19 avril – Quel meilleur sergent recruteur que le président des Etats-Unis, Ben Laden peut-il trouver ?, s’interroge le journaliste Robert Fisk dans un article publié jeudi 16 avril et traduit par Carole Sandrel.
En donnant son aval au plan d’Ariel Sharon, Bush a légitimé le terrorisme
« Donc le président George Bush déchire le plan de paix israélo-palestinien et c’est parfait. Les colonies israéliennes pour les Juifs, et pour les Juifs seulement, en Cisjordanie. C’est parfait. Voler la terre que des Palestiniens possèdent depuis des générations, c’est parfait. La résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations Unies dit qu’on ne peut pas acquérir la terre par la guerre. Oubliez. C’est parfait.
Le président George Bush travaillerait-il pour Al Qaïda ? Qu’est-ce que cela signifie ? Que George Bush se soucie plus de sa réélection qu’il ne se soucie du Proche-Orient ? Ou bien que George Bush a plus peur du lobby pro-israélien que de son propre électorat. Ne craignez rien, c’est cette dernière proposition qui est la bonne.
Son langage, son mode de narration, son discours sur l’histoire, ont été un tel tissu de mensonges ces trois dernières semaines que je me demande pourquoi nous nous donnons la peine d’écouter ses insupportables conférences de presse. Ariel Sharon, le maître d’œuvre du massacre de Sabra et Chatila (1700 civils palestiniens tués) est un « homme de paix » – même si en 1993 le rapport officiel sur le massacre démontrait qu’il était » en était personnellement responsable ». Aujourd’hui, M. Bush salue M. Sharon et son plan – qui volera encore plus de terres palestinienne s- comme un « acte « historique et courageux ».
Que Dieu nous pardonne tous. Abandonnons les piteuses colonies illégales de Gaza et tout sera parfait : le vol de la terre par les colons, le déni du droit au retour en Israël de ces Palestiniens qui y vivaient, parfait. M. Bush, qui a déclaré qu’il voulait changer le Proche-Orient en envahissant l’Irak, dit qu’il va maintenant changer le monde en envahissant l’Irak ! Parfait ! N’y a-t-il personne pour crier « Arrêtez ! Assez ! » ?
Il y a deux nuits, cet homme très dangereux, George Bush, parlait de « liberté en Irak ». Pas de « démocratie » en Irak. Non, « la démocratie » n’était plus mentionnée. « La démocratie » était simplement évacuée de l’équation. Maintenant il ne s’agit plus que de « liberté » – libérés de Sadam au lieu d’avoir la liberté des élections. Et qu’est-ce que cette « liberté » suppose ? Un seul groupe d’Américains désignés par les Irakiens cèderont le pouvoir à un autre groupe d’Américains désignés par des irakiens. Ce sera donc le « transfert historique » de la « souveraineté » irakienne. Oui, je vois très bien pourquoi George Bush veut être témoin du « transfert » de la souveraineté. « Nos boys » doivent sortir de la ligne de feu – laissons les Irakiens se retrouver dans les sacs de sable.
L’histoire irakienne est déjà en train de s’écrire. Pour venger l’assassinat de quatre mercenaires américains – parce que c’est ce qu’ils étaient – les marines états-uniens ont déclenché le massacre de centaines de femmes, d’enfants, et de guerilleros dans la ville musulmane sunnite de Fallujah. L’armée états-unienne dit que la quasi totalité des morts étaient des agitateurs. Faux, répondent les médecins. Mais les centaines de morts, dont la plupart était des civils, sont le honteux reflet des attaques inégales menées par la soldatesque américaine. Beaucoup de Bagdhadi sunnites disent que dans le « nouvel Irak » – version irakienne, non version Paul Bremer, – Falloujah devra recevoir le statut de nouvelle capitale irakienne.
De vastes zones de la Cisjordanie palestinienne vont maintenant devenir israéliennes, par la grâce du président Bush. La terre qui appartient à un autre peuple que le peuple israélien doit maintenant être volée par les Israéliens parce ce que ce n’est « pas réaliste » qu’il en soit autrement. M. Bush serait-il un voleur ? Est-il un criminel ? Peut-il être accusé de complicité de crime ? L’Irak peut-il déclarer maintenant au Koweit qu’il n’est « pas réaliste » que les frontières ottomanes puissent être modifiées ? La terre palestinienne a compris dans le passé tout ce qui est maintenant Israël. Ce n’est, apparemment , pas « réaliste » de changer ça, même à deux pour cent ?
