21 février – Traduction de l’anglais (par Claire Paque) de la communication par e-mail du Gush Shalom du 20 Février 03.
Mercredi après-midi 19 février, les familles et supporters des refuzeniks emprisonnés, ainsi que des journalistes et photographes israéliens et étrangers, ont envahi le petit hall de la Cour Militaire de Jaffa (auparavant le domicile d’une riche famille arabe, et saisi par l’armée en 1948), pour assister aux derniers développements dans l’affaire de Yoni Ben Artzi, objecteur de conscience.
A l’origine, Ben Artzi a fait l’objet de l’attention des médias en raison du fait plutôt piquant qu’il est le neveu du Ministre des Affaires Etrangères Natanyahu. Mais à ce jour, il a gagné une formidable réputation par lui-même – car c’est un pacifiste à principes et un objecteur de conscience, qui a déjà accompli sans fléchir une peine d’emprisonnement de 200 jours, en sept périodes de 28 ou de 35 jours.
Le dernier développement, amenant Ben Artzi en Cour Martiale qui a le pouvoir de prononcer une peine maximale de 3 ans pour son refus d’être enrôlé, a commencé il y a une semaine exactement, lorsqu’il a été sorti de sa cellule de prison pour être amené à rencontrer un Brigadier Général au Quartier Général de l’armée à Tel-Aviv. Ce personnage a tout fait pour être amical (« Je ne te parle pas en tant que Général à un appelé, mais comme Avi à Yoni, d’accord ? ») et a exprimé ce qui se voulait être une « offre généreuse » : Ben Artzi accepterait d’être enrôlé et d’avoir le statut légal d’un soldat, mais en contrepartie l’armée lui attribuerait « une conscription facile, sans arme, ni uniforme ni formation militaire ». Quelques jours de réflexion furent donnés à Ben Artzi. En fait, sa réponse n’a jamais fait l’objet d’un quelconque doute : il est prêt à donner trois ans de sa vie pour effectuer un service utile à la société civile Israélienne – mais seulement dans un cadre civil n’ayant rien à voir avec l’armée ; il refuse formellement de faire partie, à quelque titre que ce soit, d’une armée ni d’une organisation dont l’objectif principal est de tuer et de violenter ; d’aucune armée, d’une façon générale, et encore moins d’une armée d’occupation occupée à opprimer brutalement un autre peuple et à grande échelle.
Lorsqu’il a informé les autorités de sa décision, il a alors été répondu à Ben Artzi qu’il aurait à affronter une Cour Martiale, habilitée à prononcer à son encontre une peine de trois ans. En sus, dès ce moment-là, il a fait l’objet de toute une série d’humiliations mesquines, auxquelles il n’avait pas eu à faire face pendant ses périodes d’emprisonnement jusqu’à ce jour : menotté chaque fois que transporté d’un endroit à l’autre (alors qu’il n’a jamais démontré vouloir fuir) ; détenu dans une cellule nue, pour l’obliger à s’asseoir à même le sol ; nourriture apportée sans couverts quelconques…
Trois jours comme ceci ont été le prélude de l’audience d’hier, ayant pour objet de décider si Ben Artzi devait ou pas rester en cellule en attendant le résultat de son passage en Cour Martiale. Le procureur est sorti de ses gonds et est devenu méchant, qualifiant Ben Artzi de « pas meilleur que n’importe quel déserteur ou drogué ». Il ne serait pas un pacifiste, puisque « le comité militaire compétent a déjà statué sur son cas » et avait décidé qu’il n’en était pas un. Il devait donc être maintenu sans interruption en prison à titre « préventif », car le laisser en liberté jusqu’au rendu du jugement de la Cour Martiale aurait pour conséquence de « mettre en péril la discipline au sein de l’armée ».
L’avocat de Ben Artzi, Me Michael Sfard (du cabinet du célèbre avocat spécialiste des droits de l’homme Avigdor Feldman), a rejeté ces arguments, mettant en avant que le « comité compétent » était en fait composé d’officiers de l’armée n’ayant aucune compétence ni connaissance en matière de pacifisme, et qui ne faisait que rejeter tout plaignant apparaissant devant lui, et que Yoni Ben Artzi était en réalité « le cas classique et parfaitement clair d’un pacifiste convaincu : quelqu’un qui avait déjà choisi le thème du pacifisme et de la non-violence comme sujet de travaux en classe secondaire, qui à l’école avait refusé d’aller aux cours de judo car ceux-ci supposaient l’emploi de la force, et qui dans les années précédant sa conscription avait potassé l’histoire et la philosophie du pacifisme, ayant donné lieu à deux attestations de professeurs d’université. Ensuite, Me Sfard a rejeté l’argument de « mise en péril de la discipline », comme de nature frivole et vindicative. Après plusieurs heures d’un débat souvent plein d’acrimonie, un compromis a été déterminé : en attendant la fin du procès en Cour Martiale, Ben Artzi ne resterait ni en prison ni chez lui à la maison, mais serait « en détention ouverte » au Centre d’Admission de l’armée. Il y a également eu un débat sur la question de savoir si le prisonnier serait autorisé à passer la nuit au domicile de ses parents, et ce peut-être pour la dernière fois et pour longtemps. Le procureur, dans un nouvel accès de petitesse d’esprit, s’y opposa farouchement. Le juge, qui semblait avoir plus de justesse, accorda cette petite faveur.
Ce matin, Ben Artzi s’est présenté de lui-même au centre d’admission pour entamer sa période de « détention ouverte ». Une nouvelle confrontation a eu lieu avec un lieutenant-colonel, qui a exigé qu’il s’enrôle et l’a menacé de « palanque* » ; au vu du refus répété de Ben Artzi, le colonel a parlé à ses supérieurs et a fini par renoncer, au moins pour le moment. Le passage en Cour Martiale de Yoni Ben Artzi doit donc commencer dans les deux semaines qui viennent. Il est capital d’en faire un événement majeur au niveau des médias et de l’actualité politique, et d’avoir sur place le plus grand nombre de délégations étrangères etc.
En attendant, on ne sait pas quelles sont les intentions de l’armée en ce qui concerne les autres dix refuzeniks, qui font des allers-retours en prison depuis ces six derniers mois. Ce matin, l’ACRI (Association des Droits Civils) a déposé un recours devant la Cour Suprême au nom de Dror Beumel, qui termine aujourd’hui sa sixième condamnation successive, et demandant la prohibition de peines répétées d’emprisonnement pour les objecteurs de conscience. La Cour a refusé de rendre un verdict en séance, ce qui veut dire que Beumel pourrait être condamné à une septième peine immédiatement exécutoire et ce dès sa libération aujourd’hui, mais une audience sur le fond de l’affaire est prévue également au cours des deux semaines à venir.
Ndt : le Gush Shalom appelle ensuite à des manifestations devant le domicile d’un general israélien, etc …, et rappelle soutenir les refuzeniks et leurs familles, etc
* : palanque : planche superposée constituant les obstacles d’un concours hippique