Ci-dessous la prose peu brillante de la juge du Tribunal Administratif de Paris, qui a confirmé samedi à la mi-journée l’arrêté d’interdiction de la manifestation de ce samedi déclarée par une douzaine d’organisations. Il s’agit d’un véritable copier-coller des écritures de la préfecture de police, où à aucun moment, les arguments des cinq avocats de nos associations, démontant méthodiquement les mensonges gouvernementaux, ne sont évoqués, ne serait-ce que pour les réfuter.
« D’une part, les hostilités dont le Proche-Orient est actuellement le théâtre, à la suite des attaques commises par des membres du Hamas sur le territoire israélien le 7 octobre 2023, sont à l’origine d’un regain de tensions sur le territoire français, qui s’est notamment traduit par une recrudescence des actes à caractère antisémite. Dans ce contexte, les manifestations sur la voie publique ayant pour objet, directement ou indirectement, de soutenir le Hamas, organisation inscrite sur la liste de celles qui font l’objet de mesures restrictives spécifiques dans le cadre de la lutte contre le terrorisme par le règlement d’exécution du Conseil du 20 juillet 2023 visé ci-dessus, de justifier ou de valoriser les exactions telles que celles du 7 octobre 2023, sont de nature à entraîner des troubles à l’ordre public, résultant notamment d’agissements relevant du délit d’apologie publique du terrorisme ou de la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence contre un groupe de personnes à raison de son appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion.
D’autre part, il appartient à l’autorité préfectorale, compétente en la matière en vertu des dispositions mentionnées au point 3, d’apprécier, à la date à laquelle elle se prononce, la réalité et l’ampleur des risques de troubles à l’ordre public susceptibles de résulter de chaque manifestation déclarée ou prévue, en fonction de son objet, déclaré ou réel, de ses caractéristiques propres et des moyens dont elle dispose pour sécuriser l’évènement. A ce titre, il revient au préfet compétent, sous le contrôle du juge administratif, de déterminer, au vu non seulement du contexte national décrit au point 5, mais aussi des circonstances locales, s’il y a lieu d’interdire une manifestation présentant un lien direct avec le conflit israélo-palestinien, quelle que soit du reste la partie au conflit qu’elle entend soutenir, sans pouvoir légalement motiver une interdiction par la seule référence à l’instruction reçue du ministre ni la prononcer du seul fait qu’elle vise à soutenir la population palestinienne.
Pour interdire les manifestations déclarées en litige, le préfet de police a estimé le risque de trouble à l’ordre public élevé en raison, en premier lieu, des répercussions sur le territoire national d’un contexte géopolitique particulièrement tendu à la suite de l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 contre Israël et de l’évolution de la situation en cours, notamment de la contre-offensive de ce pays sur la bande de Gaza, en deuxième lieu, en raison du risque sérieux de la tenue de propos antisémites comme lors des manifestations récentes, au cours desquelles ont eu lieu des verbalisations et interpellations, en troisième lieu, en raison de la programmation de prise de paroles à l’arrivée du cortège susceptibles de porter atteinte à la dignité humaine, le NPA et l’association des Palestiniens en Ile-de-France ayant fait l’objet d’un signalement pour apologie du terrorisme. Le préfet de police s’est fondé, en outre, sur le risque important de troubles à l’ordre public matériels, eu égard à la déambulation des cortèges sur des voies très commerçantes et fréquentées, comportant des symboles du capitalisme, à l’affluence attendue, à la configuration des lieux, dans un contexte de forte mobilisation des forces de l’ordre autour de la coupe du monde de rugby, autour des sites institutionnels sensibles et de menace terroriste accrue dans le cadre du plan Vigipirate porté au niveau « Urgence attentat » depuis l’attaque terroriste du 13 octobre 2023.
Il est constant que la manifestation déclarée en soutien à la Palestine intervient dans un contexte de tensions exacerbées, avec un fort retentissement en France et dans la capitale en particulier, liées à l’attaque terroriste commise par le Hamas le 7 octobre 2023 en Israël et à la riposte et contre-offensive en cours sur Gaza. Il n’est pas contesté qu’a été constatée une montée des actes antisémites en France, depuis cette date. Au surplus, un signalement pour apologie du terrorisme au titre de l’article 40 du code de procédure pénale vise le Nouveau Parti Anticapitaliste à qui sont reprochés des propos de soutien au Hamas (issus d’un groupe s’étant scindé du NPA dit de « la plateforme C »), ainsi que l’association des Palestiniens en Ile-de-France, qui ont déclaré la manifestation pour le samedi 28 octobre 2023.
