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« Quelque chose de pourri au Royaume de David », par Julien LACASSAGNE

Un scandale israélien en efface un autre. L’affaire Winograd, qui met en cause la gestion de la guerre du Liban par Ehoud Olmert, fait couler beaucoup d’encre, sans que qui que ce soit ne pose les problèmes de fond. Ci-dessous, une analyse que nous fait parvenir Julien Lacassagne.


« Quelque chose de pourri au Royaume de David »

« Depuis plusieurs semaines, les échos de l’actualité israélienne rapportent l’éventualité de la démission du premier ministre Ehoud Olmert. L’affaire a débuté avec la publication des conclusions du rapport préliminaire de la commission d’enquête portant sur l’offensive israélienne contre le Liban.

En réalité, elle a même commencé avant, avec les accusations de corruption contre Olmert, accusations fort justes d’ailleurs et qui s’ajoutent à une longue série, ou plutôt à une longue « batterie », de casseroles qui encombrent la démarche de bon nombre de dirigeants israéliens, à commencer par le président actuel, Moshé Katzav.

La commission d’enquête présidée par le magistrat Eliahou Winograd, et mise en place à l’automne 2006 par Ehoud Olmert lui-même, a rendu public son rapport préliminaire (la totalité du rapport sera publiée cet été), dans lequel elle évoque les « ratés » de l’offensive de juillet 2006 contre le Liban. Elle y accuse d' »impréparation » Ehoud Olmert, mais aussi le ministre de la défense et ex-dirigeant du syndicat Histadrout Amir Peretz, ainsi que l’ancien chef d’état-major Dan Haloutz.

Le pré-rapport Winograd reproche en particulier à Olmert une préparation insuffisante de l’incursion au Liban, ce qui aurait amené à un échec puisque l’objectif de guerre qui avait été annoncé, à savoir la libération de deux soldats israéliens détenus par le Hezbollah, n’a pas été atteint.

Il est pourtant évident que les deux otages israéliens au Liban n’ont servi que de prétexte à l’intervention israélienne.

En outre, contrairement à ce qu’en dit le rapport Winograd, il est difficile parler de « ratés ». Si un peu plus d’une centaine de soldats de Tsahal ont été tués, il ne faut pas oublier qu’Israêl a tout de même réussi à semer la mort et le chaos, avec plusieurs milliers de morts et de victimes libanais, sans compter les destructions qui ont laissé le Liban exangue. Là encore, le gouvernement Olmert a, malheureusement, et comme lors de ses offensives contre Gaza et la Cisjordanie, atteint une bonne partie des objectifs qu’il s’était fixés.

Il ne fait pas de doute qu’Israël a en partie agi pour son propre compte au Liban, avec la volonté de faire reculer les positions du Hezbollah au-delà du fleuve Litani, cet objectif a d’ailleurs été atteint. Mais, il ne fait pas de doute non plus qu’Israël a agi en concertation avec les Etats-Unis, et même pour le compte de l’impérialisme américain dans la région, pour qui le front libanais devait ouvrir, selon l’expression de George W. Bush un « troisième front dans la guerre contre le terrorisme », après l’Afghanistan et l’Irak, de manière à faire pression sur l’Etat syrien, ceci dans un contexte où l’occupation de l’Irak par les troupes américaines tourne au chaos sanglant.

Dans les accusations portées contre Olmert, la question de la libération des otages israéliens sert à nouveau de prétexte, cette fois-ci au service d’un règlement de compte interne au parti Kadima, et au sein du pouvoir israélien. Les attaques contre Olmert servent effectivement les ambitions de l’actuel ministre des affaires étrangères, Tzipi Livni, qui convoite à la fois la direction de Kadima et le poste de premier ministre. Le pré-rapport de la commission Winograd prend d’ailleurs soin d’épargner complètement Tzipi Livni, lors même qu’elle était membre du gouvernement Olmert pendant l’été 2006.

Olmert semble trop sensible à la prise en compte des intérêts américains au Moyen-Orient. En effet, si les intérêts israéliens et américains se rejoignent parfois, ce n’est pas mécaniquement, ni nécessairement le cas toujours et en tout lieu. Une partie des dirigeants israéliens peut dès lors être amenée à considérer que l’intervention israélienne au Liban a davantage servi les Etats-Unis que directement Israël.

Par ailleurs, toujours dans la même logique, Olmert a ouvert, ou fait semblant d’ouvrir, trop rapidement les portes aux propositions du sommet de Riyad mentionnant les frontières de 1967 et le « droit au retour », même si ce n’est que de manière formelle. Ces propositions, formulées par la Ligue Arabe avec l’assentiment des Etats-Unis, ne satisfont pas une partie de la classe dirigeante israélienne, civile et militaire.

Enfin, il ne faut pas négliger qu’Israël prépare à nouveau, semble-t-il, une nouvelle offensive, peut-être l’été prochain, et que l’armée estime que le gouvernement Olmert actuel n’est plus à même de la mener.

Il est encore trop tôt pour conclure à une démission prochaine d’Olmert, et à la constitution d’un nouveau gouvernement israélien, mais ce contexte en dit long sur l’état de guerre permanent dans lequel se trouve l’Etat d’Israël, et sur la menace qu’il représente pour le Moyen-Orient. »

Julien Lacassagne

CAPJPO-EuroPalestine