5 mai – Le Quartette (Etats-Unis, ONU, Union européenne, Russie) réuni mardi à New York pour discuter du conflit israélo-palestinien, a réussi la performance de s’aligner purement et simplement derrière le plan de Sharon, lui-même soutenu par les Etats-Unis, et qui entérine peu ou prou l’élimination de la Palestine.
Le plan d’Ariel Sharon prévoyait jusqu’à dimanche dernier une éventuelle évacuation des 7.500 colons de la bande de Gaza, à un horizon laissé à la discrétion des dirigeants israéliens. Comme l’a justement fait remarquer le député palestinien israélien Ahmad Tibbi, ce plan, s’il était mis en œuvre, reviendrait à faire sortir les geôliers de cette prison qu’est depuis des années le territoire de la bande de Gaza, où près d’1,5 million de Palestiniens sont enfermés sur 200 kilomètres carrés à peine (300 si les colonies étaient évacuées). Comme dans tout établissement pénitentiaire qui se respecte, les geoliers (armée israélienne) se replaceraient à l’extérieur des cellules , pour reprendre l’image utilisée par Tibbi.
En tout état de cause, Gaza resterait encerclé de tous côtés par l’Etat d’Israël et son armée, sans frontière avec l’Egypte, sans port ni aéroport : bref, un bantustan parfaitement fonctionnel, du point de vue d’Israël s’entend. En contrepartie d’une « aussi douloureuse concession », dans le plan Sharon, l’avenir de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie sont laissés entre les mains d’Israël, qui aurait la liberté de poursuivre en toute impunité la colonisation, le dépeçage, les murs d’annexion et d’apartheid, condamnant définitivement toute perspective de création d’un Etat palestinien quelque peu viable.
George Bush a donné le mois dernier son accord total à Sharon, entraînant quelques critiques du côté des responsables Européens, et même aux Etats-Unis, où 60 diplomates à la retraite ont mis en garde contre cet alignement systématique des Etats-Unis sur la politique d’Israël.
Mais cela compte peu au regard de l’intransigeance et du fanatisme des secteurs les plus extrémistes de la société israélienne. Dimanche, les militants du Likoud, le parti d’Ariel Sharon qui dirige la coalition gouvernementale israélienne, ont dit « Non » à leur chef, et rejeté son plan. Pour eux, il ne doit jamais y avoir la moindre concession sur les territoires palestiniens occupés, que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie, et par conséquent la moindre évacuation de colonie.
Mais surprise ! Les misères faites par l’extrême-droite (pour autant que ces notions de « droite », « extrême-droite » aient un minimum de sens sur l’échiquier politique israélien) à Sharon ont provoqué, du côté des grandes puissances, la compassion à l’égard du chef du gouvernement israélien.
A lire le compte-rendu de la réunion du Quartette mardi à New York, Sharon apparaît en effet comme un homme de paix, qui a fait, avec sa duperie sur l’éventuel retrait de la bande de Gaza, des propositions constructives. « Nous avons pris note, avec satisfaction, de l’intention annoncée par le Premier ministre Ariel Sharon d’évacuer toutes les colonies de la bande de Gaza. Cela devrait créer une rare opportunité, qu’il faut saisir, dans la recherche de la paix au Moyen-Orient », a ainsi déclaré le Secrétaire général de l’ONU, Koffi Annan, en lisant le communiqué publié par le Quartette à l’issue de sa réunion. Aux oubliettes, donc, la déjà très fantomatique « Feuille de Route », sans parler de compromis un peu plus construits, comme « l’accord de Genève » par exemple, fruit de discussions entre Israéliens d’opposition et Palestiniens soutenus par l’Autorité palestinienne.
La bande des Quatre était composée mardi d’Annan lui-même, du chef de la diplomatie américaine Colin Powell, de son homologue russe Serguei Lavrov, et de Brian Cowen, ministre des Affaires étrangères de la République d’Irlande, pays qui exerce actuellement la présidence, tournante, de l’Union européenne.
Non, le peuple palestinien ne peut attendre grand chose des grandes puissances, Europe comprise, tant que celle-ci sera soumise à l’axe Busharon. Seule une mobilisation sans précédent des opinions publiques pourra inverser le cours catastrophique de la situation.