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LE DERNIER STRATAGEME DE SHARON (par Moustapha Barghouti)

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6 avril – Le Dr Mustapha Barghouti, le secrétaire général de l’Initiative Nationale Palestinienne et le président du Comité Palestinien de Secours Médical (PMRC), fait le point sur la résistance à l’occupation, en appelant en particulier au développement des manifestations populaires contre le Mur de l’annexion en Cisjordanie. Article publié dans le Palestine Monitor, traduit par Olivier Roy pour le site http://www.solidarite-palestine.org/

LE DERNIER STRATAGEME DE SHARON (par Moustapha Barghouti)
Le dernier stratagème de Sharon :
Ne tombons pas de nouveau dans la même fosse aux serpents
Par Mustapha Barghouti

The Palestine Monitor
Mars 2004

En anglais : Sharon’s last ploy: So that we are not
bitten from the same snake pit twice

Le Dr Mustapha Barghouti est le secrétaire général de l’Initiative Nationale Palestinienne et le président du Comité Palestinien de Secours Médical (PMRC).

L’une des aptitudes politiques les plus cruciales est peut-être l’habileté à différencier l’illusion de la réalité. Une autre est l’habileté à attirer l’adversaire dans un labyrinthe de mirages afin qu’il ne soit plus apte à se concentrer sur ce qui est réellement important.

Cette dernière habileté est précisément ce que Sharon essaie de faire avec les Palestiniens et le monde, par l’entremise de son plan pour un «retrait» unilatéral de la Bande de Gaza. Avant d’analyser le «fantôme» que Sharon essaie de mettre en ¦uvre, voyons d’abord quelle vérité il essaie de dissimuler.

Sharon, l’homme, n’a pas changé, et n’essaie pas plus de changer quoi que ce soit actuellement. C’est le même raciste fanatique qui pense pouvoir imposer un statu quo expansionniste par la force des blindés et la destruction. Son objectif est d’achever la judaïsation de la Cisjordanie et, par le fait même, de saper toute possibilité de voir la création d’un État palestinien indépendant, un État viable et souverain. Sharon désire résoudre le problème démographique en confinant les Palestiniens dans des geôles, des poches isolées, des ghettos isolés. Puisqu’il a échoué dans la mise en ¦uvre d’un transfert extérieur, il souhaite réaliser un transfert intérieur. Il espère qu’un jour les Palestiniens émigreront, ayant perdu tout espoir de vivre une vie décente chez eux.

En d’autres mots, Sharon essaie de perpétuer l’occupation à l’aide d’un système d’apartheid, le pire système de la sorte dans l’histoire humaine.

Sa vision d’un retrait unilatéral de la Bande de Gaza vise à extraire Israël d’une profonde crise économique, sécuritaire, politique et démographique, une crise provoquée par cette même occupation qu’il essaie de perpétuer.

La principale cause de la crise israélienne n’est pas seulement la vision à court terme de ses gouvernements, mais aussi le soulèvement renouvelé et la résistance continue contre l’occupation.

Israël réalise qu’on approche du moment – à l’exemple de la première Intifada – où le coût de l’occupation va dépasser ses bénéfices. Un tel moment en est un qu’Israël ne peut tolérer ni endurer, c’est un moment qui pourrait forcer la fin complète de l’occupation et donc, l’établissement d’une paix réelle.

Lors de la première Intifada, seuls les chemins insaisissables d’Oslo ont pu préserver Israël de la crise grâce à cette poursuite labyrinthique au cours de laquelle des solutions partielles, de transition et intérimaires, ont supplanté les buts du combat palestinien et les questions cruciales du conflit. Les cartes pitoyables d’Oslo (les régions A, B, et C) ont détourné l’attention des questions des réfugiés, de Jérusalem, de l’occupation, des colonies et des frontières.

À cette époque, Israël avait présenté l’existence illusoire d’une direction nationale intérieure et alternative comme mécanisme d’intimidation pour contraindre la direction de l’OLP à se ruer sur Oslo, sans en calculer les conséquences. Aujourd’hui, la menace de voir «le Hamas s’emparer du pouvoir à Gaza» est employée dans le même but.

