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« Israël maquille la tolérance et l’expose au musée », par Jonathan Cook

Jonathan Cook* analyse la dernière trouvaille d’Israël pour balayer l’héritage culturel palestinien qu’il a usurpé, à savoir l’accord de la Cour Suprême d’Israël à la construction d’un « Musée juif de la Tolérance » sur un cimetière musulman ancien de Jérusalem.


« Le site du Musée anéantit un ancien cimetière musulman

« Israël n’a pas trop de temps pour ironiser sur ce projet d’un lieu moderne de pèlerinage juif, consacré à la « coexistence et à la tolérance » et qui se construit au-dessus des tombes d’une ville qui fut celle des ancêtres musulmans.

L’approbation donnée, la semaine dernière, par la Cour Suprême d’Israël au projet de construction d’un Musée Juif de la Tolérance sur un ancien cimetière musulman de Jérusalem, est la plus récente des agressions légales et physiques contre les lieux islamiques sacrés depuis la fondation d’Israël en 1948.

Ce verdict a mis fin à une lutte de 4 ans de la part des autorités islamiques de l’intérieur d’Israël pour arrêter cet aménagement, sur l’emplacement du cimetière de Mamilla situé à l’ombre des murs de la vieille ville de Jérusalem, tout près de la Porte de Jaffa.

Après ce jugement, le mufti de Jérusalem, Sheikh Mohammed Hussein, a parlé de la construction de ce musée comme d »un acte d’agression contre les musulmans »

La fureur tant des palestiniens religieux que des laïcs palestiniens a apparemment rendu perplexes la plupart des observateurs israéliens.

Le rabbin Marvin Hier, à l’origine du projet, a repoussé les objections, la semaine dernière, au motif que c’était « une couverture de la part des fondamentalistes islamiques pour s’emparer de la terre, eux qui coopèrent avec le Hamas. Sa vision – les inquiétudes des musulmans sont en réalité une attaque contre la souveraineté de l’état juif – est partagée par beaucoup.

Ces sentiments ont confirmé à la plupart des Palestiniens le degré atteint par les autorités israéliennes pour prendre des décisions au mépris de leurs droits religieux et nationaux.

Bien que les leaders musulmans aient manifesté leur opposition depuis des années, d’autant que le Musée de la Tolérance doit procéder à l’exhumation des tombes, ils ont été ignorés jusqu’au printemps 2006, où on a rapporté que des douzaines de squelettes avaient été déterrés au cours d’excavations précédentes.

Les medias locaux ont révélé aussi à cette époque que des archéologues de l’Etat avaient secrètement tenté de déplacer les squelettes sans en avertir les autorités musulmanes, comme ils l’auraient dû, et que beaucoup de ces squelettes avaient été détériorés pendant l’opération.

Quand plusieurs mois d’arbitrage entre les promoteurs et les responsables musulmans se sont révélés stériles, les tribunaux sont intervenus.

Apparemment, la force agissante derrière le musée, qui va coûter 250 millions de dollars, c’est le centre Simon Wiesenthal, organisation juive privée pour les droits de l’homme qui a son siège à Los Angeles. Mais ce projet est aussi vigoureusement poussé en avant par les responsables israéliens du gouvernement, de la municipalité de Jérusalem et de l’administration des Terres.

Pendant de nombreuses années leur priorité a été de brouiller toute trace d’une présence musulmane dans la partie Ouest de Jérusalem – comme d’ailleurs dans bien d’autres régions d’Israël – antérieurement à la fondation de l’état d’Israël.

L’affaire du cimetière de Mamilla, dont on dit qu’il contient les sites funéraires des compagnons du prophète Mahomet, contraste violemment avec un autre cimetière ancien à proximité du Mont des Oliviers.

Depuis l’occupation illégale de Jérusalem par Israël au cours de la guerre de 1967, le cimetière juif du Mont des Oliviers est soigneusement entretenu et agrandi en tant que « site de l’héritage ».

A l’opposé, le cimetière de Mamilla, qui se situe précisément à l’intérieur de Jérusalem Ouest et dont l’armée israélienne s’est emparée au cours de la guerre de 1948, a été immédiatement soustrait au contrôle musulman. Classé au titre de propriété de réfugié, il est passé sous l’autorité d’un nouveau responsable israélien dénommé conservateur de la propriété des absents.

C’est loin d’être un incident isolé. Avant la création d’Israël, au moins un dixième de tout le territoire de Terre Sainte était administré en tant que bien islamique, qu’on appelle waqf, transmis par les musulmans dans un but religieux et charitable.

Après 1948, pourtant, Israël s’est emparé de la propriété du waqf – en plus de la privatisation de terre appartenant aux réfugiés – et l’a transférée au conservateur.

Sous la pression du gouvernement dans les années 50, le conservateur a transféré la plupart des terres inexploitées, terres arables en particulier, à un organisme géré par l’état, connu sous la dénomination d’Autorité pour le Développement, qui a été chargé de l’utiliser dans « l’intérêt public ». Ce qui normalement veut dire utiliser les profits provenant de la terre au bénéfice du public juif.

