Le démantèlement des implantations », comme ils appellent les colonies toujours plus nombreuses sur les territoires palestiniens, est un cinéma qui dure depuis des années, mais qui ne trompe que les hypocrites à la tête des différents gouvernements occidentaux. L’article d’Nehemia Shtrasler, publié ce jour par le quotidien Haaretz, énonce clairement les faits.
« L’évacuation qui n’en finit pas.
Maoz Esther est une implantation extrêmement adaptable. Elle fait en effet partie d’un accord non écrit entre les colons et le gouvernement. A chaque fois que les Américains exercent une pression, la police reçoit des ordres, commence à déplacer les équipements et des centaines de policiers évacuent le minuscule avant-poste. Au péril de leur vie, ils démantèlent quatre baraques de tôle, deux tentes et une construction de bois qui contient des toilettes et des douches.
Le lendemain matin, les colons retournent sur le site, reconstruisent les baraques de tôle et remontent les tentes. Le conseil local rétablit l’électricité et l’approvisionnement en eau et enlève leurs ordures (bien qu’il s’agisse d’une implantation illégale).
Et les colons attendent tranquillement jusqu’à l’évacuation suivante. Ce qui s’est produit quatre fois à Maoz Esther, de sorte que personne n’y prête plus vraiment attention. Chaque partie joue son rôle dans la pièce, afin de jeter de la poudre aux yeux des Américains et de détourner leur attention de l’entreprise de construction en cours à travers toute la Cisjordanie.
Dès avril 2003, alors que la Feuille de Route était présentée, le gouvernement israélien s’est engagé au démantèlement de 22 implantations illégales. Dans le même temps, des douzaines d’implantations additionnelles ont été établies, avec la connivence du gouvernement, parce que nous savons duper le monde entier – et d’abord nous-mêmes.
Lors de la réunion de Cabinet de cette semaine, Benjamin Netanyahu a déclaré que « nous ne lancerons pas de nouvelles implantations ». Mais, dans le même souffle, il a ajouté qu’ « il n’est pas convenable de ne pas apporter de solution à la croissance naturelle ». Ce qui se fait de mieux en matière de bluff israélien. Chaque communauté dans les territoires occupe une colline proche ou des terres agricoles palestiniennes, y construit des routes, y édifie des maisons et appelle cela « croissance naturelle ».
Ce n’est pas, disent-ils, une implantation nouvelle, c’est un nouveau quartier. Même les nouveaux immigrants qui s’y installent sont considérés comme « croissance naturelle ».
Les colons ont un but – créer sur le terrain des situations de fait qui rendront toute solution territoriale impossible. Pas d’Etat palestinien, pas même un assemblage de cantons.
Ils s’y emploient de deux manières. Ils ne cessent de s’étendre, construisant de grosses agglomérations comme Ariel et Ma’aleh Adunim qui s’enfoncent profondément dans le territoire palestinien. Et ils s’efforcent de faire passer l’évacuation de Gush Katif (Gaza) pour un traumatisme sans limites, avec un coût économique insupportable qui empêchera une évacuation plus consistante de la Cisjordanie.
Les partisans des colons à la Knesset ont récemment mis sur pied une commission nationale destinée à examiner la manière dont les colons de Gush Katif ont été évacués.
Le ministre qui les représente au gouvernement, Daniel Hershkowitz, du parti Habayit Hayehudi (*), a constitué sur ce sujet un comité ministériel spécial. Pour sûr, ils ont bénéficié d’un excellent traitement et de budgets gigantesques, mais qu’importe quand vous avez un programme politique clair ?
Ils ont présenté des demandes sans nombre, et plus ils ont reçu, plus démesurées ont été leurs demandes, de sorte qu’ils ont pu discréditer le gouvernement et intimider les politiciens. Le premier budget de leur évacuation s’élevait à 3,5 milliards de shekels, mais les pressions l’ont dilaté jusqu’à 7 milliards de shekels. Or, nous ne parlons que de 1 751 foyers. Ce qui signifie que l’allocation budgétaire pour l’évacuation de 25.000 familles en Cisjordanie serait de 100 milliards de shekels – un formidable fardeau qui peut servir de dissuasion.
Le ministre de la défense Ehud Barak a promis de démanteler « dès les prochaines semaines » les 22 implantations illégales. Ce qui va faire rire tous ceux qui l’écoutent. Il n’a même pas évacué une seule implantation quand il était ministre de la défense d’Olmert, alors qu’il avait pour ce faire le plein appui du premier ministre. Et il va maintenant évacuer des implantations sous le gouvernement de Netanyahu, qui est de fait en faveur de leur extension ?
Le Conseil Yesha (**) et les colons eux-mêmes, une minorité bruyante et agressive, ont commandé notre programme pendant les 40 dernières années. Ils imposent par la force leurs vues politiques à une majorité qui se soumet. La plupart des Israéliens sont en faveur d’une solution à deux Etats, mais la minorité a rendu une telle solution impossible. Ils projettent de combattre les plans gouvernementaux d’évacuation des implantations. Ils ont l’intention de bloquer les routes, d’installer deux implantations pour toute évacuation de l’une d’elles, de faire campagne contre le premier ministre et d’inciter Avigdor Lieberman d’Ysrael Beiteinu et le parti Shas à combattre le « gouvernement de l’éradication ».
Mais ils n’ont pas réellement besoin d’un si grand effort, parce que le démantèlement des implantations est une grosse farce – rien que pour leurrer les Américains. Il est toujours possible de continuer à évacuer
Maoz Esther.
Nehemia Shtrasler
HAARETZ, 26 mai 2009
(*) Parti israélien de droite, national, religieux et sioniste.
(**) Organisme-écran de conseils municipaux de communautés juives établies en Cisjordanie.
(Traduit de l’anglais par Anne-Marie PERRIN pour CAPJPO-EuroPalestine)
CAPJPO-EuroPalestine