Ci-dessous un bilan illustré de la mission Bienvenue en Palestine, partie en Jordanie le 24 août dernier… et rentrée totalement enthousiaste, bien qu’ayant été à nouveau empêchée de pénétrer en Cisjordanie par l’occupant israélien ! Merci à tous les participants, merci à tous les Jordaniens qui nous ont accueillis avec une telle chaleur, merci à tous les militants qui nous ont apporté leur soutien. (Vidéo de cette mission en ligne sur notre site.)
Difficile de quitter la Jordanie pour la centaine de militants qui ont vécu des moments très forts aux côtés des Palestiniens de Jordanie depuis le 24 août dernier.
Aucun d’entre nous ne s’attendait en effet à un tel accueil. Nous savions que des millions de Palestiniens étaient établis en Jordanie, constituant la majorité de la population du pays, mais nous n’imaginions pas à quel point la Palestine était ancrée dans leur coeur et dans leurs préoccupations.
Six cents km de frontières avec la Palestine, quelque 400.000 Palestiniens à l’intérieur de sept camps de réfugiés, et plus de trois millions d’autres vivant au rythme des événements en Palestine, mais ne pouvant que très difficilement exprimer publiquement leur attachement à leur patrie et à leurs droits fondamentaux, dont celui de pouvoir retourner chez eux, contribuent certes à créer une situation très particulière dans tout le pays.
Mais jamais nous n’aurions pensé que notre initiative susciterait un tel enthousiasme dans toutes les couches de la population.
Les syndicats, les journalistes, les habitants des camps, mais aussi les commerçants et les gens de la rue — et même bon nombre de policiers– n’ont cessé de nous encourager et de nous féliciter.
A la télévision, dans les journaux et dans la rue, nous étions en permanence accueillis par des signes de victoire en forme de V et par « Marhaban bikoum fi Falestine ! », traduction arabe de « Bienvenue en Palestine », sur toutes les lèvres.
D’ordinaire contraints par le régime jordanien de taire leur attachement à la Palestine, au point qu’il est interdit de hisser le drapeau palestinien, la présence d’une centaine d’internationaux affichant « Free Palestine », ainsi que les couleurs de la Palestine, a amené un nombre impressionnant de Palestiniens à exprimer leurs sentiments et leurs revendications.
Les médias jordaniens, qui avaient suivi de près les missions précédentes, notre refoulement dans les aéroports, comme le traitement brutal et illégal de la police israélienne à l’égard de celles et ceux qui étaient parvenus jusqu’à l’aéroport de Tel Aviv, ont donné un très large écho à notre décision de répondre à l’invitation du gouverneur de Bethléem en passant par le Pont Allenby, lors d’une conférence de presse organisée par les responsables syndicaux à la Maison des Syndicats, le dimanche 26 août.
Et à notre grande surprise ces médias nous ont suivis en voiture jusqu’à la frontière, où ils ont été empêchés par les autorités jordaniennes de monter avec nous dans les cars qui font le transport jusqu’au check-point israélien.
En contact téléphonique permanent avec nous, ils ont néanmoins relaté comment notre 1er car était bien arrivé jusqu’au premier check-point israélien et avait été obligé de faire demi tour après quelques minutes utilisées par les Israéliens pour collecter tous les passeports des passagers, puis les rendre en vrac avec un tampon « Entry Denied » (entrée refusée) et donner l’ordre au chauffeur de faire demi tour.
Check-point israélien :
Premier car arrivé au check-point israélien :
Ils ont aussi rapporté que notre deuxième car avait été stoppé à quelques dizaines de mètres de ce barrage israélien, à la dernière petite barrière nous en séparant, sur ordre des Israéliens, apparemment rendus nerveux
par la présence à leur côté de journalistes israéliens désireux de voir à quoi ressemblaient ces fameux empêcheurs d’occuper en rond.
Nous ayant toujours décrit comme une horde de terroristes, les autorités israéliennes n’avaient guère envie que leurs médias voient, photographiés et filmés des femmes, des hommes et des enfants normaux et parfaitement
pacifiques.
