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DEUX TEMOIGNAGES ACCABLANTS EN PROVENANCE DE NAPLOUSE

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Nous rapportons ci-dessous deux témoignages particulièrement accablants sur la situation des Palestiniens à Naplouse, les crimes commis par l’armée israélienne et la destruction intentionnelle de la société civile, de la sociabilité, de l’humanité.


« Naplouse a peur », par Micheline, pacifiste française

Lorsque je suis arrivée à Naplouse, peu avant midi, j’ai eu l’impression de rentrer dans une ville fantôme. Dans
une ville sans vie.
Personne dans les rues. Il n’y avait plus d’hommes assis sur le devant des portes des maisons et des échoppes.
Rien ne bougeait hormis les taxis jaunes.
Je me suis rappelée que, lors de mon premier passage en 2002, alors que Naplouse vivait ses heures les plus
noires – soumise au couvre-feu, cernée par les forces d’occupation israéliennes – il y avait quantité d’enfants qui couraient derrière un ballon et qui s’amusaient à me suivre. Bref, il y avait encore un semblant de vie dans les
rues défoncées.

Où étaient donc passées les jeunes filles à la longue et belle chevelure, qui se hasardaient dans les rues,
discutaient avec une amie ou une voisine et les jeunes garçons, aux cheveux bien coupés et gominés – comme les
jeunes de chez nous – qui regardaient les filles avec gourmandise?
Les rares femmes, que j’aie pu apercevoir en ce jour pâle de juin 2004, étaient voilées, habillées d’un manteau
long jusqu’aux chevilles, allaient leur chemin sans mot dire, hâtaient le pas.
Le changement était brutal. Que s’était-il passé entre deux ?

Un journaliste local m’a donné un début de réponse. Il m’a expliqué que la raison de ce changement était la peur.
Naplouse vivait sous le règne de la peur. La peur de l’armée israélienne, la peur des voisins, la peur des
collaborateurs que les services secrets israéliens ont infiltré, la peur des bandes armées qui, dans le vide laissé
par l’Autorité Palestinienne, se sont mises à faire la loi, la peur…
Il m’a expliqué que plus personne ne peut plus se fier à personne. Car les soldats israéliens avaient toutes sortes
de ruses pour les contrôler. Ils pouvaient arriver par surprise, déguisés en femme, en dealer, en jeans, se faire
passer pour un étranger pour obtenir des informations, les surveiller de l’intérieur, de près.

Les tensions entre Palestiniens pèsent. Ce qui entraîne des altercations entre voisins, et le couteau n’est jamais
loin. Ceci pour dire que les rues ne sont plus du tout sûres.
Ce journaliste m’a également raconté avec émotion de quelle manière sa fille – qui poursuivait ses études à
l’Université Al-Najaf – a été obligée de se couvrir les cheveux et les bras sous peine d’être exclue de
l’Université.

Quant aux assassinats ciblés perpétrés par les soldats israéliens mon interlocuteur m’a appris que l’armée
israélienne a changé de méthodes : « Le couvre-feu n’est plus en vigueur. Mais les incursions des soldats israéliens
sont désormais ciblées. Ils arrivent en ville incognito, ils donnent 150 Sheckels (35 €) à des jeunes adolescents
pour obtenir des renseignements sur les personnes recherchées. Ils peuvent ensuite faire tomber les personnes
recherchées dans leur piège et ensuite ils les tuent ou emprisonnent. »

Les soldats utilisent une autre technique pour arracher des informations.
« Exemple : Ils investissent la maison d’une personne déjà emprisonnée, cassent tout ce qu’il y a dans la maison,
menacent la femme de revenir pour la violer ainsi que ses filles si elle ne donne pas d’informations sur les amis
de son mari. Parfois, ils reviennent avec le mari qu’ils ont sorti de prison ou d’interrogatoire, le corps et le
visage roués de coups, et disent que si elle ne leur donne pas des informations, des noms, ils vont le tuer. C’est
de cette manière que les services israéliens ont obtenu les informations sur Khalil Marchoud, qu’ils ont assassiné
le 15 juin dernier avec Aouadh Abou Zid et un autre homme en lançant un missile sur leur voiture. »

« Cela créé un climat de méfiance. Tout le monde a peur de tout le monde. Les gens ne se font plus confiance, ils
ne parlent plus aux étrangers, les enfants restent enfermés à la maison. »

Lors de ma présence à Naplouse, il y avait une incursion israélienne dans le camp de Balata. Plusieurs jeunes
enfants qui défendaient leur territoire en jetant des pierres sur les soldats, qui se tenaient bien à l’abri dans
leurs véhicules blindés, ont été tués et une dizaine ont été blessés, transportés à l’hôpital Rafidia.

