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Interrogatoire et intimidation à son retour en Israël : Leehee raconte

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Leehee Rothschild* raconte l’interrogatoire auquel elle a eu le droit, à Londres, puis à Tel Aviv, pendant plusieurs heures, par les agents des services secrets israéliens.


« Je suis arrivée à l’aéroport de Luton pour prendre mon avion de retour vers Israël après avoir passé un mois au Royaume-Uni ainsi qu’en France et avoir participé à la semaine contre l’Apartheid israélien et à la Campagne BDS.

C’est pour cette raison, mais aussi pour mon militantisme de toujours, en faveur des droits palestiniens, que je suis devenue une personne « à haut risque » pour la sécurité d’Israël.

Mes problèmes ont commencé à la barrière de sécurité israélienne avant l’enregistrement. J’ai répondu correctement à toutes les questions : « Avez-vous fait vos bagages toute seule? » « Oui ». « Avez-vous toujours gardé votre valise avec vous? « Oui ». L’employé de la sécurité n’écoutait pas réellement; au lieu de cela il passait ses listes en revue. Un agent de la sécurité plus gradé fut demandé; on prit mon passeport. Cette personne paraissait fascinée par mes allées et venues à l’étranger et me posa des questions sur les noms ainsi que sur certains détails concernant des personnes que j’avais rencontrées. A toutes ces questions, je ne répondis pas.

On m’annonça que tous mes bagages devraient être inspectés, après quoi ils collèrent dessus des bandes jaunes ainsi que le chiffre 6, qui indique le plus haut degré de suspicion concernant la « sécurité » dans l’aéroport israélien.

Dans mon bagage à main je n’étais pas autorisée à prendre autre chose qu’un « porte-monnaie, un téléphone portable, un livre, une veste » le tout enfermé dans un sac en plastique. Finalement au bout de 45 minutes, je fus autorisée à partir, prenant seulement avec moi ce qu’on m’avait permis de prendre dans le caddy; j’avais déjà ma place attitrée. On m’ordonna de passer la barrière de sécurité et d’aller directement à la porte d’embarquement.

Là, on me fit passer dans une petite pièce. On prit le sac de plastique pour l’inspecter, puis on me demanda de me déshabiller derrière un rideau. Après quoi , ce qui me sembla durer des heures, je me mis à frissonner n’ayant sur moi que mes collants et ma chemise de dessous pendant qu’on scannait mes vêtements, du soutien-gorge au slip. Ensuite une autre femme me passa au scanner, du haut en bas, touchant les vêtements que je portais encore avec l’aide d’un morceau de gaze et prenant des échantillons pour « inspection chimique ». Comme je protestai, elle me dit que mes objections ne serviraient qu’à me faire manquer mon vol. Finalement on me remit mes vêtements, puis 20 minutes passèrent pendant qu’ils contactaient des gens de mon entourage par téléphone. On me conduisit vers l’avion cinq minutes avant le départ du vol.

Du côté israélien le manège continua. Le préposé aux passeports me prit le mien, demanda à une autre agent de la sécurité de me suivre à travers un tas de couloirs et escaliers puis elle enferma mon sac de plastique dans un petit placard, fouilla mes poches et me fit entrer dans une pièce contigüe pour « interrogatoire ».

Deux hommes et une femme y étaient assis. Les hommes déclinèrent leur identité: Shavit, « Directeur aux services de sécurité Intérieure pour l’extrême gauche et l’extrême droite », ainsi que Reschef. Ils ne présentèrent pas la femme. Ils la présentèrent sous le nom de Karin et expliquèrent qu’elle avait reçu l’ordre de rester silencieuse pendant tout l’interrogatoire.