Il n’y a pas de limites aux anomalies qu’on peut déceler chez Sharon, mais on peut difficilement nier son aptitude pour le calcul stratégique. Il n’est pas difficile de voir que la vision de Sharon pour la Bande de Gaza comporte en elle-même la réalisation préméditée de cinq objectifs stratégiques:

1.

Détourner l’attention des colonies et du Mur, gagner du temps pour poursuivre la construction criminelle du Mur, annexer et judaïser au moins 58% de la Cisjordanie et transformer le reste en prisons, en cantons et en ghettos. Cela saperait tout espoir envers un État palestinien indépendant et souverain et ainsi envers toute forme de paix réelle.
2.

Pousser les Palestiniens dans une guerre civile afin de miner aussi bien l’Autorité palestinienne que les mouvements nationalistes et islamiques, en favorisant ainsi la fragmentation des Palestiniens et la réduction de leur direction nationale en simples «préfets de police» et agents de sécurité au service de l’occupation.
3.

Supplanter la Feuille de route, que Sharon a toujours fondamentalement rejetée, par un plan israélien unilatéral, éliminant de fait tout ce que Sharon n’aimait pas de la Feuille de route (le gel total de toute colonisation et la création d’un État palestinien d’ici 2005). En remplaçant la Feuille de route par son propre plan, Sharon s’assure simultanément que seuls les engagements sécuritaires palestiniens demeurent, faisant ainsi du peuple palestinien la toute première nation sous occupation à devoir garantir la sécurité de ses occupants.
4.

Briser l’isolement international croissant d’Israël et diminuer les problèmes auxquels font face les politiques israéliennes d’occupation en ce qui concerne le Mur de l’apartheid.
5.

Conserver l’initiative stratégique et forcer les acteurs palestiniens, arabes, et même internationaux à jouer selon les règles du jeu fixées par Israël, à danser au rythme établi par Israël.

En même temps, un brutal étranglement de l’économie nationale palestinienne se poursuit. Une campagne, tragiquement déjà couronnée de succès dans certaines capitales, est en cours pour couper l’assistance humanitaire aux Palestiniens dans les secteurs de la santé, de l’éducation, des affaires sociales et des réfugiés. De plus, ce qui reste de cette assistance est redirigé et détourné vers l’établissement d’autres structures de sécurité, comme si toute la vie des Palestiniens – les activités sociales, économiques et scolaires – devraient cesser, leur laissant une seule fonction, celle d’agir comme les agents de sécurité pour l’armée d’occupation israélienne et les colons.

Lorsqu’on a compris ces objectifs stratégiques, un examen plus approfondi de l’«illusion» que Sharon crée en ce qui concerne le «retrait de la Bande de Gaza» ne révèle rien de plus qu’une combine drapée dans l’ambiguïté internationale. Le plan de Sharon n’est pas conçu pour influer sur un retrait, mais pour réorganiser le contrôle israélien sur la Cisjordanie, en rendant un tel contrôle moins coûteux et moins dangereux pour l’occupant.

Ceux qui partagent le point de vue voulant qu’un véritable retrait soit ici considéré devraient avant tout expliquer comment un tel plan peut être concilié avec ce qui suit:

*

La démolition continue de centaines de maisons le long de la frontière égyptienne à Rafah, au rythme de cinq maisons par jour. Dans cette région où 82 enfants ont été tués par l’armée, un réel processus de nettoyage ethnique est en cours.
*

Plusieurs centaines de nouveaux ordres de confiscation de terre et l’expansion de la superficie des colonies à Deir el-Balah, Kfar Darom et Netzarim.
*

L’exclusion, par Sharon, de quatre des plus importantes colonies de la Bande de Gaza du soi-disant plan de retrait. Le Premier ministre israélien évite de plus toute référence à un retrait le long du corridor qui entoure la Bande de Gaza de tous côtés, un corridor qui est tracé sur des terres palestiniennes.