Alors qu’à Balata, les opérations militaires terrorisaient la population et qu’il y avait des victimes et tout un
cortège d’ambulances, les autres quartiers de la ville de Naplouse, tout en suivant les nouvelles, continuaient à
vivre normalement : « Ce qui est terrible, c’est que nous nous sommes devenus habitués à la mort. Nous sommes
tristes pour les familles des victimes mais nous devons continuer de travailler et de nous préoccuper d’assurer la
survie de nos proches»

Le soir venu nous nous sommes rendus sur «les Champs Elysées» de Naplouse, une large avenue, nommée ainsi par les
jeunes de Naplouse, qui se situe entre l’Université Al-Najaf et l’hôpital Rafidia.
Les magasins avaient tous leurs volets mi-clos. Les vendeurs nous ont expliqué qu’ils voulaient ouvrir leur
commerce, mais qu’en raison des opérations militaires dans le camp de réfugiés proche, ils avaient peur que des
jeunes armés viennent les menacer, leur en vouloir pour leur manque de solidarité avec le camp en détresse.

L’un d’eux, très en colère, nous a dit : « Nous sommes tristes pour les victimes et pour leurs familles, mais nous
devons impérativement continuer, gagner de quoi vivre si nous ne voulons pas tous mourir. De quel droit
viennent-ils nous interdire de travailler ? En nous obligeant à fermer, ils font le jeu des Israéliens. »
De fait, une demi-heure plus tard, des jeunes gens, le visage caché d’un keffieh, sont apparus dans l’avenue alors
qu’ils venaient de quitter l’hôpital Raffidia. En quelques minutes, l’avenue s’est vidée et les magasins se sont
fermés complètement. Peu rassurés, nous sommes rentrés nous aussi à la maison.

A aucun moment de notre séjour, nous n’avons vu la présence de la police palestinienne. Il est vrai qu’un policier
palestinien qui ne gagne que 650 sheckels par mois (environ 150 €) n’a ni envie de se trouver pris dans des
affrontements entre Palestiniens, encore moins prendre le risque de se faire tuer.

Un peu plus tard dans la soirée, nous avons entendu 3 fortes explosions qui provenaient de la vieille ville. Le
lendemain, nous sommes allés voir de quoi il s’agissait : les soldats israéliens s’en étaient pris aux deux
mosquées et à une église situées dans la vieille ville.

Le souffle des fortes explosions avait détruit de nombreuses boutiques et avait fait exploser toutes les vitres des maisons situées à proximité. Plusieurs personnes qui dormaient dans les chambres donnant sur la ruelle étaient blessées, en état de choc.
Pourquoi s’en prendre aux lieux saints ?

Comble de l’affront, en même temps que se déroulait l’opération militaire, plusieurs ministres israéliens étaient venus sur ces lieux, prier sur la tombe de Joseph, protégés par toute une armada.

De toutes les villes de Cisjordanie, Naplouse est certainement celle où la vie y est le plus difficile. D’une part, en raison du siège et des nombreuses incursions effectuées par l’armée israélienne mais, aussi, en raison de la tension présente à chaque coin de rue, où à tout moment, tout peut basculer.

Alors que j’allais quitter la ville après une réunion de l’ISM (International Solidarity Movement)dans la vieille ville, le coordinateur local m’a accompagnée jusqu’à la station de taxis où il a demandé à l’un d’entre eux de m’emmener jusqu’au checkpoint d’Huwarra.
Nous sommes montés dans le véhicule mais, doucement, les autres taxis se sont avancés pour bloquer l’avant et l’
arrière de la voiture.

Commençant à paniquer, j’ai jeté un bref coup d’oeil vers l’arrière mais mes amis étaient déjà loin. Le conducteur
de mon taxi est sorti en hurlant pour leur demander de nous laisser passer. Rien. Ils se sont enfin retirés lorsque
le chauffeur a appelé la police en leur demandant de venir immédiatement.
Nous sommes partis à toute vitesse mais mon chauffeur ne décolérait pas : « Avez-vous déjà vu cette scène dans un
autre pays ou ailleurs en Palestine ? » m’a dit-il demandé.
Evidemment, ma réponse fut « NON ».
Je n’ai pas obtenu de réponse à mes questions : « Que s’est-il passé ? Pourquoi ? »
La peur est bien réelle à Naplouse.
Ce n’est pas étonnant que le Maire de la ville ait démissionné en mai dernier car « il ne voulait n’être ni témoin, ni complice ».
Micheline

