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Les colons israéliens ont trouvé un nouveau moyen de maltraiter les bergers palestiniens: les mettre en faillite

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Un reportage de Gideon Levy et Alex Levac dans Haaretz

« Des moutons ont été libérés cette semaine après que leurs propriétaires, des bergers de la vallée du Jourdain, ont été contraints de payer une somme exorbitante. C’est la dernière méthode utilisée par les colons pour gâcher la vie des Palestiniens.

Sept cents moutons s’élancent vers la liberté. Quelques-uns s’arrêtent pour grignoter des herbes, d’autres boitent. Cette course vers la liberté évoque le galop des antilopes en Afrique lorsqu’elles traversent les rivières à gué. Il y a autant de joie illimitée que d’agitation. Les moutons viennent d’être libérés de l’enclos construit spécialement pour les accueillir après avoir été saisis par les forces de sécurité israéliennes. Les animaux sont tombés dans une embuscade alors qu’ils traversaient une zone déclarée interdite. Leurs propriétaires, des bergers palestiniens résidant de l’autre côté de l’autoroute, ont dû payer la somme inconcevable et draconienne de 150 000 shekels (près de 40 000 dollars) en espèces au Conseil régional de la vallée du Jourdain, dirigé par les colons, afin de récupérer les animaux.

Pendant des heures, les troupes de la police des frontières (rappelons qu’Israel ne se reconnait pas de frontières, NDLR) ont surveillé les moutons et les bergers, jusqu’à ce que les représentants de ces derniers soient en mesure de réunir la rançon. Ce n’est pas la première fois que des amendes aussi gargantuesques sont infligées à des bergers palestiniens, mais on peut supposer qu’aucune amende de ce type n’a jamais été imposée aux colons propriétaires de troupeaux.

Cette nouvelle mesure – une punition disproportionnée visant à ruiner les bergers – s’inscrit parfaitement dans le cadre des autres méthodes utilisées récemment contre les communautés pastorales du nord de la vallée du Jourdain, dans le but de rendre leur vie misérable et, à terme, de nettoyer la région de leur présence. La violence des colons, les arrestations, les clôtures, les expropriations de terres, les démolitions de maisons, l’interdiction de faire paître les animaux et tous les autres moyens ont été complétés par cette nouvelle méthode. Nous les laisserons sans le sou et peut-être qu’alors ils quitteront leurs terres. Il va sans dire que l’argent va directement dans les caisses des colons, avec l’appui de la police.

Tôt dans la matinée du lundi de cette semaine, Aiman Ada’is et quelques-uns de ses frères sont partis au pâturage avec les moutons de la famille. C’est la coutume en cette saison, lorsque la vallée du Jourdain est spectaculairement recouverte d’un vert vif. La maison de la famille élargie – un ensemble de huttes, de cabanes en tôle, de tentes et d’enclos pour animaux, sans électricité ni eau courante – se trouve en face du village de Masua, dans la partie nord de la vallée. Le mouvement Ha’oved Hatzioni (Travailleur sioniste) a établi cette colonie en 1974, après qu’elle ait été un avant-poste de la brigade Nahal de l’armée israélienne, et l’a nommée ainsi en référence à l’ancienne coutume juive d’allumer des torches (masu’ot) sur le mont Sartava, situé à proximité.

Bergers et « police des frontières » près de la colonie de Masua.

L’argent va directement dans les coffres des colons, avec le soutien de la police.

Vers 8h30, les bergers ont traversé les terres rocheuses au sud de Masua pour se rendre dans les pâturages des montagnes, à l’ouest de l’autoroute de la vallée du Jourdain. Une force de la police des frontières, qui les attendait déjà, leur a ordonné de s’arrêter et a escorté le grand troupeau de quelque 700 moutons jusqu’à un enclos érigé par le conseil régional le matin même. Les animaux ont été rassemblés dans l’enclos bondé, les bergers ont reçu l’ordre de se retirer vers l’est sur quelques centaines de mètres jusqu’au bord de l’autoroute, et les festivités ont commencé. Les familles des bergers sont arrivées, ainsi qu’une équipe de télévision palestinienne. Ces derniers n’ont pas été autorisés à s’approcher des moutons – ils ont dû se tenir sur un monticule éloigné pour les filmer. Nous n’avons pas non plus été autorisés à nous approcher des moutons. L’enclos des animaux était désormais une zone militaire fermée.


