Les anciens ont sans doute en mémoire quelques unes des « couvertures » retentissantes qui firent la réputation de l’hebdomadaire Charlie-Hebdo, aux dépens des puissants de ce monde, y compris sur leur lit de mort.
En 1970, l’hebdomadaire Hara-Kiri rigola un bon coup sur la mort du général De Gaulle, décédé dans sa maison de Colombey-les-deux-Eglises à l’âge convenable de 80 ans, alors qu’au même moment, plus de 100 jeunes gens mouraient carbonisés et asphyxiés dans une discothèque en feu à l’autre bout de la France.
« Bal tragique à Colombey, 1 mort ! » , titra le journal. Mal lui en prît, et le prédécesseur de Sarkozy au ministère de l’Intérieur, qui s’appelait Marcellin, interdit la publication, que les animateurs relancèrent ensuite, sous le nom de « Charlie-Hebdo ».
Au fil des ans, l’hebdomadaire s’est offert, bien souvent avec talent, pas mal de « Têtes de Turcs », du général polonais Jaruzelski qui défendait le « socialisme » à l’abri de ses tanks et d’épaisses lunettes noires, à l’ayatollah Khomeiny qui vouait les infidèles aux flammes de l’enfer, sans oublier les papes ni le dictateur Franco, âgé de 85 ans et maintenu artificiellement en vie pendant des semaines et des semaines, sans qu’aucun de ses médecins ne trouve la résolution nécessaire pour débrancher le vieux boucher du peuple espagnol.
Maintenant, on a Sharon.
Victime d’un accident vasculaire-cérébral, l’homme n’a pas repris connaissance depuis le 4 janvier dernier, et la communication médicale à son sujet commence à prendre elle aussi un tour franchement comique : tandis que, business is business, les responsables israéliens vaquent à leurs occupations habituelles (des discours pré-électoraux pour les Israéliens, des coups pour les Palestiniens), le public a droit à une avalanche de communiqués ridicules sur la « détérioration très très grave » de son état de santé, puis « très grave mais moins grave que le très très grave annoncé antérieurement », avec considérations pseudo-savantes de journalistes sur la question de savoir si l’obstruction de la circulation sanguine dans les tripes de Sharon a un rapport ou non avec son cerveau ramolli.
Et Charlie-Hebdo, dans tout cela ?
L’hebdomadaire, dont la ligne éditoriale est devenue progressivement sharonienne depuis le déclenchement de la seconde intifada, a eu un rôle odieux dans l’affaire des caricatures.
Pas drôle, odieux. Le directeur Philippe Val et sa bande ont publié les désormais tristement fameuses vignettes scandinaves, qui, nous le maintenons, constituent une incitation à la haine raciale contre des millions de personnes d’origine arabo-musulmane . Et ce, sans même pouvoir arguer d’une quelconque « exigence journalistique », puisqu’un autre titre, France-Soir, avait fait le même « scoop » une semaine plus tôt.
Puis, Val s’est cru très malin et « équitable » en annonçant haut et fort qu’il publierait volontiers les dessins « humoristiques » sur le génocide des Juifs que lui fournirait le torchon iranien Hamshahri, qui a lancé un concours sur le sujet.
A la différence des responsables du journal d’extrême-droite danois Jyllands-Posten, qui ont renoncé vendredi à cet infâme projet et ont présenté des excuses pour la publication, les premiers, des caricatures montrant Mahomet en chef de bande terroriste fournisseur de femmes vierges à ses acolytes, Charlie-Hebdo n’est pas revenu publiquement, à l’heure où ces lignes sont écrites, sur son projet de jumelage avec le journal du président iranien Ahmadinejad.
D’ici qu’il reçoive les dessins de ses collègues d’Hamshahri, Philippe Val a l’occasion de traiter un sujet vraiment d’actualité, avec une couverture, bien saignante, du criminel corrompu qui encombre encore les services de l’hôpital Hadassah à Jérusalem, où le trou de la sécurité sociale est pourtant aussi vaste qu’ailleurs.
Le fera-t-il ? On verra ces jours prochains dans les kiosques. On verra, éventuellement on volera, mais on n’ira pas jusqu’à acheter.
Par CAPJPO-EuroPalestine