Autre témoignage rédigé par Manu du Morvan, à partir des notes de florence et Christine

« Ce matin avant d’aller dans les camps d’été, nous avons été visiter la famille du Docteur SALAH a Naplouse. Ci
dessous le témoignage d’un crime. Nous entrons dans une maison où toutes les femmes sont habillées en noir: la
femme du Docteur, sa mère, sa fille, et une soeur …
La femme du Docteur raconte :
« Khaled SALAH avait 50 ans, son fils Mohammad 16 ans étudiant …ils ont été tués en même temps …
Les femmes sont dans une zone sécurisée de la maison et ont comme consigne en cas de problème de ne jamais bouger. Les hommes regardent ce qui peut se passer.
Khaled était docteur en université spécialisée comme ingénieur en informatique. Khaled et sa femme ont une carte
de résident permanent américain. Leur fils a un passeport américain. Khaled est un homme reconnu dans Naplouse
pour ses connaissances et sa gentillesse.
Jeudi 6 juillet 2004 à 01h45 du matin. Tout le monde dormait apres avoir participé la veille à une cérémonie
familiale. Ils ont entendu des tirs, Khaled regarde par la fenêtre. Les soldats étaient dans le rue. Ils ont une
maison avec de grandes fenêtres. Des tirs, des roquettes, des explosions un peu partout. Les femmes ont crié
qu’il y avait des femmes et des enfants dans la maison, mais les soldats ont continué à tirer. Une bombe a atteint
la maison.
Elles appellent la radio, la télé, l’UPMRC (ONG qui s’occupe de la santé et des urgences médicales), le croissant rouge, l’ambassade américaine. Mais personne ne peut rien faire, le quartier est bouclé.
Les soldats leur crient : Sortez de la maison ou nous faisons exploser des bombes sur vous. Khaled a essayé
d’ouvrir la porte d’entrée mais elle était bloquée par des tirs de roquettes qui avaient déformé la porte.
Il est allé à la fenêtre de la chambre et a crié aux soldats : je suis pacifique, mes enfants sont en danger . Les soldats ont tiré 3 fois. Khaled est tombé sur le sol, il était mort. Sa femme voit aussi son fils avec du sang
alors qu’il était prostré dans un coin en principe à l’abri. Elle crie aux soldats : mon fils est blessé, à l’aide ! Mais les soldats ont ri et lui ont dit de se taire.
Elle a essayé de prévenir les voisins et demander un medecin. Les soldats leur ont demandé de sortir un par un les mains levées. Elle a dit : laissez moi sortir avec mon mari et mon fils, ils ont besoin de secours. Ils ont eu des
paroles humiliiantes pour elle et sa fille. Les soldats ont pris la famille en interrogation : qui est dans votre
maison? Elle répond : mon mari, ma famille et personne d’autre…
C’était un assassinat délibéré de civils non armés, sans appartenance à un parti politique. Personne ne pouvait
les aider ni la croix rouge, ni l’UPMRC … ils n’ont pu accéder aux lieux que 4 heures après. Son fils a saigné
jusqu’à la mort.
Les soldats ont tout détruit dans la maison (vêtements, meubles, ordinateur, parfum, bijoux—volés?).

Pouvez-vous vous imaginer vous réveiller dans la nuit, au milieu des tirs, sans savoir pourquoi votre maison est
visée ? Pourquoi des civils sont tués ?
J’ai besoin d’explication pourquoi ils ont tués mon fils et mon mari ? Pourquoi et comment mon fils réfugié dans
un recoin de la maison a été touché ?
Khaled était un homme de paix qui faisait tout ce qu’il pouvait pour sa famille .
En France, on dit que les familles palestiniennes envoient leurs enfants à la mort. Mais mes fils n’étaient
jamais loin de moi et je veillais sur eux comme sur la prunelle de mes yeux.
Je ne dors plus car j’ai peur que tout recommence et que je perde d’autres enfants. Je n’ai plus personne pour
protéger ma famille.
Les soldats pendant l’attaque de la maison ont tiré sur le container de gaz, heureusement en été, il était vide,
sinon une explosion aurait détruit les maisons des voisins .

Khaled était un personnage public de Naplouse, reconnu par ses étudiants. Le tuer allait avoir un impact sur la population. »
Mme SALAH

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