« Je déclare par la présente qu’il est contraire à ma conscience de soutenir, sous quelque forme que ce soit, l’usage des systèmes d’armes de type Tornado en Afghanistan. Les opérations militaires menées par les Etats-Unis en Aghanistan sont contraires au droit international. » Lieutenant Colonel Jurgen Rose. Une déclaration rapportée sur le site ContreInfo.info, qui s’étonne à juste titre du consensus français sur l’engagement de la France en Afghanistan.
« L’engagement de la France en Afghanistan ne fait l’objet d’aucun débat dans le pays. Ni les politiques ni les médias ne s’interrogent sur les finalités de la mission des forces françaises engagées sur ce théâtre d’opération.
Mais plus grave encore, les règles d’emploi de la force ne sont jamais questionnées. Nous avons pourtant à de nombreuses reprises souligné dans ces colonnes à quel point l’usage des bombardements aériens dans des opérations qui à l’origine avaient pour vocation la sécurisation du pays, est inacceptable.
A de nombreuses reprises, ces frappes ont provoqué la mort de civils, trop vite qualifiées de « victimes collatérales ». Mais comment peut-on tolérer le largage de bombes d’une tonne sur des zones d’habitations, même en riposte à des actions armées menées par les Talibans ?
Pour prendre la mesure de ces actes, nous suggérons à nos lecteurs d’imaginer la réaction des français si l’occupant avait bombardé une maison du quartier de Bellevile en représaille à une action de la résistance FTP en 1943.
Ce qui en France serait apparu comme un crime sans nom, se produit pourtant régulièrement en Afghanistan, sous la bannière de l’OTAN.
Les forces françaises ne sont pas cantonnées à un rôle d’assistance à la reconstruction et à la sécurisation de la population.
L’Armée de l’Air et la Marine fournissent un soutien aérien tactique à la coalition, soit à partir du Tadjikistan voisin ou sont basés les bombardiers Rafale, soit à partir du Charles de Gaulle d’où décollent les Super-Etendards qui vont effectuer des missions de bombardement en Afghanistan.
L’Allemagne, dont le parlement vient de décider le déployement d’avions de reconnaissance Tornado est traversée par un débat sur la légalité de cette opération.
Bien que le gouvernement insiste sur le fait que la mission des Tornados qui est la collecte du renseignement n’implique pas en une participation directe aux combats, les opposants rappellent que l’observation aérienne est la première étape avant l’attaque, et qu’elle est ainsi indissociable de cette dernière.
Le Lieutenant Colonel Jurgen Rose, s’est posé la question. Il en a tiré la conclusion que cette mission était illégale, et qu’il était contraire à sa conscience d’y participer.
Nous publions ci-dessous le courrier qu’il a adressé à son commandement.
Lettre du Lt Colonel Jurgen Rose
Extraits de la déclaration de service du 15 mars 2007 du lieutenant-colonel et enseignant Jürgen Rose, de Munich
Destinataire : Colonel de l’état-major Bernhard Frank Chef d’état-major de la WBK IV – Allemagne du Sud
Monsieur,
Eu égard à la décision du gouvernement fédéral d’envoyer des systèmes d’armes de type Tornado pour soutenir les opérations militaires en Afghanistan […] ;
eu égard au vote favorable du Parlement allemand du 9 mars 2007 sur cet arrêté gouvernemental ; eu égard également aux ordres issus entre-temps du commandement de soutien interarmées concernant l’exécution de ladite décision, je déclare par la présente qu’il est contraire à ma conscience de soutenir, sous quelque forme que ce soit, l’usage des systèmes d’armes de type Tornado en Afghanistan, puisque je ne puis exclure de contribuer ainsi, par mon action, à une opération de la Bundeswehr contre laquelle il existe de graves réserves par rapport à la Constitution, au droit international et au droit pénal.
Je demande donc à être dispensé de toute autre mission susceptible de soutenir l’« Opération liberté immuable » en général et l’envoi des Tornados en particulier.
Je justifie ma demande de la manière suivante :
Dans les attendus de l’arrêt relatif au jugement de la Deuxième Chambre de la Cour fédérale disciplinaire du 21 juin 2005, le Tribunal administratif allemand écrit notamment :
« 2. L’obligation fondamentale pour tout soldat de la Bundeswehr d’exécuter les ordres donnés ‘consciencieusement’ (de son mieux, complètement et immédiatement), telle qu’elle est stipulée à l’article 11-1 de la Loi sur le Service national, n’exige pas une obéissance inconditionnelle mais une obéissance réfléchie qui tient compte notamment des conséquences de l’exécution des ordres donnés, et cela eu égard précisément aux limites fixées par le droit en vigueur et en application des limites éthiques dictées par sa conscience.
3. La Loi fondamentale aussi bien que la Loi sur le service national fixent des limites juridiques à l’obéissance. […] Un soldat n’est pas contraint d’exécuter un ordre jugé inacceptable s’il peut invoquer le droit fondamental à la liberté de conscience (Art. 4-1 de la Constitution). […] »
Considérant l’arrêt sus-mentionné ainsi que le serment d’obéissance à la Constitution que j’ai prêté, j’avais précisé, dans ma déclaration de service du 1er mai 2006, que « ma conscience m’interdit d’exécuter des ordres qui constituent une violation du droit international et du droit allemand (…) et que, par conséquent, je ne participerai et n’apporterai mon soutien en particulier aux interventions internationales de la Bundeswehr, même dans le cadre des troupes internationales de l’OTAN ou de l’UE (notamment les Response Forces de l’OTAN, le Battle Group de l’UE et l’Eurocorps) que si celles-ci sont pleinement conformes au droit international et à la loi allemande. » Cette déclaration a été versée à mon dossier militaire sans susciter d’objections.
[…]
L’intervention des Tornados en Afghanistan implique nécessairement la participation de l’Allemagne à des opérations militaires contraires au droit international et non couvertes par le Traité de l’Atlantique Nord. En effet,
Les résultats des reconnaissances faites par les Tornados sont transmis au haut-commandement américain et malgré les restrictions du plan opérationnel de la FIAS, il n’est pas garanti que ces résultats ne seront pas utilisés à d’autres fins qu’à celles prévues par l’Opération Liberté immuable (OLI).
Les opérations militaires menées par les Etats-Unis dans le cadre de l’OLI sont contraires au droit international à plusieurs égards :
• Elles ne peuvent plus être justifiées par la légitime défense et ne reposent pas sur un mandat du Conseil de sécurité.
• Elles outrepassent même, en particulier par leurs effets sur la population civile, les compétences du gouvernement Karzai.
• Vu les « dommages collatéraux » dont la population civile est la victime, elles ne sont pas compatibles avec les règles du droit international relatives à la protection de la population.
• En ce qui concerne le traitement des prisonniers, elle viole les règles fondamentales du droit humanitaire.
En décidant d’envoyer des Tornados en Afghanistan, notre gouvernement fédéral participe activement à un engagement militaire incompatible avec les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies et avec l’art. 1 du Traité de l’Atlantique Nord.
[…]
De plus, en contribuant à une opération de la Bundeswehr contre laquelle il existe de graves réserves au regard de la Constitution, du droit international et du droit pénal national et international, je risquerais fort d’agir à l’encontre du serment que j’ai prêté autrefois et qui exige notamment que je « défende courageusement le droit […] du peuple allemand », et non pas que je le foule aux pieds. Il est évident que le droit international et la Constitution comptent parmi les textes juridiques capitaux du peuple allemand. »
CAPJPO-EuroPalestine