Le gouvernement israélien a annoncé jeudi la suspension du plan « Begin-Prawer », qui prévoit d’expulser des dizaines de milliers de Bédouins du Neguev (Naqab, sud d’Israël)
Le député Benny Begin, co-auteur de la proposition de loi, a déclaré qu’il avait lui-même suggéré au gouvernement le retrait de ce projet criminel. Dans sa forme actuelle, le plan prévoit que 40 villages « non reconnus » seront démolis et leurs habitants relogés « ailleurs ». De 40.000 à 70.000 habitants, selon les sources, seraient ainsi expulsés de leurs terres.
La mobilisation contre le plan « Begin-Prawer » a rassemblé le mois dernier des dizaines de milliers de manifestants en Israël et ailleurs dans le monde, et il est probable qu’elle ait contribué au recul gouvernemental.
Cependant, le plan a parallèlement été critiqué par l’aile « droite » (si ce mot a un sens) de la coalition de Netanyahou, qui claironne que les compensations prévues pour les Bédouins à expulser sont « trop généreuses ». Une série de ténors du Likoud et d’Ysrael Beitenou, le parti d’Avigdor Lieberman, ont dit qu’ils voteraient contre dans sa forme actuelle.
PENDANT CE TEMPS, TOUJOURS DANS LE NEGUEV
La vigilance reste d’autant plus de mise que dans le même temps, Israël menace d’expulser les 150 familles bédouines du village de Umm al Heiran, également situé dans le Neguev.
Umm al Heiran n’est pas exactement un village « non reconnu ». Au contraire, la localité et les 700 hectares qui l’entourent ont été dument octroyés par le gouvernement israélien, il y a plus de 50 ans, aux membres de la tribu des Abou al Qiyaan, qui avaient été expulsés par l’armée de leur habitat antérieur.
Les conditions de vie à Umm al Heiran sont certes précaires, le millier d’habitants y disposant quand même de petites maisons en dur, produisant leur électricité avec des panneaux solaires et vivant de l’élevage.
Mais le mois dernier, le gouvernement israélien a approuvé un projet de création de deux nouvelles colonies, exclusivement juives, Kesif et Hiran.
“Pour construire Hiran, Israël entend accélérer la destruction d’Umm al-Heiran et expulser ses habitants », déclare à l’AFP M° Souad Bishara, de l’association de défense des droits de l’homme Adalah.
L’association a fait recours devant la Cour Suprême, qui a pour le moment suspendu les ordres de démolition, en attendant la fourniture de nouvelles pièces du dossier par Adalah d’ici le 15 décembre. L’épée de Damoclès reste donc plus que jamais au-dessus de la tête des habitants.
« C’est ici que je suis né, c’est ici qu’est ma maison, je n’ai nulle part ailleurs où aller », déclare à l’AFP M. Abderrahmane Abou al Qiyaan, 49 ans, et père de douze enfants.
“Que des Juifs viennent habiter dans cette région ne me gêne pas. Mais à condition que cela ne se fasse pas à notre détriment. Pourquoi les Juifs auraient-ils le droit d’habiter ici et pas nous. C’est une décision raciste », ajoute-t-il.
Ghiyahib Abou al-Qiyaan, 73 ans, se souvient, elle, de ce jour de 1956 lorsqu’elle-même et sa famille furent transférés par les troupes israéliennes sur ce qui allait devenir le village d’Umm al Heiran.
« J’avais 16 ans. Les troupes israéliennes sont arrivées chez nous, à Zubala, et nous ont ordonné de dégager pour faire place à un kibboutz ; et on s’est retrouvé en plein désert, sans rien ; mais on a construit, et c’est devenu notre foyer, sur le terrain qui nous avait été octroyé », commente-t-elle.
S’il est clair qu’en 1956, les Israéliens ont produit de la documentation écrite sur l’octroi du terrain aux familles bédouines, ils n’ont jamais acté la mesure avec une procédure formalisée. « En matière de légalité, le discours du gouvernement devant la Cour Suprême consiste simplement à dire ‘On leur a donné la terre, eh bien on a le droit de la leur reprendre’ », s’indigne l’avocate Souad Bishara, déterminée néanmoins à poursuivre la résistance contre ce nouveau nettoyage ethnique.
CAPJPO-EuroPalestine