L’assassinat du leader spirituel Cheikh Ahmed Yassine, le 22 mars dernier, était une provocation évidente de Sharon qui essaie de provoquer un nouveau cycle de violence sans précédent, afin de gagner du temps pour appliquer son plan. De telles actions démontrent clairement que ce plan est loin d’être conçu pour appliquer un retrait de la Bande de Gaza, mais plutôt pour transformer la Bande de Gaza en une véritable prison, entourée par une présence israélienne de tous les côtés. Un ghetto dans lequel 1,3 million de Palestiniens sont réprimés, et qui pourra servir d’exil potentiel pour les dirigeants palestiniens (la Bande a déjà été utilisée comme lieu d’exil pour un certain nombre de citoyens palestiniens expulsés de Cisjordanie).

Il est vrai que personne ne s’opposera au retrait de l’armée israélienne de toute partie du territoire palestinien. Il est également vrai que Sharon a été contraint de s’engager dans de telles man¦uvres stratégiques parce qu’il est sujet à une pression, parce qu’il fait face à une crise politique, sécuritaire et démographique, et parce qu’il a échoué dans sa promesse de liquider l’Intifada en cent jours. Il est à la tête du gouvernement depuis plus de 1.100 jours.

Toutefois, il serait erroné d’interpréter le plan «Gaza d’abord» de Sharon comme un aveu de défaite. Ce plan est une tentative pour éviter la défaite, pour enfermer les Palestiniens dans un labyrinthe pire qu’Oslo. C’est une tentative de Sharon pour attirer les Arabes dans un piège (dans lequel les Égyptiens ont savamment réussi à ne pas tomber jusqu’à maintenant), pour gagner du temps afin d’achever la judaïsation de la Cisjordanie, pour détruire le futur du peuple palestinien, et pour briser tout espoir d’une paix réelle et juste.

La réponse adéquate à la dernière combine de Sharon n’est pas de coopérer avec l’homme, lui permettant ainsi d’échapper à une défaite inévitable. La réponse n’est pas de s’engager dans une rivalité futile pour décider qui assumera l’autorité en cas de retrait. De plus, la réponse n’est pas de s’asseoir avec Sharon et de discuter de sa politique unilatérale, puisque cela donnerait une légitimité à ce plan.

La réponse, et ceci est un conseil sincère aux dirigeants politiques en particulier, est de suivre l’exemple des habitants de Na’alin et Budrus, Qibya et Beit Duqqu, Rafat et Qalqiliya, Badw et Deir Qiddis, Beit Leqia et tous les autres villes et villages palestiniens qui se battent. La réponse est la confrontation avec le Mur de l’apartheid et les desseins de l’occupation, en centrant toute l’attention sur les réels défis: la destruction du Mur, et mettre fin à l’occupation de toutes les terres palestinienne occupées, sans exception.

La réponse ne peut résider que dans le maintien de l’assaut contre les politiques israéliennes. La réponse consiste à confronter la politique d’occupation et d’apartheid jusqu’à ce qu’Israël finisse par reconnaître le droit qu’a le peuple palestinien à la liberté, à l’indépendance et à la dignité.

Par conséquent, la réponse à Sharon doit être la formation d’une direction nationale unifiée, la consolidation de l’unité nationale, et l’adoption de principes démocratiques comme moyens de résoudre les différents. La réponse réside dans l’affermissement de la souveraineté de la loi, la promotion du secteur judiciaire, la tenue d’élections démocratiques, l’amélioration de l’administration politique domestique et l’accès, pour tous les citoyens, à la sécurité, à la stabilité et à la justice. Tous doivent s’unir derrière un projet national commun pour mettre fin à l’occupation israélienne et à la colonisation, pour préserver les droits des réfugiés et pour atteindre la pleine indépendance. La réponse qui doit être faite à Sharon repose dans la consolidation du front intérieur qui a souffert de l’indiscipline et du chaos et des rivalités factieuses et personnelles, à un coût bien trop grand pour l’intérêt public.

Mustapha Barghouti
Traduit de l’anglais par Olivier Roy
(Montréal – Québec)
05 avril 2004
© Solidarité-Palestine – E-mail: webmaster@solidarite-palestine.org

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