Les passagers du 2ème car sont alors descendus pour franchir à pied cette ultime barrière en bois vert qui les séparait des Israéliens, afin d’aller leur demander pour quelles raisons le premier car venait de faire demi-tour.
Quand les policiers jordaniens nous en ont empêchés, nous nous sommes allongés par terre en signe de protestation, avant d’être remis de force dans ce deuxième car et reconduits à Amman, comme les autres,
tandis que les journalistes israéliens et internationaux ne cessaient de nous appeler pour savoir ce qui nous arrivait.
A notre arrivée à l’hôtel, les journalistes jordaniens étaient à nouveau présents pour nous interviewer sur ce que nous venions de vivre et sur nos plans pour les jours à venir.
Apprenant que nous comptions nous rendre dans plusieurs camps de réfugiés palestiniens dès le lendemain, plusieurs équipes de télévision ont alors demandé à nous y accompagner, ce que nous avons accepté avec plaisir, comprenant que c’était pour elles une occasion inespérée de pénétrer dans des lieux qui leur sont difficilement accessibles en temps normal.
Après le camp de Jarash, au Nord d’Amman qui regroupe environ 35.000 Gazaouis « déplacés » en 1967, auquel nous avions rendu une première visite dès le 25 août, nous nous sommes rendus successivement dans les camps de Wehdat (Aman), de Baqa’a (à l’Est), et enfin dans celui de Sukhnah au Nord-Est d’Amman.
A chaque fois, nous avons bénéficié d’un accueil chaleureux et pu constater que ces camps ne souffraient pas seulement de pauvreté et de manque de maisons décentes, d’infrastructures sanitaires et scolaires, mais aussi d’une véritable mise à l’écart. Entourés de murs ou de sortes de routes périphériques, ou encore relégués à la limite du désert, les habitants de ces camps sont condamnés à un isolement visiblement destiné à leur faire payer leur absence de renoncement à leurs droits, et notamment à leur droit au retour, inscrit dans la résolution 194 des Nations Unies.
Forcés à l’exil par Israël depuis 1948 ou 1967, ils ont été dépossédés de leurs terres, de leurs foyers, de tous leurs biens, ils sont coupables de ne pas avoir perdu la mémoire et de conserver l’espoir que le droit international sera appliqué un jour.
– A Baqa’a :
– A Jerash :
– Distribution de fournitures scolaires dans le camp de Jerash :
– Dans le camp de Sukhnah :
Ainsi Um Khaled, 84 ans, rencontrée dans sa petite maison du camp de Sukhnah, nous a décrit avec précision les terres qu’elle possédait avec son mari près de Haïfa, les raisins, le blé, le maïs qu’ils y cultivaient, les vaches et les chevaux qu’ils élevaient, ainsi que la manière brutale dont ils ont été chassés un beau jour de 1948, sans avoir eu le temps d’emporter autre chose que les vêtements qu’ils avaient sur eux, et une balle dans le dos de son époux pour le faire avancer plus vite.
De sa voix posée, Um Khaled explique que depuis cette date son village palestinien a été rasé, mais que ses terres ont été laissées à l’abandon. « Elles ne sont même pas cultivées. Quel gâchis ! », s’exclame-t-elle. « Alors pourquoi mes enfants et petits enfants qui le souhaitent ne pourraient pas aller s’y installer à nouveau ? »
Ci dessous quelques photos pour illustrer l’accueil extraordinaire qui nous a été réservé partout, par les petits comme par les grands, lors de notre passage dans les camps, lors de la remise des fournitures scolaires aux enfants de Jérash, lors de nos manifestations devant l’ambassade d’Israël et de France (le gouvernement « socialiste » n’ayant même pas élevé la moindre protestation contre notre refoulement, ni demandé d’explications à ses homologues israéliens), lors de nos visites animées à la Mer Morte, sur le site de Petra, comme dans les rues d’Amman, où les commerçants nous tendaient des cadeaux, où des chauffeurs de taxi refusaient de se faire payer la course et des restaurateurs le repas !
