« Le 17 Avril, les prisonniers palestiniens ne participeront pas aux churs d« Israël Je taime », écrit Omar Somi, président dr la GUPS (Union Générale des Eudiants Palestiniens, qui relève l’indécence de ceux qui se réjouissent de détenir tout en peuple en otage.
Le 17 Avril, les prisonniers palestiniens ne participeront pas aux churs d« Israël Je taime »
par Omar SOMI
Le 17 avril, les Palestiniens et ceux qui se battent pour leurs droits commémoreront la journée du Prisonnier. Cet évènement annuel a en Palestine plus dimportance que la Fête des Pères en France. Pour la simple et tragique raison que chaque famille déplore ou a déploré labsence contrainte dun des siens. 600 000 Palestiniens sont passés par les geôles israéliennes, soit 20% de la population totale des territoires occupés en 1967 et près de 60% des hommes de plus de 18 ans… 60% : cest plus que la part des pères en France.
Le 17 Avril, à Paris, un chur de plusieurs milliers de personnes sera réuni pour « le plus grand rassemblement jamais organisé pour dire… Israël je taime ». Cette manifestation est notamment patronnée par le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France et portée par plusieurs organisations sionistes -françaises, internationales et israéliennes- telles lAssociation de Soutien à Israël, lUnion des Etudiants Juifs de France, le Bnaï Brith ou la très droitière agence de presse Guysen News. Le tristement célèbre ministre de la Défense israélien, Shaul Mofaz sera de la fête, de même que Shimon Pérès. On peut déjà sattendre à ce que de nombreuses personnalités françaises rejoignent cette célébration sioniste…
Cependant, il sera impossible à ceux qui portent un regard informé et critique sur la situation en Palestine et en Israël de se joindre à ce chur, qui vise à « témoigner au peuple israélien et à ses dirigeants un soutien inconditionnel dans leur démarche courageuse et résolue vers la paix ». En effet, cette « démarche courageuse et résolue vers la paix » est entachée par la poursuite dune politique de colonisation massive en Cisjordanie occupée, la construction dun Mur dannexion de plusieurs centaines de kilomètres, et lincarcération arbitraire de près de huit mille prisonniers palestiniens. A notre grand regret, mais sans surprise, le dialogue israélo-palestinien na livré, outre une trêve fragilisée par les extrémistes israéliens et le désespoir palestinien, que des résultats médiocres si lon se réfère à ce quexige le droit international. Ce même droit international quon sempresse par ailleurs de faire appliquer par la Syrie au Liban.
La question des prisonniers palestiniens et de leurs conditions darrestation, dinterrogatoire, de jugement et de détention figure au cur des revendications palestiniennes, flouées par linapplication des accords de Charm el Cheikh. Ces derniers ont pour linstant eu pour seul résultat la libération de quelques 400 prisonniers en fin de peine. Pourtant ces accords étaient eux-mêmes très inférieurs à la revendication initiale, celle de la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens. Peut-être faut-il rappeler ici que près de 8000 Palestiniens sont aujourdhui embastillés par la puissance occupante israélienne, dont plusieurs centaines denfants et 126 femmes. Ces prisonniers, militants des droits de lhomme, journalistes, syndicalistes, universitaires sont détenus dans des conditions inhumaines par « la seule démocratie du Proche-Orient » qui viole éperdument les Conventions de Genève, le droit humanitaire international, et bien souvent, les lois mêmes de lEtat dIsraël. Les prisonniers politiques palestiniens sont soumis à des procédures dexception qui remontent au système juridique du mandat britannique. Les détentions sans jugement, parfois les rafles rappellent les pires heures de lère coloniale. Les preuves sont fabriquées ou ne sont même pas exigées par les juges militaires, comme en témoignent les scandaleux procès des députés palestiniens Hussam Khader et Marwan Barghouti. Ce dernier sest vu infliger plusieurs peines à perpétuité… De plus, les prisonniers politiques palestiniens sont mêlés aux détenus de droit commun israéliens. Ainsi, une mère et son enfant dun an né en prison peuvent être amenés à partager une cellule avec une prostituée ou une toxicomane.
