Nous avons appris avec une grande tristesse, ce week-end, le décès de Jean-Luc Einaudi, historien militant dont le nom et l’œuvre resteront à jamais attachés à la dénonciation des crimes du colonialisme français. Jean-Luc Einaudi s’est éteint samedi à Paris, des suites d’un cancer.
Né en 1951, Jean-Luc Einaudi n’avait pas vécu comme adulte les événements de la guerre d’Algérie, et c’est donc dans le sillage des années 1968 que jeune homme, il s’intéressa aux luttes des peuples asservis par l’impérialisme français, ceux d’Indochine et du Maghreb notamment, pour leur indépendance.
Bien que n’étant pas un historien universitaire –il exerçait le métier d’éducateur dans le cadre de la Protection Judiciaire de la Jeunesse-, Jean-Luc Einaudi fut l’un des rares, côté français, à révéler certains des crimes les plus abjects perpétrés par l’Etat français contre l’Algérie et les Algériens.
Son premier livre, « L’affaire Yveton » (chez l’Harmattan, 1986), lève le voile sur la condamnation à mort du jeune militant communiste Fernand Yveton, employé des services publics à Alger en 1957, pour une tentative d’attentat (qui n’aurait de toutes façons fait que des dégâts matériels si la bombe avait finalement explosé), en solidarité avec les résistants algériens. Lâché par la direction de son propre parti, Yveton fut guillotiné alors que celui qui pouvait lui obtenir la grâce, un ministre de la justice nommé François Mitterrand, ne leva pas le petit doigt.
C’est ensuite avec recherches sur le massacre du 17 octobre 1961 qu’Einaudi parviendra le mieux à briser le silence sur ce crime épouvantable, qui vit la police aux ordres du préfet Maurice Papon (le même qui 20 ans plus tôt envoyait des fournées de juifs vers les camps d’extermination) assassiner en plein Paris, des centaines d’Algériens, hommes, femmes et enfants désarmés.
Le crime du 17 octobre n’était évidemment pas inconnu, puisqu’il s’était déroulé au cœur de la capitale, sous les yeux de nombreux Parisiens ; les responsables de la résistance algérienne en France avaient d’ailleurs rapidement établi un bilan provisoire, faisant état de la disparition d’au moins 200 Algériens –dont les corps étaient jetés par la police dans la Seine- en l’espace d’une semaine.
Mais comme, du côté français, un nombre infime de voix seulement s’étaient élevées, le gouvernement du général De Gaulle –et ses successeurs Pompidou, Giscard, Mitterrand- avait pu maintenir une chape de plomb sur le crime.
Avec la sortie de son livre La Bataille de Paris, 17 octobre 1961 (Seuil, 1991), Einaudi contribua largement à mettre fin au scandale. Il avait d’ailleurs poursuivi ses recherches –grâce à l’interview de survivants de la tuerie, notamment-, et publié des ouvrages complémentaires. Nous avions ainsi eu l’honneur de l’accueillir, en 2009, pour la présentation de l’un de ceux-ci (Scènes de la guerre d’Algérie en France, Automne 1961) à la Librairie Résistances.
Une cérémonie aura lieu au cimetière du Père-Lachaise (M° Gambetta, ligne 3), salle de la Coupole, ce vendredi 28-03-2014 à 14 h 30
CAPJPO-EuroPalestine