Celui-ci dura trois heures. Ils me dirent qu' »ils voulaient simplement me connaître « . Ils déclarèrent qu’ils n’avaient rien à voir avec leurs supérieurs à Londres, que notre conversation n’était pas enregistrée et qu’ils étaient très malheureux que je puisse mettre en doute leurs intentions. Shavit m’expliqua qu’à cause de mes activités, qui étaient somme toute légitimes, ils avaient le devoir de m’avertir que certains des Palestiniens avec qui je militais pouvaient essayer de m’utiliser pour aider des gens ou des choses à passer en Israël, enfin des choses qui pouvaient même être des bombes, et que par conséquent ils voulaient m’informer du risque que je courais. Puis ils exprimèrent le désir de comprendre ce qui avait fait de moi une militante. Je leur répondis que je ne voulais pas parler avec eux. Ils ne semblaient pas y prêter attention.

La plupart du temps, je restais silencieuse. Silencieuse quand ils me demandaient où j’étais allée à l’étranger, les meetings où je m’étais rendue et les conférences que j’avais données. Silencieuse quand ils me demandaient si j’étais impliquée dans des projets internationaux comme la mission Bienvenue Palestine, la flottille de Gaza, la Marche Mondiale à Jérusalem. Silencieuse quand ils m’ont interrogée sur les réunions des Anarchistes contre le mur et quand ils ont offert leur « collaboration » pour obtenir des permis pour des manifestations ou bien pour transmettre des messages aux soldats en Cisjordanie avec des suggestions sur comment mieux gérer les manifestations.

Frustrés par mon manque total de coopération ils me posèrent des questions personnelles sur ma famille, mes études, mes relations avec mes camarades militants, mon appartement et mon apparence, leur attitude oscillant entre la camaraderie et l’insulte.

Reshef m’a dit que je ne ressemblais pas à une anarchiste quand ils se mit à fouiller mes vêtements, faisant des commentaires sur chacun d’entre eux. Shavit l’avertit qu’il s’agissait là de harcèlement sexuel, puis il a essayé de me persuader de prendre un café avec lui et d’avoir une conversation amicale. Je suis restée silencieuse encore, tout en tressant mes cheveux et en laissant passer le temps.

Ils m’ont menacée de me faire passer toute la nuit là. Ils m’ont fait comprendre que mon téléphone était sur écoute, qu’ils lisaient mes mails, et qu’il y avait des micros cachés dans mon appartement. Ils ont joué le bon flic, le mauvais flic, et l’un après l’autre ils quittèrent la pièce.

Au bout de quasiment trois heures, étant restée farouchement silencieuse, ils ont abandonné. Avant de me libérer, Shavit me conseilla encore une fois de ne pas me laisser utiliser par quiconque. Il me dit que pour le moment je n’étais pas hors la loi, mais qu’une fois que je le serais, il vaudrait mieux que je me souvienne que j’étais sous surveillance car ‘ils me considéraient comme un leader et pour cela me tenaient responsables de pousser d’autres personnes à commettre des actes illégaux. En suite il est sorti pour aller chercher un officier de la Sécurité ainsi que mon passeport. Vingt minutes encore s’écoulèrent avant que je sois finalement escortée à travers le contrôle des passeports et que je quitte l’aéroport.

Ils me recommandèrent de garder tout ça pour moi, ce qui m’a donné aussitôt l’envie de publier cette histoire. Cette conversation soi-disant amicale, tout comme le très peu amical raid policier dans ma maison il y a près d’ un an, sont sensés m’intimider et m’effrayer, moi et bien d’autres comme moi. Ils veulent que nous sachions que nous sommes surveillés, sur écoute et suivis. Ils essaient de nous soumettre par la peur et nous faire taire par la terreur. Ils ne réussiront pas. Trois heures d’interrogatoire ont été un petit prix à payer comparé aux souffrances de mes amis palestiniens, et je continuerai à élever ma voix pour la liberté et la justice, jusqu’à ce que le monde entier chante se mette à chanter.

Leehee Rothschild

*Leehee Rothschild milite pour la cause palestinienne depuis plus de 10 ans. Elle travaille actuellement avec les Anarchistes Contre le Mur et Boycott de l’Intérieur. Elle écrit sur le militantisme et la lutte politique dans son blog « Radically Blonde » (Radicalement Blonde) et dans d’autres publications.

CAPJPO-EuroPalestine

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