Qu’ils soient de droite au de gauche, les politiciens israéliens ont besoin d’isoler la Bande de Gaza pour parvenir à leurs fins, même s’ils divergent sur la tactique, explique Meron Benvenisti dans Haaretz.
« Un point de non retour à Gaza
« L’attitude des Israéliens à l’égard d’une « accalmie » dans la Bande de Gaza reproduit l’habituelle répartition entre droite et gauche. Entre ceux qui appuient une démarche brutale qui briserait le gouvernement Hamas à Gaza et mettrait un terme aux tirs de roquettes Qassam, et ceux qui croient à une rencontre des intérêts d’Israël et du Hamas, par la médiation de l’Egypte.
Un des facteurs qui retardent l’aboutissement à un accord est la difficulté d’Israël à accepter le fait que le Hamas confirme son contrôle sur la Bande de Gaza, conduit une force militaire défiant l’armée israélienne et crée l’impression que c’est Israël qui a besoin d’un cessez-le-feu et non pas les Palestiniens. La volonté d’Israël d’aboutir à un accord est dès lors perçue comme une faiblesse et les opposants à des négociations sont présentés comme « doublant le gouvernement par la droite ». Le débat se déroule dans le contexte immédiat – qui tire profit d’un cessez-le-feu (considéré comme une situation provisoire) : le Hamas, qui accroîtra la portée de ses roquettes, ou Israël, qui réussira à développer un système de défense contre celles-ci ? A l’arrière-plan flotte la crainte qu’un cessez-le-feu, fût-il non officiel, ne confère au Hamas une légitimité et ne sabote par là l’intérêt d’Israël à anéantir le contrôle du Hamas sur Gaza et à ce que l’Autorité Palestinienne reprenne le contrôle de la Bande de Gaza.
La lutte contre le Hamas unit la majorité des Israéliens et les instances internationales qui collaborent au blocus de la Bande de Gaza. Mais il convient de l’examiner dans un contexte à long terme et de l’intégrer dans le processus historique qui se déroule actuellement. Un tel examen montrerait que, paradoxalement, la droite qui aspire à l’anéantissement du Hamas, est justement celle qui a besoin de soutenir un cessez-le-feu et la consolidation du pouvoir du Hamas dans la Bande de Gaza ; alors que la gauche, qui soutient l’idée d’un seul Etat sous l’autorité du Fatah, a besoin de s’opposer à la consolidation, à Gaza, d’un système gouvernemental séparé.
Un cessez-le-feu, doublé d’un arrangement sur les points de passage, en particulier l’ouverture du passage de Rafah, renforcerait le pouvoir du Hamas. A Gaza seraient établies des institutions qui s’enracineraient, se ramifieraient et s’écarteraient du système opérant en Cisjordanie. Il semble qu’un cessez-le-feu, même fragile, marquerait le point de non retour dans la séparation de la communauté palestinienne de Gaza en une autorité distincte.
Il y a moyen de prétendre que l’essentiel de la lutte se porte contre le Hamas qui aspire à la destruction d’Israël. On peut aussi accuser Israël qui, par sa politique opiniâtre, a entraîné la séparation de la Bande de Gaza et sa prise de contrôle par le Hamas. On peut, dans la même mesure, affirmer que la coupure entre Gaza et la Cisjordanie est structurelle et que les habitants de Cisjordanie ont toujours craint d’être submergés par les habitants de Gaza et que c’est la raison pour laquelle ils n’ont pas protesté trop haut ni trop fort contre la non mise en application des accords sur le passage sécurisé [entre Gaza et la Cisjordanie – ndt].
Que l’on attribue à Israël une sophistication stratégique ayant porté ses fruits, ou que l’on attribue ce résultat à une coïncidence, il est clair que cette nouvelle scission du peuple palestinien sert les intérêts à long terme d’Israël.
L’isolement d’un million et demi de Gazaouis rend possible un contrôle indirect, de l’extérieur. Après une longue période de blocus et de violence, un changement est susceptible de se produire vers une politique de non interférence (voire de soutien indirect) dans le développement économique, comme un moyen de détourner de la violence des ressources humaines vers des canaux constructifs. L’accès au monde extérieur, par terre et par mer, ainsi qu’un gouvernement efficace et non corrompu sont susceptibles de faire de cette bande de terre l’Etat palestinien.
Le second canton palestinien qui ne cesse de se réduire du fait de l’expansion des colonies (où vivent quelque deux millions de personnes), est considéré aujourd’hui comme le cœur du peuple palestinien. Mais il se transforme à toute allure en une région annexée de fait à Israël, et des processus politiques s’y déroulent, semblables à ceux par lesquels sont passés les Arabes d’Israël depuis 1948. Des processus qui se révéleront au moment où l’Autorité Palestinienne se consumera d’elle-même, une fois que le cessez-le-feu à Gaza lui aura infligé un coup mortel.
Tel est le système du diviser pour régner qui donnera à Israël la possibilité d’un contrôle à long terme. Sa clé de voûte est l’isolement de la Bande de Gaza. C’est par ce prisme qu’il convient d’examiner « l’accalmie » à Gaza ; et on verra alors qui déborde qui – par la droite ou par la gauche. »
Par Meron Benvenisti
www.haaretz.co.il/hasite/spages/988098.html
Version anglaise : A lull of no return – www.haaretz.com/hasen/spages/988185.html
(Traduction de l’hébreu : Michel Ghys)
CAPJPO-EuroPalestine