« Dans cette guerre, explique Yossi Klein dans un article de Haaretz, nous avons appris que ce que l’on ne voit pas, on ne le sait pas. Et quand on ne sait pas, on ne réagit pas. Ni émotionnellement ni pratiquement. Nous avons appris que la vie est plus facile quand on en sait le moins possible, quand la réalité est masquée par l’argument de la « terreur psychologique ».
Selon les rapports, des « centaines » de personnes ont été tuées au Liban et des « dizaines de milliers » à Gaza. Super. Contentez-vous de cela. Ne vous embêtez pas. Nous ne voulons pas en savoir plus. Nous nous nourrissons de propagande. Les informations qui nous sont fournies ne sont pas choisies en fonction de ce que nous avons besoin de savoir, mais en fonction de ce que la télévision veut nous faire savoir.
Ils ont raison. La dernière chose que nous voulons savoir, c’est combien d’enfants de 10 ans ont été tués à Gaza, ou au Liban. Toute information de ce type constitue une terreur psychologique qui nuit à notre esprit combatif et diminue notre moral.

La terreur psychologique est aussi le plan du major-général (de réserve) Giora Eiland, qui prévoit d’assiéger 300 000 Gazaouis, qui seront « évacués » de leurs maisons avec pour seul choix la fuite ou la mort. Ce plan nous montre cruels et sans fondement moral, ce qui nuit à notre esprit de combat, mais aucune émotion n’est ressentie ; il n’y a pas de manifestations devant la maison d’Eiland – l’utilisation sagace de termes stériles comme « siège » et « évacuation » nous a calmés.
Le plan est basé sur une hypothèse logique : si quelqu’un n’est pas nourri, il meurt. Nous n’avons aucun problème si des Arabes meurent – au contraire, plus il y en a, mieux c’est. Il suffit de présenter les atrocités pour qu’elles ne transparaissent pas à travers les mots décents, et que nous n’allions pas chercher la télécommande pour trouver quelque chose de plus heureux.
Le plan de famine d’Eiland réussira à condition qu’il n’y ait pas de caméras. Si nous voyons une fille, même une fille arabe, tendre sa main émaciée vers une caméra, nous nous mettons immédiatement à hurler, dans la meilleure tradition de la gauche.
Ce que nous ne voyons pas, nous ne le savons pas, et ce que nous ne le savons pas, n’existe pas.

Que dire de la Convention sur le génocide, dont Israël est signataire ? Quelle question insultante ! Vous insinuez que nous… ? Vous devriez savoir, me disent-ils, que toute famine n’est pas un génocide. Le génocide, disent-ils, a une mauvaise réputation. Il peut être transformé en un moyen mignon de transfert de population (appelé, disons, transport civil humanitaire).
Il y a une chance que la proposition d’Eiland pour un génocide juif casher et modeste entraîne une victoire totale, ou, si vous préférez, la solution finale du problème palestinien.
La question n’est pas l’immoralité du plan. Qui se soucie de la moralité ? La question est de savoir si ceux qui sont responsables de sa mise en œuvre peuvent s’attendre à des mandats d’arrêt lorsqu’ils vont faire leurs courses en Europe.
Alors, calmez-vous. Eiland a vérifié. Pas de problème puisque puisqu’il « permet » à la population d’évacuer la zone de combat avant que le siège ne soit imposé.
Peut-être que le public éclairé s’y opposera ? Ne vous inquiétez pas. Le public qui a abandonné les otages acceptera la famine des civils (et des Arabes en plus !) aussi facilement qu’il accepte la guerre inutile au Liban. »
Source : Haaretz du 29 septembre 2024
CAPJPO-Europalestine