L’armée israélienne a enrôlé des milliers de colons. Les témoignages de leur violence s’accumulent
Personne ne suscite la peur comme eux

La sanction était claire et douloureuse : paiement immédiat de 150 000 shekels au conseil régional, faute de quoi les moutons seraient emmenés vers une destination inconnue dans les deux gros camions qui avaient été amenés sur le site plus tôt. Les bergers craignaient pour le sort de leurs moutons. Certains d’entre eux avaient laissé des agneaux à la maison, attendant leurs mères, et en l’état actuel des choses, les moutons sont restés des heures sans eau ni nourriture, serrés les uns contre les autres et probablement effrayés. Les bergers n’étaient pas moins effrayés. La police des frontières était arrivée à bord d’au moins cinq gros véhicules, accompagnée d’un certain nombre de colons locaux en uniforme qui se pavanaient avec l’élégance habituelle. Guerre ou pas guerre à Gaza, ici les moutons ne passeront pas sans une réponse sioniste appropriée.

Les assignations ont été délivrées rapidement : deux demandes de paiement au conseil de la vallée du Jourdain, d’un montant de 75 000 shekels chacune, à payer par Ada’is Shehadeh et Ada’is A’id, les frères bergers. « Détails de l’accusation : capture et transport d’animaux. Capture de 150 moutons [bien que les bergers en revendiquent 700]. Après le 22 janvier 2024, une somme supplémentaire sera ajoutée pour le déplacement, la garde, la nourriture. Exécuté par Roman Pasternak. À payer avant le 22 janvier 2024. »

Vaches dans la ferme des frères Darajma à Ein Hilwa.

 Au cours de l’année écoulée, ils ont perdu 200 têtes de bétail, racontent-ils.
Pas un mot sur la raison de la saisie des moutons, si tant est qu’il y en ait eu une, ni sur la légalité douteuse de cette action. Les membres de la communauté savaient que s’ils ne payaient pas l’amende immédiatement, l’avenir de leurs moutons serait en jeu et le montant de l’amende ne ferait qu’augmenter. Une opération de collecte de fonds a immédiatement été lancée parmi les communautés pastorales de la région et, en l’espace de quelques heures, une grande enveloppe noire contenant 150 000 shekels en espèces a été apportée sur le site. Mais le Conseil régional de la vallée du Jourdain, dirigé par David Alhayani, a refusé d’accepter un tel paiement en espèces.

Le temps commence à manquer. Certains bergers étendent des tapis de prière sur le sol et commencent à réciter des prières. Le désespoir se lit sur tous les visages. Des volontaires de l’organisation israélienne Looking the Occupation in the Eye (« regarder l’occupation dans les yeux ») se trouvaient sur le site, parmi lesquels Rachel Abramovich, épouse du commentateur de télévision Amnon Abramovich, qui, avec les autres femmes du groupe, accomplit un travail édifiant en faveur des bergers. Le rabbin Arik Ascherman, de l’organisation Torah of Justice, qui œuvre ici avec un dévouement infini en faveur des droits des bergers, est également arrivé et a proposé une solution. L’ONG paierait l’amende par chèque et les bergers la rembourseraient en espèces.

Après un certain temps, au cours duquel des appels téléphoniques ont été passés et des virements bancaires effectués, l’affaire a été réglée. Lorsque 150 000 shekels sont entrés sur le compte du conseil régional, la police des frontières a autorisé les bergers à récupérer les moutons. L’enclos a été ouvert, les moutons se sont précipités vers la liberté. « Nous sommes ici pour séparer les camps », dit l’un des policiers, sans préciser de quels camps il s’agit.

La police israélienne n’a pas répondu à une demande de commentaire de Haaretz.

