Le 16 juin 1976, à Soweto, un enfant de 12 ans tombait sous les balles de la police sud-africaine. Ce drame, qui allait stimuler la lutte, marque le commencement de la fin de l’apartheid…
Douze ans, c’était justement l’âge de Mohammed Moayad, assassiné sans raison à un checkpoint. La mort tragique de Mohammed fait suite à celles, cette même semaine, de Muhammad Munir Al-Tamimi (16 ans), de Youssef Nawal Muhareb (22 ans) et de Shadi Omar Lotfi Saleem (41 ans).
Combien faudra-t-il encore de crimes semblables pour que la « communauté internationale » se réveille et mette fin à sa complicité ?

Homicides volontaires
Le 28 juillet à 20h05, Mohammed Moayad Al-Alami s’éteint au centre médical de Beit Ommar, quelques heures après que son poumon ait été transpercé par une balle à un checkpoint volant à l’entrée de son village. On ignore pourquoi les soldats, qui n’ont fait aucune sommation, ont tiré sur la voiture de son père, qui retournait tranquillement chez lui avec son gamin assis à l’arrière. Inutile de préciser que les manifestations faisant suite à ce drame ont été durement réprimées… Village martyr, Beit Ommar a déjà subi de nombreux crimes impunis de la part des soldats et des colons. En 2011, c’est lors d’une altercation avec des colons qu’un jeune de 17 ans avait été tué.
Mohammed Munir Al-Tamimi, quant à lui, est tué le 23 d’une balle à l’abdomen lors d’un raid de l’occupant sur le village résistant de Nabi Saleh, En ce vendredi, vers 17h, l’armée soutenue par cinq véhicules militaires fait irruption au village et se positionne au beau milieu de la rue principale, près de la station d’essence. Comme prévu, cette provocation suscite en retour jets de pierres et de bouteilles vides. La riposte emploie généreusement tout l’arsenal disponible, dont des balles réelles. Vers 17h20, alors que Mohammed s’approche des véhicules pour les caillasser, un soldat surgit de l’arrière d’un des engins et l’abat à bout portant. La balle réelle pénètre le côté gauche de sa cuisse et de sa taille. Conduit par des voisins à l’hôpital de Ramallah, il subit cinq heures d’opération avant de succomber. En jargon diplomatique, cela s’appelle un « usage disproportionné de la force »…
Le 27, vers 22h50, l’armée stationnée à l’entrée de Beita ouvre le feu sur Shadi Omar Lotfi Saleem (41 ans), alors qu’il revenait de son travail. Blessé, il s’écroule au sol. L’occupant ferme alors l’entrée du village et la rue Hawarah et conduit Shadi à l’hôpital, où il succombe peu après de ses blessures. Les autorités israéliennes prétendent que les soldats ont tiré pour se défendre, car Shadi se serait dirigé vers eux armé d’une barre de fer. Comme c’est vraisemblable !
Quant à Youssef Muhareb, du village d’Abwein (près de Ramallah), il décède le 26 à l’hôpital après deux mois d’interventions chirurgicales infructueuses, victime d’une balle qui avait transpercé sa moëlle épinière lors d’une manifestation pacifique au village de Sinjil.
Coups et blessures
Le PMG recense cette semaine 162 blessés, la plupart à l’occasion de 39 attaques contre des manifestants et de 65 raids (généralement en pleine nuit), Bien entendu, les femmes, pas plus que les enfants, ne sont pas épargnées. C’est le cas de Marial Muhammad, villageoise de Far’Un (gouvernorat de Tulkarem).
Le 27 après-midi, 20 personnes sont blessées dans la répression d’une manifestation au nord de la vallée du Jourdain, où la colonisation va bon train. Parmi les 42 victimes de suffocation figure le gouverneur de Tulkarem.