Un très grand merci à tous nos amis jordaniens, et notamment Walid, Haneen, et Rami qui ont piloté nos visites, ont assuré les traductions, et ont rendu possible cette riche expérience, comme nos rencontres avec Leila Khaled, Ali Hattar, le Forum Social, et la troupe musicale palestinienne « Baladna ».
Un périple qui nous a fait découvrir un autre pan de la Palestine, qui a permis de créer de nouveaux liens, mais aussi des attentes auxquelles nous devrons répondre, chacun de nos hôtes nous demandant systématiquement : « Quand allez-vous revenir ? »
Des militants jordaniens nous accompagnent à la frontière jordanienne
et nous encouragent
La patronne de notre hôtel nous offre la nuit quand nous revenons du pont Allenby !
Invités à déjeuner au restaurant du Jordan Tower par ses propriétaires
Au château d’Ajlun, à la Mer Morte et à Pétra : comment joindre l’utile à l’agréable…
La mission dans la presse tous les jours
Amman : la population nous salue au passage, ainsi que dans les commerces : !
Surtout quand nous manifestons devant l’ambassade de France, puis celle d’Israël :
Visite des camps mais aussi hébergement sur le toit et petit déjeuner à Baqa’a, avant la visite de l’orphelinat, de l’atelier d’artisanat et des rues du camp. A noter que les comités des camps de Jerash et de Baqa’a nous ont déclaré que nous étions la première délégation de militants internationaux à leur rendre visite :
Visite du centre pour handicapés de Jerash, de l’école de l’UNRWA, partie de billard et déjeuner :
Nos amis palestiniens nous décernent à la fin du séjour deux récompenses : une banderole dessinée par des enfants des camps et une carte brodée de la Palestine, que nous remettons à notre « doyenne », Minou qui, à plus de 80 ans, n’a pas manqué une seule des activités de la mission !
Et en prime, une rencontre avec Leila Khaled et un récital de Kamal, le chanteur de la troupe « Baladna », dans le café du même nom à Amman :
Ambiance du premier au dernier jour !
(Merci à Guy et tous les autres pour toutes ces photos)
Enfin, un fraternel salut à nos amis de Bethléem, qui n’ont pu nous recevoir cette fois encore mais qui ont suivi de près les activités de notre mission en Jordanie et nous ont envoyé de nombreux messages d’encouragement.
CAPJPO-EuroPalestine
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ENGLISH TEXT (by Chantal C.)
Back from the ‘Welcome to Palestine’ mission: an unbelievable success!
It was very difficult for the 100 or so campaigners to leave Jordan; since their arrival on 24 August, they experienced some very intense moments with Palestinians from Jordan.
None of us was really expecting such a welcome. We knew that millions of Palestinians had settled in Jordan, constituting the majority of the country’s population, but we could not imagine how deeply Palestine was rooted in their hearts and their preoccupations.
A 600-kilometre border with Palestine, some 400,000 Palestinians living within seven refugee camps and over 3,000,000 others following the events in Palestine but finding it very difficult to openly express their attachment to their homeland and their fundamental rights such as the right to return home; all this certainly contributes to creating a very special situation in the whole country.
However, we could not have thought that our initiative would arouse such enthusiasm among the whole population. The trade unions, the journalists, the camp population and also the people on the street – even quite a few policemen – never ceased to encourage and congratulate us.
On television, in the newspapers and in the street, we were permanently greeted with the V sign of victory and with “Marhaban bikoum fi Falstine!”, the Arabic translation for “Welcome to Palestine”, on everyone’s lips.
Usually forced by the Jordanian regime to keep silent about their attachment to Palestine, so much so that it is forbidden to hoist the Palestinian flag, the presence of some hundred internationals displaying “Free Palestine” and the colours of Palestine, led an impressive number of Palestinians to express their feelings and their demands.
The Jordanian media had already closely followed the previous missions, the way we were turned back in airports, and also the brutal and illegal treatment by the Israeli police of those who had managed to get to Tel Aviv airport: they now gave broad coverage of our decision to answer the invitation of the governor of Bethlehem and use the Allenby Bridge, at a press conference organised by trade union officials at Trade Union House on Sunday, 26 August.