Les images et les témoignages qui filtrent épisodiquement ne peuvent que rappeler lhorreur de Guantanamo et Abu Ghraib. Les prisonniers mis à nus, ligotés et à genoux, les sacs noirs sur la tête, la torture et les humiliations sexuelles, lisolement et la privation de visites médicales, des avocats ou des familles. Il est difficile de ne pas soffusquer de largumentaire qui vise à légitimer ces pratiques immorales par la « lutte contre le terrorisme ». Il sagit dune justification doublement fausse. Parce quil convient de se battre pour que la morale et le droit ne soient pas écrasés par limpératif sécuritaire. Et parce que ces atteintes à la dignité humaine ne font qualimenter le désespoir, la haine et lesprit de vengeance qui sont les terreaux les plus fertiles du terrorisme.
Forts de ces convictions, nous ne saurions mêler nos voix aux churs des inconditionnels dIsraël, pour au contraire soutenir résolument ceux qui se battent pour que la paix émerge de lapplication du droit et non de loppression dun peuple. Ainsi, nous tenons à exprimer notre solidarité aux Israéliens qui ont choisi de briser le mur de la haine et du mépris pour fraterniser avec lennemi diabolisé quest le Palestinien. Lhumanisme de Talima Fahima, une jeune israélienne qui a séjourné auprès des Palestiniens du camp de Jénine, ne saurait être assimilé à la traîtrise quon lui impute pour légitimer sa détention. En outre, le droit à lobjection de conscience nest pas appliqué par Israël, et plusieurs jeunes israéliens refusant deffectuer leurs trois années de service militaire obligatoire dans larmée doccupation israélienne sont incarcérés.
Loin dune conception communautariste de lengagement pour la paix, nous porterons ensemble létendard du droit international et du multilatéralisme comme principes de résolution des conflits. Nous demandons à ceux qui ce sont enthousiasmés de lélection démocratique de Mahmoud Abbas à la présidence de lAutorité Palestinienne de comprendre que sa stratégie, son pari de la démilitarisation de lIntifada reposait sur lespoir que la communauté internationale se mobiliserait pour soutenir sa démarche et permettre lamélioration des conditions de vie des Palestiniens. Cette conviction ambitieuse que les dirigeants autoproclamés du monde libre reconnaîtraient limportance des efforts et des concessions déjà consenties par les Palestiniens, et exigeraient le minimum de réciprocité de la part dIsraël. Cet espoir notamment, que lEurope en construction saurait faire pression sur Israël, dont les exportations continuent de bénéficier de conditions avantageuses. Laccord économique dassociation Union Européenne/Israël est pourtant soumis au respect des droits de lHomme et sa suspension a été votée, sans suite, par les parlementaires européens en 2002… Dans les circonstances actuelles, il est nécessaire de voir au-delà de lécran de fumée quest le plan de retrait unilatéral de la bande de Gaza promu par le général Ariel Sharon, pour demander le retour à des négociations visant à un accord définitif et global, fondé sur le droit international. Il est impératif de refuser la conception unilatérale du Président américain George W. Bush, qui a entériné lacceptation des colonies et du mur qui fragmentent le territoire palestinien et le refus israélien de négocier le droit au retour des réfugiés palestiniens. Il est nécessaire enfin, de condamner lempressement de certains politiciens qui tel M. Devedjian profitent du climat illusionniste ambiant pour renforcer la coopération avec Israël malgré les violations des droits de lhomme par cet Etat, ces violations cruellement illustrées par le sort des prisonniers palestiniens.
Dans cette perspective, nous demandons à nos dirigeants dappuyer la démarche citoyenne qui est la nôtre, en faisant pression sur Israël jusquà ce que le droit prime sur la force, la réconciliation sur la répression, la paix sur loccupation et la colonisation.
Omar SOMI
Président de la GUPS-Paris Union Générale des Etudiants de Palestine