Le gouvernement israélien essaie de se débarrasser une fois de plus du député Azmi Bishara, un des seuls représentants à la Knesset des « Palestiniens de 48 » au sein d’Israel. Le fait qu’il puisse remttre en cause le caractère inégalitaire de l’Etat d’Israël qui n’accorde pas le même traitement à ses citoyens juifs et aux autres, est considéré comme une atteinte à la sécurité d’Israël. Ci-dessous un article d’Ali Abunimah (traduit par Carole Sandrel) qui souligne la nécessité de se mobiliser contre les dangers actuellement encourus par Azmi Bishara et l’ensemble des israéliens d’origine palestinienne vivant en Israël.
La persécution d’Azmi Bishara et sa signification pour la Palestine
par Ali Abunimah
L’état d’Israël et le mouvement sioniste ont entamé une nouvelle agression dans le combat centenaire qu’ils mènent pour débarrasser la Palestine de sa population indigène et transformer cette terre en une enclave supérieurement juive : la persécution d’Azmi Bishara, l’un des leaders et des penseurs palestiniens les plus importants agissant de nos jours. Ce cas est particulièrement significatif pour le mouvement de solidarité palestinien.
Bishara est un citoyen palestinien d’Israël, un sur plus d’un million (de palestiniens vivant à l’intérieur de l’état juif, lesquels sont des survivants ou des descendants du nettoyage ethnique pratiqué par les sionistes pour obliger les Palestiniens à partir en 47-48.
Elu à la Knesset en 1996, Bishara est le fondateur de l’Assemblée Nationale Démocratique, un parti qui réclame qu’Israël au lieu d’être une ethnocratie sectaire se transforme en un Etat démocratique pour tous ses citoyens.
Dimanche, Bishara est apparu à la télévision d’Al-Jazeera, après des semaines de spéculations médiatiques selon lesquelles il était parti en exil et démissionnait de la Knesset. Il a révélé qu’en fait il était l’objet d’une enquête au plus haut niveau de la part des services de sécurité de l’Etat d’Israël qui apparemment se préparent à lancer de graves poursuites contre lui liées à la « sécurité ». La censure, dans l’Israël « démocratique », a fait que jusqu’à ces derniers jours les journaux israéliens avaient interdiction d’aborder ne fut-ce que l’existence de ces poursuites. Ils ont toujours interdiction d’écrire quoi que ce soit d’essentiel sur l’enquête, et Ha’aretz a admis, qu’en raison de la censure officielle, il ne pouvait même pas reproduire tout ce que Bishara avait dit à deux millions de téléspectateurs.
Bishara lui-même est resté vague sur ces allégations. Si même il en connaît tous les détails, il risque de se mettre en très grand danger s’il en parle. Il a déclaré qu’il réfléchissait toujours à ses choix, y compris à quel moment retourner en Israël. Comme on le questionnait sur le bien-fondé de passer des années à prouver son innocence quant à des choses qu’il ne considère pas comme illégales, par exemple maintenir des contacts importants avec le monde arabe dont il a le sentiment de faire partie, il a indiqué de façon poignante qu’il n’avait plus le choix qu’entre la prison, l’exil ou le martyr. Ce sont d’évidence les seuls choix qu’Israël ait jamais laissés aux Palestiniens qui refusent de se soumettre aux règles racistes du sionisme.
Il a été clair sur le fait qu’il est la cible d’une campagne coordonnée au plus haut niveau d’Israël pour le détruire politiquement, lui et son mouvement.
Ceci est indiscutable, et cela ne date pas d’aujourd’hui. En 2001, le ministre de la justice israélien Elyakim Rubinstein a accusé Bishara de « mettre l’Etat en danger » en raison des commentaires qu’il avait faits au cours d’une visite en Syrie, et la Knesset avait voté pour la première fois de son histoire la levée de l’immunité de l’un de ses membres, pour que Bishara puisse être poursuivi. En 2003, le Comité central pour les élections israéliennes, a tenté de disqualifier Bishara et son parti pour les écarter des élections nationales, au motif que ce parti n’adhérait pas au dogme selon lequel Israël doit rester un « Etat juif ». Selon la loi israélienne tous les partis doivent épouser le dogme selon lequel Israël doit toujours garantir aux juifs des droits spéciaux et meilleurs, ce qui indique que les partis vraiment démocratiques sont toujours en train de flirter avec l’illégalité. Cette décision avait été finalement cassée par les tribunaux. (A noter que cette attaque était soutenue par l’ancien ministre de la justice Rubinstein, maintenant Juge Suprême auprès de la Cour).
Ces persécutions contre les Palestiniens d’Israël sont la norme depuis la fondation de l’Etat. Jusqu’en 1966, ils vivaient sous un « gouvernement militaire », une forme d’occupation militaire intérieure similaire à ce dont les Palestiniens ont l’habitude en Cisjordanie et à Gaza de nos jours. Les lois et la politique qui continuent à dénier leurs droits fondamentaux – Droits de l’homme – sont parfaitement décrits dans le livre récent « Blood and Religion: Unmasking the Jewish and Democratic State » (Sang et religion – Démasquer l’état Juif et démocratique) de Jonathan Cook. Au cours des dernières années, des sondages d’opinion montrent qu’une majorité des juifs d’Israël soutiennent systématiquement les stratégies de leur gouvernement visant à obliger les citoyens palestiniens à quitter le pays. (Au cours des dernières semaines, l’ancien premier ministre israélien et actuel leader du Likoud, Benjamin Netanyahu, a déclaré qu’il vaudrait mieux que Bishara ne revienne jamais).