D’autres propriétés wafq – essentiellement terre sur laquelle il y avait des lieux saints à commencer par des mosquées et des cimetières – étaient administrées par des sociétés islamiques spéciales installées par l’Etat.

C’est ce qu’utilisent aujourd’hui comme principale défense les responsables israéliens pour justifier l’installation de ce Musée. Ils disent qu’une entreprise islamique a désacralisé le cimetière de Mamilla en 1964, et du coup libéré la terre pour le développement.

Ce qu’ils ont échoué à démontrer, pourtant, c’est que les entreprises islamiques n’ont pas de légitimité auprès des musulmans palestiniens d’Israël – presque un cinquième de la population totale du pays – sans parler des Palestiniens des territoires occupés.

Les employés islamiques des trusts sont largement considérés comme des corrompus, payés par l’Etat pour leur capacité à faire ce que leur demande le gouvernement davantage que pour leur réputation ou leur qualification islamique.

Leur réputation, ils l’ont gagnée en tamponnant un grand nombre de transactions concernant la propriété du Wafq sur laquelle lorgne l’Etat. L’une des plus connues a eu lieu dans les années 60 quand les responsables musulmans ont approuvé la vente du grand cimetière Abdul Nabi, dans ce qui est la Tel Aviv d’aujourd’hui, pour la construction d’un hôtel et de plusieurs ensembles juifs d’habitation.

Ces coups de force contre la terre du wafq ont fait naître un mécontentement latent au sein de la minorité palestinienne d’Israël.

L’an dernier les Palestiniens de la ville historique de Jaffa, devenue maintenant guere plus qu’une banlieue de Tel Aviv, ont voulu remettre en cause le rôle des sociétés islamiques en saisissant les tribunaux, afin de rendre le contrôle de la propriété wafq aux vrais représentants des Musulmans.

Mais le gouvernement a refusé de divulguer quelle propriété du wafq il y avait à Jaffa, au motif que « l’information demandée serait dangereuse pour les relations étrangères d’Israël ». Comprendre : les dégâts qui en résulteraient pour l’image d’Israël à l’étranger si on révélait l’usage qui a été fait de la propriété du wafq.

En fait les lieux saints vont un peu mieux, la plupart étant maintenant inaccessibles même aux citoyens palestiniens d’Israël.

Certains lieux saints comme l’ancienne mosquée de Hittin, vieille de 900 ans, construite par Saladin dans la région de Galilée, ont été murés et sont tombés en poussière. D’autres sont utilisés par des communautés juives rurales pour abriter les animaux. Et un plus grand nombre encore ont été convertis en discothèques, bars et boîtes de nuit, y compris la mosquée de Dahir al Umar –maintenant devenue le restaurant Dona Rosa – dans l’ancien village palestinien d’Ayn Hawd.

Les mêmes pratiques contestables ont eu cours pour le cimetière de Mamilla. A partir des années 50, durant une période où le gouvernement militaire avait imposé des restrictions sévères à tous les Palestiniens vivant à l’intérieur d’Israël, les tombes et les tombeaux appartenant aux plus fameuses familles de Jérusalem ont commencé à se délabrer. Une partie des terres a été transformée en parking.

Après la guerre de 1967, comme Meron Benevisti, l’ancien député maire de Jérusalem, l’a souligné, les autorités musulmanes ont fait pression pour être habilitées à entretenir les tombes, mais se sont vu refuser l’autorisation.

En lieu et place, en 1992 la conservation a transféré le site à la municipalité de Jérusalem, qui a utilisé la terre pour installer un « Parc de l’Indépendance », baptisé du nom du jour de la victoire d’Israël en 1948. Et quelques années plus tard la municipalité à transféré une parcelle de cette terre au Centre Wiesenthal pour son Musée de la Tolérance.

Comme M. Benevenisti le souligne, au fil des ans nombre de sites islamiques de Jérusalem ont été « transformés en dépôts d’ordures, en emplacements pour parking, en routes et en sites à construire ».

Ce qui fait du dernier combat pour le cimetière de Mamilla un combat différent des autres, c’est qu’au cours des dix dernières années une nouvelle génération de leaders musulmans a émergé en Israël pour faire oublier les trusts islamiques. Et en particulier le combat pour le sort des lieux saints est repris par le leader du Mouvement Islamique d’Israël, Sheikh Raed Salah.

La semaine dernière il a lancé un avertissement : « Nous mobiliserons le monde arabe et musulman pour qu’il fasse pression pour arrêter le projet ».

La tolérance, après tout, a des limites.

*Jonathan Cook est écrivain et journaliste installé à Nazareth. Ses derniers livres sont « Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the Plan to remarke the Middle East » (Pluto Press) and « Disappearihng Palestine : Israel’s Experiment in Human Despair » (Zed Books. Son site : www.jkcook.net.

Cet article est paru dans The National, publié à Abu Dhabi

(Traduit par Carole SANDREL)

CAPJPO-EuroPalestine