment une perspective terrifiante pour tous les Indiens », constate Sufyan, un jeune étudiant et manifestant de la première heure dans un quartier populaire de Calcutta, troisième ville de l’Inde, à l’est du pays. Depuis le 15 décembre, des milliers de personnes ont été blessées, arrêtées et jugées aux quatre coins du pays, dans la foulée de manifestations contre de nouvelles lois sur la citoyenneté perçues comme discriminatoires.
Partout, des rassemblements ont été brutalement réprimés à coups de lathis, des bâtons en bois utilisés pour le contrôle des foules par les policiers indiens, de canons à eau, de gaz lacrymogènes et de munitions réelles. Une trentaine de personnes ont perdu la vie, dont 20 dans l’État de l’Uttar Pradesh, où des raids arbitraires ont été menés dans les quartiers musulmans et où des centaines d’activistes ont été intimidés. Un garçon de onze ans est décédé lors d’une bousculade provoquée par une charge de la police.
Le 11 décembre, le Parlement, sous contrôle du BJP (le parti nationaliste hindou) depuis la réélection du premier ministre Narendra Modi en mai 2019, a adopté l’Acte d’amendement sur la citoyenneté (CAA), qui modifie la législation interdisant aux migrants illégaux de demander la nationalité indienne. Les hindous, sikhs, bouddhistes, jaïns, parsis et chrétiens fuyant les discriminations en Afghanistan, au Bangladesh ou au Pakistan qui sont entrés en Inde avant le 31 décembre 2014 peuvent désormais déposer une demande de citoyenneté, même si leurs papiers ne sont pas en règle, tout en bénéficiant d’un abaissement de la durée de résidence minimale en Inde à six ans, au lieu des douze requis pour tous les autres étrangers.
Le ministère de l’intérieur défend « une loi très ciblée qui traite spécifiquement des étrangers de six groupes communautaires minoritaires provenant de trois pays voisins qui ont leur propre religion d’État », une loi qui relève du devoir de l’Inde « d’aider les persécutés ».
Les critiques répliquent que des communautés musulmanes sont aussi en danger dans les pays limitrophes et que leur absence de la liste envoie un message d’hostilité dans toute la région, et notamment aux Rohingyas de Birmanie, parmi les plus persécutés au monde selon l’ONU.
L’annonce simultanée de la mise en route du Registre national de la citoyenneté (NRC) au niveau fédéral, pour « éliminer les infiltrés », a mis le feu aux poudres. Avant les prochaines élections en 2024, le gouvernement Modi s’est engagé à créer un registre national qui contiendra le nom de chaque homme, femme et enfant ayant le droit d’être un(e) citoyen(ne), ainsi qu’un numéro et une carte d’identité pour chacun(e).
Dans ce pays traversé par de vastes mouvements de migration, où des centaines de millions de personnes ne connaissent ni leur âge ni l’alphabet, survivent dans une extrême pauvreté et cumulent les affres des expulsions forcées et des catastrophes naturelles, la perspective de devoir présenter un certificat de naissance ou un acte de naturalisation pour avoir accès aux droits civiques relève du cauchemar : quels papiers faudra-t-il présenter pour être inclus dans le NRC et sur combien de générations ? Que se passera-t-il pour ceux qui seront refusés et rendus apatrides ? Comment sera établie la religion des migrants qui peuvent demander la citoyenneté via le CAA ? »
(Lire l’article intégral sur : https://www.mediapart.fr/journal/international/271219/)
« Dans leur projet de transformer l’Inde, pays pluri-ethniques en un Etat Hindou, les dirigeants indiens s’appuient sur le modèle israélien, qui devient un modèle pour tous les extrémistes de droite dans le monde », commente Middleeast Monitor.
Benjamin Netanyahu et le premier ministre indien Narendra Modi, lors d’une conférence de presse commune à Jerusalem le 5 juillet 2017 [Haim Zach/GPO / Handout /Anadolu Agency]
« Constater qu’un système d’apartheid comme Israel continue à être considéré comme « démocratique » et ne subit aucune sanction de la part de la communauté internationale, motive les ultra-nationalistes et suprémacistes blancs de par le monde.
Qui se déclare choqué par le fait qu’Israel fait la distinction entre la citoyenneté et la nationalité, n’accordant cette dernière qu’aux Juifs, et cela selon la loi dite « du Retour » de 1952, qui accorde à n’importe quel Juif se présentant à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, la nationalité juive, mais ne concède une citoyenneté israélienne qu’avec parcimonie et beaucoup de restrictions aux autres, et notamment à la population autochtone du pays.
Les discriminations au plan des ressources et services publics accordés par l’Etat aux non-juifs sont nombreuses et multiformes, la première concernant l’accès à la terre. Celle-ci étant possédée à 92 % par le Fond National Juif (KKL) –même si la majeure partie appartenait à des Palestiniens qui ont été expropriés–, il est impossible à des citoyens non juifs de la posséder de la louer, ou de vivre dessus. »
Netanyahu et Modi – [CarlosLatuff]
Source : https://www.middleeastmonitor.com/20191224-hindu-nationalists-are-seeking-the-israelification-of-india-they-must-be-stopped/
CAPJPO-EuroPalestine