Mais pas besoin de manifester pour se faire tirer dessus ! Le 22, à Qalqiliya, c’est alors qu’il franchissait la ligne verte pour se rendre à son travail que Fares Hamid Owaisi est blessé par un tir à balles réelles. De même, le 25, les soldats postés près du mur de l’apartheid font feu sur une voiture qui transportait trois Palestiniens tentant de se rendre à leur travail malgré les checkpoints (l’attente y est souvent si longue que la journée de travail est perdue). L’un d’eux, Abdullah Basem (19 ans), doit être conduit à l’hôpital. Ses deux collègues sont emmenés pour une destination inconnue.
Le 24 à 2h du matin, sur une route près de Jénine, une voiture est prise pour cible par l’occupant. Abdullah Basem est blessé avant d’être arrêté avec les deux autres passagers de la voiture.
Beita en résistance
Beita et les villages voisins ne désarment pas face au projet de régularisation de l’avant-poste d’Evyatar sur le mont Sobeih (voir semaines précédentes). Mais la répression est féroce. Outre l’assassinat de Shadi, qui s’ajoute à une longue liste d’homicides perpétrés par l’occupant, le nombre de blessés ne cesse d’augmenter.
Ainsi, le 23 après-midi, lors d’une marche vers le mont Sobeih, les forces d’occupation blessent 90 manifestants, dont 21 par balles réelles et 69 par balles métalliques à fin enrobage de caoutchouc. Quelque 195 autres habitants souffrent de suffocation par les gaz lacrymogènes. La veille, de 2h40 à 5h30, l’armée avait pris d’assaut plusieurs maisons, blessé un homme et enlevé trois autres habitants.
Le 26, lors d’un raid nocturne, l’armée kidnappe à domicile Mohammed Hamayil (23 ans).
Le 27, la répression d’une nouvelle manifestation au mont Sobeih cause 28 blessés, 72 personnes suffoquées et deux emmenées en prison.
Le lendemain soir, lors de la manifestation quasi quotidienne, on dénombre encore 8 blessés.

LA RESISTANCE DES PALESTINIENS
La résistance prend aussi la forme de commandos organisant une « confusion nocturne » (lasers, artifices, sirènes, pneus brûlés…) troublant le sommeil des occupants d’Evyatar (juste retour des choses…). Le 27, les participants à l’un de ces happenings essuient des tirs à balles réelles, blessant l’un d’eux à la cuisse. Puis l’armée dresse des barricades dans les oliveraies pour piéger les activistes en fuite. Deux sont arrêtés.
Parallèlement, l’armée qui garde les constructions illégales des colons renforce sa présence avec la construction d’une tour de guet.
Soutenus par l’armée et la police, les colons agressent les gens, saccagent les propriétés…
Le 24 en début d’après-midi, des sionistes fanatiques abreuvent d’injures les habitants du village de Tuwani près de Yatta (gvt d’Hébron). Ils blessent à la tête Mefdi Reb’ie (40 ans) au cours du caillassage de sa maison. La victime doit être conduite à la clinique. Les forces israéliennes interviennent… pour protéger la retraite des agresseurs jusqu’à leur avant-poste de la colonie Havat Ma’on (illégal même vis-à-vis de la loi israélienne).
Le même jour, ce sont des employés d’une administration palestinienne en train de faire des relevés de terrain qui font l’objet d’un caillassage par des colons d’un avant-poste.
Pas très fiers de leurs actions, ces voyous n’aiment pas qu’on les montre aux actualités. Le 24, à Hébron, ils attaquent deux journalistes d’Al Jazeera pour les empêcher de filmer des agressions de civils palestiniens, très fréquentes dans la vieille ville.
Les colons visent aussi les moyens de subsistance des Palestiniens. Le 22, à 2h du matin, des agitateurs de la colonie « Yitzhar » s’attaquent à un atelier de menuiserie à l’est du village de Huwara (gvt de Naplouse). L’incendie touche une grande partie du matériel pendant que les agresseurs s’enfuient.
