Le gouvernement israélien a fini par évacuer ses collaborateurs de la bande de Gaza, mais avec une grande réticence, et en les parquant dans un région désertique.
Le gouvernement israélien a jusqu’à présent eu une attitude moins lâche que d’autres, le gouvernement français dans sa gestion des « harkis » d’Algérie par exemple, lorsqu’il était question d’abandonner ou pas les supplétifs locaux qui l’avaient aidé dans ses sales besognes. Ce fut ainsi le cas lorsque l’armée israélienne finit par se retirer du sud du Liban en 1999, après vingt ans d’une sanglante occupation. Les supplétifs de l’armée israélienne, enrôlés dans l’Armée du Liban Sud (ALS), avaient alors de sérieuses raisons de craindre des représailles, de la part de la résistance locale, le Hezbollah, et plus généralement de la part de tous les habitants qui avaient subi leur joug. Le gouvernement israélien décida alors d’accepter les soldats de l’ALS et leur famille en Israël, où il leur procura des logements.
Le même problème se pose à présent pour la bande de Gaza, à une échelle plus petite.
Il concerne les habitants du hameau (ou plutôt, du lieu-dit) de Dahanya, à l’extrémité sud-est de la bande de Gaza, frontalière de l’Egypte et d’Israël.
Les résidents de Dahanya, environ 400 personnes appartenant à 67 familles à la veille de l’évacuation israélienne de la bande en août dernier, sont aussi bien des Bédouins que des Palestiniens de la bande de Gaza.
Les Bédouins de Dahanya étaient originaires du Sinaï. Mais lorsqu’Israël prît ce territoire à l’Egypte en 1967, il y installa une colonie, nommée Yamit. Les Bédouins locaux furent expulsés de leurs terres, et Israël les envoya dans la bande de Gaza, à Dahanya précisément. Au fil des ans, des Palestiniens de Gaza, effectivement démasqués ou en tout cas dénoncés comme collaborateurs des Israéliens, les y rejoignirent. Et au cours des dix dernières années, la réputation détestable du village a été en quelque sorte consolidée par l’occupant, qui a détaché Dahanya de la bande de Gaza, en en faisant une micro-enclave séparée, n’ouvrant que sur Israël.
Lorsqu’est venu cet été le retrait israélien de la bande de Gaza, l’Autorité Palestinienne a demandé à récupérer le site, qui jouxte l’aéroport international du territoire (aéroport détruit par Israël au début de la seconde Intifada). Israël a accepté, mais a voulu, dans un premier temps, « refourguer » ses habitants dans la bande de Gaza. Qu’ils aient collaboré avec l’occupant ou que ce soit seulement des membres de leur famille qui l’aient fait, tous ont évidemment craint des actes de vengeance.
Heureusement pour eux, une partie des habitants de Dahanya ont réussi à acquérir, par des mariages avec des Palestiniens israéliens, la nationalité israélienne. Ils ont introduit un recours devant un tribunal pour être « évacués comme les Juifs », et l’ont gagné.
Le gouvernement israélien a cédé, mais en apparence seulement, puisque les habitants de Dahanya ont été envoyés dans le désert du Neguev, à Tel Arad, près de la Mer Morte. Un envoyé spécial du quotidien britannique Daily Telegraph, qui s’est rendu sur les lieux, décrit un lieu de désolation, où les réfugiés s’entassent dans quelques tentes fournies par l’armée, sans électricité, pratiquement sans eau, pratiquement sans argent, et sans perspective aucune de gagner leur vie. Les généreuses compensations (dépassant, parfois de beaucoup, le demi-million d’euros par famille) promises aux « évacués de Gaza », ne sont bien entendu valides que si lesdits évacués sont des colons juifs, pas de vulgaires Arabes.
« Déjà, nous avons dû nous battre pour éviter à ces familles d’être renvoyées à Gaza », déclare dans le Telegraph M° Yoram Melmen, l’avocat israélien qui défend ces réfugiés. Mais la cause n’est peut-être que temporairement gagnée, car le fait de maintenir les ex-habitants de Dahanya dans des conditions aussi précaires qu’à Tel Arad montre que le gouvernement israélien n’a pas renoncé définitivement à les renvoyer à Gaza, histoire d’ajouter un élément de trouble supplémentaire dans la société palestinienne.