To our great surprise, the media followed us to the border where the Jordanian authorities prevented them from boarding with us the coaches which operate to the Israeli checkpoint. Nonetheless, constantly keeping in touch with us by ‘phone, they reported that our first coach had safely arrived at the first Israeli checkpoint but was forced to turn back after the few minutes during which the Israelis collected all the passengers’ passports, gave them back in a jumble, with a stamp “Entry Denied” and ordered the driver to turn round. They also reported that our second coach had been stopped a few tens of metres from that Israeli road block, at the last small barrier separating us from it, by order of the Israelis seemingly made nervous by the presence close to them of Israeli journalists keen to see what those « troublemakers » looked like.
As they have always described us as a horde of terrorists, the Israeli authorities did not much feel inclined to let their media see, photograph and film perfectly peaceful women, men and children.
The passengers of the second coach then got out in order to walk and cross the last green wood barrier separating them from the Israelis, and ask them why the first coach had just turned back. When the Jordanian police prevented us from doing so, we lay down on the ground as a sign of protest, before being forced back into that second coach and taken back to Amman like the others, while the Israeli and international journalists kept on calling us to know what was happening to us.
When we arrived at the hotel, the Jordanian journalists were there again, to interview us on what we had just experienced and on our plans for the days to come. Learning that we intended to enter several refugee camps as early as the next day, several television teams asked us if they could accompany us, which we readily accepted, as we understood that it was an unexpected opportunity for them to get into places which are normally difficult for them to reach.
After the Jarash camp, north of Amman, which groups together about 35,000 Gazans “displaced” in 1967, and which we had visited on 25 August, we successively went to the camps of Wehdat (Amman), Baqa’a (East) and lastly Sukhnah, north of Amman. Each time, we were warmly welcomed and were able to see that these camps suffered not only from poverty and lack of decent housing, sanitary or school infrastructures but also from real isolation. Surrounded by walls or some sorts of ring roads or pushed back to the desert edge, the inhabitants of these camps are doomed to an isolation whose purpose is to punish them for not renouncing their rights, especially their right of return, included in UN resolution 194.
Forced into exile by Israel since 1948 or 1967, they were dispossessed of their lands, their homes, all their properties, they are guilty of not losing their memories and of keeping the hope that one day, international law will be enforced.
For instance, Um Khaled, 84, whom we met in her small house in the Sukhnah camp, described in detail the lands which she possessed with her husband near Haifa, the grapes, the wheat, the maize they grew, the cows and horses they bred, and also the brutal manner in which they were hounded out one day in 1948, without having the time to take away anything more than the clothes they were wearing, and a bullet in her husband’s back to make them march forward quicker.
Um Khaled calmly explains that, since then, her Palestinian village was razed to the ground, her lands however left fallow. “They are not even cultivated. What a waste!”, she exclaims. “Why then, can’t my children and grand-children, if they so wish, go and settle there again?”
Below are a few photographs which illustrate the amazing welcome we received everywhere, by old and young, when we visited the camps, when we handed out the school stationary to the children in Jerash, when we demonstrated in front of the Israeli and French embassies (as the “socialist” government did not even raise the least protest against our being turned back, or ask its Israeli counterpart for an explanation), when we enthusiastically visited the Dead Sea, the Petra site and the streets of Amman where the shopkeepers gave us presents and the taxi drivers were refusing to get paid for the rides and the restaurant owners for the meals!
A huge thank you for all our Jordanian friends, especially Walid, Haneen and Rami who guided our visits, translated for us and made this rich experience possible: meeting Leila Khaled and the Palestinian musical group “Baladna”.
This journey allowed us to discover another side of Palestine, to create new ties, also expectations we must answer, as each of our hosts systematically asked us: “When are you coming back?”
Find a few links below giving an indication of the importance the media gave to our action:
Lastly, we salute our brothers and sisters in Bethlehem, who again, could not receive us. However, they closely followed the activities of our mission in Jordan and sent us numerous messages of encouragement.
CAPJPO-EuroPalestine