Le lendemain matin, une bande venue de la colonie « Esh Kodesh », au sud-est de Naplouse, attaque des terres agricoles du village de Qusra. Les vandales déracinent 25 plants d’oliviers, coupent une clôture métallique et endommagent un réservoir d’eau.

Le PMG dénombre en tout 13 attaques de ce genre cette semaine.
L’occupant kidnappe hommes, femmes et enfants
Quelque 100 Palestiniens de Cisjordanie ont été pris dans la « toile carcérale » israélienne cette semaine. Dès le plus jeune âge…
Le 22 à 19h, dans le quartier d’At-Tur (mont des oliviers) à Jérusalem, la police arrête… trois enfants : Murad Abu al-Hawa (14 ans), Mahmoud Abu al-Hawa (15 ans) et Omar al-Sayad (14 ans). Ils sont conduits dans l’un des nombreux centres de détention de la ville.
Le 25, c’est à 2h du matin que Ahmed Thawabtah (17 ans) est arraché à son lit en même temps que son oncle Anwar lors de la prise d’assaut de sa maison à Beit Fajjar, village près de Bethléhem. Plus tard, à 15h, c’est au tour de Radi Thawabtah (15 ans) d’être kidnappé dans le même village.
A l’aube du 26, Yousef Saed Hamed (17 ans) est enlevé dans sa maison de Silwan (Jérusalem Est).
Le 27 à 20h30, à Jérusalem, les forces d’occupation s’emparent d’un enfant de 12 ans, Saleh Al-Akililk. Douze ans !!!
Le 28 à 3h30 du matin, au village de Ni’lin (célèbre pour son combat contre le mur de l’apartheid), les soldats kidnappent Tamim Muhammad Sorour (16 ans) lors de la prise d’assaut de sa maison.
A Beit Fajjar, Yousef Thawabtah est enlevé avec ses frères, Oday and Alaa. A Ni’lin, Mohammed Srour avec son frère Abdullah. A Bethléem, Bahaa al-Wahsh avec son frère Hussain, Husam Obaidallah avec son fils Ibrahim (19 ans). Au camp de réfugiés de Jénine, Mazen al-Sa’di avec son fils Aws. A Hébron, Mohammed Jaber avec son frère Baraa (19 ans). Imaginez l’angoisse des mères !
Main basse sur Jérusalem
Il ne fait pas bon prier à Al-Aqsa, troisième lieu saint de l’islam, et emplacement hypothétique du temple d’Hérode ! Sur l’esplanade des mosquées, les provocations quasi quotidiennes, autour de 9h, des suprémacistes juifs protégés par l’armée ne se limitent pas toujours aux slogans et aux insultes. Parfois, le 27 par exemple, ces voyous en kippa se distraient en molestant les fidèles musulmans, comme pour transformer ce conflit colonial en guerre de religion.

La toile carcérale a aussi ses quartiers à Al-Aqsa. Le 22, c’est sur l’esplanade des mosquées que Muhammad Daoud est arrêté. Le 23, Wadih Abu Bakr est enlevé à la sortie de la mosquée. Le 27, Obeida Fayoumi est kidnappé à son tour sur l’esplanade.
Pendant ce temps, la razzia sur les maisons palestiniennes de Jérusalem se poursuit.
Le 25, Ali Shkeirat est contraint de détruire lui-même sa maison de 70 m2 dans le quartier de Jabal Mukaber.
Le 27, c’est au tour de la famille Abu Al-Hawa, dans le quartier d’At-Tur, de démolir elle-même son appartement.
Le 28, en pleine nuit, les engins de chantier israéliens détruisent magasins et parkings près du point de contrôle de Qalandia et entament des travaux d’élargissement de la rue principale entre le rond-point d’Abu al-Shahid et la jonction nord d’al-Rum.