Est-ce que Saddam Hussein doit être remis en selle et ramené aux affaires en Irak sur l’idée que son invasion de 1990 du Koweit était « réaliste » ? Ou que son invasion de l’Iran – quand nous l’aidions à détruire la révolution de l’ayatollah Khomeiny – était « réaliste » parce qu’initialement il n’attaquait que les zones arabophones (donc « irakiennes ») de l’Iran ?
Ou, puisque le président Bush semble maintenant être devenu un mordu d’histoire, est-ce qu’on va devoir rendre aux Allemands Dantzig et les Sudètes ? Ou l’Autriche ? Ou peut-être devrions-nous recréer les possessions coloniales de ces cent dernières années ? N’est-ce pas « réaliste » si les Français reprennent l’Algérie – ou une part de l’Algérie – puisque ça a été dans le passé une part de la nation française ? Ou Aden ? Ou l’Egypte ? La France ne devrait-elle pas être autorisée à reprendre le Liban et la Syrie ? Pourquoi les Anglais ne reprendraient-ils pas l’Amérique et ne chasseraient-ils pas ces satanés « terroristes » qui s’opposent à la loi de la démocratie du roi George depuis plus deux cents ans ?
La folie et la faiblesse de George Bush peuvent nous embarquer dans n’importe quoi. Nous possédons tous des terres que « Dieu » nous a données. Est-ce que la reine Mary est morte avec « Calais » gravé au cœur ? Est-ce que l’Espagne a un droit légitime sur la Hollande ? Ou la Suède un droit sur la Norvège ou le Danemark ? Tout pouvoir colonial, y compris Israël, peut arguer de ces réclamations grotesques.
Ce que fait Bush en réalité, c’est donner le feu vert au monde fou du sionisme chrétien. Les fondamentalistes chrétiens qui soutiennent le vol perpétré par Israël de la Cisjordanie en se fondant sur l’idée que l’Etat d’Israël doit exister là, selon la volonté de Dieu jusqu’à ce qu’advienne le second avènement, croient que Jésus reviendra sur terre et que les Israéliens se convertiront alors au Christianisme ou mourront dans la bataille d’Amargeddon.
Je ne blague pas. C’est ce que croient les fondamentalistes chrétiens, soutenus même par l’ambassade israélienne à Washington – évidemment sans commentaires – dans leurs rencontres hebdomadaires de prière chrétienne sioniste. Chaque revendication de Ben Laden, chaque déclaration selon laquelle les Etats-Unis représentent le sionisme et soutiennent le vol des terres arabes va désormais devenir vrai pour des millions d’Arabes, même ceux qui ne sont pas à l’heure de Ben Laden. Quel meilleur agent de recrutement Ben Laden pouvait-il trouver que George Bush. N’a-t-il pas conscience de ce que cela signifie pour les jeunes soldats américains en Irak, ou les vies israéliennes sont-elles plus importantes que les vies américaines en Mésopotamie ?
Tout ce que le gouvernement états-unien a fait pour préserver sa réputation comme « l’intermédiaire » du Proche Orient a été passé par dessus bord par ce président des Etats-Unis mou et lâche. Qu’il fasse courir à ses soldats les plus grands dangers ne le dérange pas – de toute manière ce n’est pas son problème. Que cela aille à l’encontre de la justice ne le préoccupe pas. Que ses déclarations soient contraires à la loi internationale, c’est sans conséquence.
Et surtout ils nous faut rester à la merci de cet homme. Si Al Qaïda nous frappe c’est notre faute. Et si 90% de la population espagnole s’opposent à la guerre, ils sont traités de pro-terroristes déplorant que deux cents des leurs, des civils, aient été tués par Al Qaïda. Premièrement, les Espagnols déplorent la guerre, ensuite ils doivent la subir et enfin ils sont condamnés comme « pacifistes » par le régime de Bush et ses journalistes à la botte quand ils pleurent leurs maris, leurs femmes et leurs fils qui ne méritaient pas de mourir.
(traduit par Carole Sandrel)