Bishara voit la dernière tactique d’Israël comme le signal d’un changement dans les « règles du jeu ». Si lui, un responsable élu, personnage public bien connu, doit affronter de telles méthodes, à quoi le reste de la communauté doit-il s’attendre ? Evidemment la récente publication par des personnalités palestiniennes d’un rapport appelant à des réformes modérées de l’Etat israélien a poussé la police secrète d’Israël, le Shin Bet (qui pratique la torture et utilise des escadrons de la mort dans les territoires occupés), à avertir qu’il « casserait les activités de tous les groupes qui chercheraient à transformer le caractère juif ou démocratique d’Israël, même s’ils le font par des moyens démocratiques ».
(«Des leaders arabes lancent une campagne radio de relations publiques contre le Shin Bet » – Ha’aretz, le 6 avril 2007).
Il y a un précédent à ce type de remise en cause pas seulement contre les Palestiniens, mais aussi contre les juifs Mizrahi (originaires du Moyen Orient) d’Israël dont les tentatives pour s’organiser contre la discrimination pratiquée contre eux par les Askénazes (originaires d’Europe), ont été torpillées par le Shin Bet. (cf le livre de Joseph Massad « The Persistence of the Palestinian Question » Persistance de la question palestinienne)
Les militants de la solidarité palestinienne doivent comprendre et agir en fonction du signal qu’Israël leur envoie en persécutant Bishara. Depuis des années le principal mouvement palestinien et ses amis ont la tête bourrée du slogans « Stop à l’occupation ». Cette vision, si elle l’a jamais été, n’est plus assez large. Nous devons reconnaître que la guerre d’Israël contre les Palestiniens ne fait aucune différence entre les Palestiniens, épargnant certains et condamnant les autres. Simplement cela prend des formes différentes, selon le lieu où vivent les Palestiniens. Ceux qui habitent Jérusalem Est, la Cisjordanie et Gaza vivent sous une forme extrême de tyrannie militaire appelée « apartheid » quoiqu’il devienne plus en plus clair que c’est même pire. Les Palestiniens à l’intérieur des frontières israéliennes de 1948 vivent dans un système de lois, de politique et de pratiques qui les exclut politiquement et les oppresse économiquement et socialement. Des millions de Palestiniens hors du pays sont victimes de lois racistes qui leur interdisent de revenir (sur leur terre) pour l’unique raison qu’ils ne sont pas juifs.
En pratique cela signifie que le mouvement de solidarité palestinienne a besoin de se fabriquer un nouveau message qui rompt avec les rêves perdus d’une séparation hermétique dans des états nationalistes. Cela signifie que nous devons nous focaliser sur la lutte contre le colonialisme et le racisme sous toutes leurs formes, qu’Israël pratique contre ceux qui subissent l’occupation, ceux de l’intérieur, et ceux qui sont en exil. Nous devons nous informer de ce qui se passe dans toute la Palestine, et pas seulement en Cisjordanie et à Gaza. Nous devons être prêts à agir, solidairement avec Azmi Bishara et avec tous les Palestiniens à l’intérieur des frontières de 1948 qui depuis trop longtemps sont marginalisés et abandonnés par le courant dominant de la politique palestinienne.
Le soutien à l’appel de la société civile palestinienne pour le boycott, au désinvestissement (économique) et aux sanctions est particulièrement urgent (voir : http://www.pacbi.org/).
En pratique nous devons commencer à construire une vision de la vie après l’apartheid israélien, une vie qui permette aux Israéliens et aux Palestiniens de vivre à égalité en se partageant tout le pays. Si Gerry Adams du Sinn Fein et la ligne dure du leader unioniste de l’Irlande du nord, Ian Paisley, peuvent s’asseoir pour former ensemble un gouvernement comme ils le font, et si Nelson Mandela et le Party national de l’apartheid ont pu faire de même, il n’y a rien d’impossible au royaume des possibilités en Palestine, si nous l’imaginons et travaillons pour.
Azmi Bishara est le seul leader palestinien d’envergure internationale qui exprime une vision et une stratégie qui convienne à tous les Palestiniens et puisse effectivement défier le sionisme. C’est pourquoi il craint pour sa vie, sa sécurité et son futur, tandis que le « président » Mahmoud Abbas, à Ramallah, reçoit de l’argent et des armes des Etats-Unis, et du thé et des petits fours d’Ehoud Olmert.
Ali Aunimah est le co fondateur d’Electronic Intifada et l’auteur de « One Country of One Country: A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse (Metropolitan Books, 2006) (« Un pays : une proposition courageuse pour en finir avec l’impasse israélo-palestinienne)
On trouve sur son site :
http://electronicintifada.net/v2/article6798.shtml
Electroni Intifada – 16 avril 2007-04-18
un appel à signer une pétition lancée par un large groupe d’intellectuel, de centres culturels, d’universitaires, , d’ONG, en réponse à l’attaque contre Azmi Bishara.
(Traduit par Carole SANDREL)
CAPJPO-EuroPalestine