Dans la matinée du même jour, les véhicules municipaux israéliens aplanissent un terrain à At-Tur. Sous la menace de lourdes amendes, son propriétaire avait démoli lui-même les deux chambres qui s’y trouvaient et abattu la cloture qui le protégeait, laissant le champ libre aux bulldozers de l’occupant.
A 12h30, dans le même quartier, la même fine équipe démolit une écurie de 200 m². Le propriétaire n’avait reçu aucun avis préalable.
Le même jour enfin, l’association Elad (qui s’est fixée pour but d’expulser les non juifs du quartier de Silwan) fait main basse sur l’appartement de Mme Fawzia Zahran.

Vols à main armée
Le 24 à Tarqumiyah (près d’Hébron), alors que Mohammed Kamal et son fils effectuent des travaux sur leur terrain, des soldats les interpellent. Après une brève détention, ils les obligent à charger dans leur camion leur bétonnière et une tonne et demie de ciment. Ils doivent suivre un SUV de l’armée jusqu’à un point de contrôle où le camion et son chargement sont confisqués. Comme souvent, le prétexte allégué est qu’il s’agirait d’une zone archéologique.
Non loin de là, le 26, à As-Samu, des employés de l’administration accompagnés de soldats et d’un camion-grue s’emparent de câbles destinés à renforcer le réseau électrique du village, ainsi que d’une excavatrice. Motif : zone archéologique !
Notons que ce respect des antiquités réelles ou supposées ne s’étend pas aux vestiges non juifs : à al-Khader (gvt de Bethléem), un antique cimetière cananéen vient d’être rasé pour élargir une route.
Le même jour, c’est en pleine nuit que les soldats s’emparent de la voiture d’un habitant de Beit Sahour (gvt de Bethléem). Elle aurait appartenu au roi David ?
L’occupant entrave
Cette semaine, 93 points de contrôle temporaires, civils ou militaires, se sont ajoutés aux 108 checkpoints permanents. Onze lieux de passage stratégiques ont été bloqués en plus de ceux qui emprisonnent Gaza. Points de harcèlement, d’humiliation, d’attentes interminables, ils transforment la Cisjordanie en un patchwork de bantoustans et représentent un danger omniprésent et incontournable où l’on peut se faire arrêter, blesser, assassiner…
L’occupant enferme et harcèle Gaza
Au bout de quinze ans de blocus, l’étau ne se desserre toujours pas autour des 2 millions de Gazaouis. et l’embargo sur de nombreux biens de consommation et matières premières pèse lourdement sur le coût de la vie. Mais la bande de Gaza n’est pas seulement enfermée. Elle est aussi attaquée par air, par terre et par mer…
Tirs de missiles : le 25, deux missiles sont lancés contre des terres agricoles à l’est de Gaza et deux autres à l’est de Khan Younis.
Surveillance maritime : des dizaines de familles de pêcheurs sont affectées par les restrictions arbitraires de la zone de pêche autorisée, réduite actuellement à 6 milles nautiques (11 km), soit la moitié de la distance accordée aux eaux territoriales par le droit international. Tout bateau de pêche palestinien contrevenant essuie des tirs des garde-côtes israéliens.
Attaque contre des terres agricoles depuis la ligne de séparation le 23 à l’est de Deir al-Balah et de Khan Younis, le 28 à l’est de Khan Younis (destruction d’un réservoir).

Incursions de bulldozers accompagnés de véhicules militaires et couverts par l’aviation le 26 à l’est de Khan Younis. Ils entreprennent des travaux de terrassement à l’intérieur du territoire gazaoui. Faites comme chez vous !
(Compilé et traduit par Philippe G. pour CAPJPO-EuroPalestine, à partir du Palestinian Centre for Human Rights (PCHR), du Palestinian Monitoring Group (PMG): http://www.nad.ps/ et de la compilation de Leslie et Marian Bravery* (Palestine Human Rights Campaign, Auckland, Nouvelle Zélande).
CAPJPO-EuroPalestine