À quelques dizaines de kilomètres au nord, près de la ligne verte et de Beit She’an, se trouve la communauté pastorale d’Ein Hilwa. À côté de chacune des dalles de béton que l’armée a installées il y a quelques années à l’entrée de cette communauté et de toutes les autres communautés de bergers dans toute la vallée du Jourdain, portant le message « Zone de tir, entrée interdite ». Quelqu’un a également planté récemment des drapeaux israéliens dans le sol. Les terres de ces communautés ont été annexées depuis longtemps à Israël aux yeux de ces colons, qui n’aiment pas être appelés colons – certains d’entre eux sont, après tout, de bons kibboutzniks et moshavniks, des gens du mouvement travailliste.

Les colons israéliens ont trouvé un nouveau moyen de maltraiter les bergers palestiniens: les mettre en faillite
Bergers palestiniens près de Masua.

Les frères Adel et Kadri Darajma, âgés respectivement de 61 et 57 ans, vivent à Ein Hilwa avec leurs familles et leurs animaux. Au cours de l’année écoulée, ils ont perdu 200 têtes de bétail, racontent-ils. Certaines ont été saisies, d’autres ont été volées, d’autres encore ont été tuées par des colons. À l’extérieur de leurs tentes, quelques vaches broutent – les vaches les plus osseuses et les plus maigres que j’aie jamais vues, si ce n’est dans des films sur la sécheresse en Afrique. Comme les vaches sont mises en fourrière chaque fois qu’elles sortent pour brouter, les propriétaires ont peur de quitter leur enceinte et le bétail meurt de faim. Dans un cas, racontent les frères, et le rabbin Ascherman se joint à eux, des vaches ont été enlevées par une main mystérieuse en pleine nuit des zones de pâturage et transportées loin sur les terres de la colonie de Hemdat, où elles ont été mises en fourrière par les inspecteurs du conseil régional en tant qu’animaux errants.

Là aussi, les éleveurs ont été contraints de verser des sommes considérables au conseil régional pour racheter leur bétail. Le 1er janvier, ils ont payé 49 000 shekels, et le 15 janvier, 143 910 shekels supplémentaires en guise de paiement pour la « capture et le transport de bétail ». L’avocat Michael Sfard, qui représente Hilwa, a envoyé la semaine dernière une lettre au chef du conseil Alhayani, affirmant que les actes de saisie du bétail par le conseil étaient illégaux, qu’ils avaient été exécutés sans la moindre explication, qu’ils découlaient d’une politique de discrimination grave à l’égard des éleveurs palestiniens qui vivent dans la région depuis des générations, qu’ils s’accompagnaient de considérations étrangères visant à déplacer les communautés de la région et qu’ils faisaient partie d’un harcèlement systématique et délibéré de la part du conseil local et d’autres autorités gouvernementales.

Si l’argent et les animaux ne sont pas restitués immédiatement, menace Sfard, il engagera une procédure judiciaire contre le conseil régional. Sfard raconte également que dans au moins le cas mentionné ci-dessus, les vaches ont été volées par des colons et emmenées dans d’autres régions, où elles ont été saisies par des inspecteurs du conseil régional en tant qu’animaux errants. Dans un autre cas, un piège a été tendu aux éleveurs palestiniens. Un colon les a appelés la veille au soir et leur a dit que leurs animaux pourraient pâturer dans une certaine zone le lendemain. Lorsque les éleveurs sont arrivés le lendemain, des inspecteurs les attendaient sur place et ont saisi le bétail.

Le chef du Conseil, M. Alhayani, s’est contenté cette semaine d’une réponse sèche à la question posée par Haaretz : « Les inspecteurs ont agi conformément au règlement intérieur du conseil ». À la question de savoir ce qui justifiait cette punition draconienne, Alhayani n’a pas pris la peine de répondre. »

Merci à Annie pour la traduction : https://anniebannie.net/2024/01/27/les-colons-israeliens-ont-trouve-un-nouveau-moyen-de-maltraiter-les-bergers-palestiniens-les-mettre-en-faillite/

Source : Haaretz

CAPJPO-EuroPalestine

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