Si les rassemblements des 19, 22 et 24 octobre 2023 se sont déroulés globalement sans heurts, à l’exception de slogans et graffitis mentionnés dans les écritures du préfet de police et de l’association Organisation juive européenne, il résulte de l’instruction qu’eu égard au contexte ci-dessus rappelé, le rassemblement projeté peut présenter un risque particulier sérieux de violences, à l’encontre d’autres groupes ou des forces de l’ordre et de dégradations de biens. Il résulte de l’instruction et des débats tenus à l’audience en effet qu’à la différence des manifestations des 19, 22 et 24 octobre 2023, la manifestation déclarée pour le 28 octobre 2023 est déambulatoire et non statique, sur plus de 3,5 km, que le cortège prévu entre la place du Châtelet et la place de la République via la gare de l’Est se déroule pour partie dans les quartiers du Marais et du sentier où est implantée une communauté juive importante et sont installés notamment des lieux cultuels et culturels juifs, que les voies empruntés comportent de nombreux commerces et sont particulièrement fréquentées qui plus est un samedi après-midi, que la plage horaire du déroulé de cette manifestation couvre tout l’après-midi, que les associations qui sont très nombreuses à avoir déclaré et relayé l’appel à manifester, sont dans l’incapacité d’évaluer le nombre de participants, une fourchette entre 5000 et 50 000 participants étant à cet égard mentionnée par certaines et d’autres autour de 10 000, le chiffre de 15 000 étant pour sa part retenu par le préfet de police.
Par ailleurs, le préfet de police fait valoir qu’outre des heurts violents ayant eu lieu en 2014 dans des circonstances analogues de tensions nées du conflit israélo-palestinien, lors d’une manifestation organisée le 15 mai 2021 en soutien de la cause palestinienne, des affrontements avec les forces de l’ordre et de nombreuses dégradations ont été commises.
Or, face au risque de troubles graves à l’ordre public, et alors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les services d’ordre interne des organisateurs seraient suffisants, le préfet de police démontre suffisamment ne pouvoir garantir la sécurité publique en raison de la très forte mobilisation des forces de police sur la finale de la coupe de monde de rugby du 28 octobre 2023 drainant des milliers de supporters, 78 000 étant attendus au stade de France et plus de 10 000 sur la « fan zone » installée place de la Concorde, nécessitant la présence des forces de l’ordre bien en amont de l’événement, respectivement dès 15 heures et 13 heures, une autre fan zone étant installée en Seine-Saint-Denis pour un match de football, plus de vingt-quatre autres manifestations sur la voie publiques étant également prévues sur la voie publique ce jour et alors que la présence des forces de l’ordre est également requise pour la protection des institutions et lieux sensibles, dans un contexte du plan vigipirate renforcé « Alerte Attentat » depuis le 13 octobre 2023. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, au regard de la réalité et de la gravité de risques de troubles à l’ordre public, et alors qu’une mesure moins restrictive ne pouvait être mise en œuvre, c’est sans porter, en l’espèce, une atteinte manifestement illégale à la liberté de manifester et d’expression que le préfet de police a prononcé l’interdiction de manifester à Paris pour le samedi 28 octobre 2023 de 13 heures à 19 heures.
Il résulte de ce qui précède que les requêtes doivent être rejetées, y compris les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. »
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS
DECLARANTS :
Révolution permanente (RP)
CAPJPO – EUROPALESTINE
Le Poing Levé
Le Nouveau Parti Anticapitaliste
Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR) L’Union syndicale solidaires
Attac
Ensemble ! Mouvement pour une alternative de gauche écologiste et solidaire
Association France Palestine Solidarité
Mme Mathilde Eisenberg
Mme Irène Gasarian
M. Piron Bathélémy
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Mme Salzmann Juge des référés
Ordonnance du 28 octobre 2023

CAPJPO-EuroPalestine