A lire, ci-dessous, le compte-rendu du procès d’Hassen Chalghoumi par le journaliste Nadir Dendoune, dans le Courrier de l’Atlas. A noter que les médias conventionnels, toujours prompts à servir la soupe à « l’Imam des Lumières », voire à lui écrire des livres comme David Pujadas par exemple, ont brillé par leur absence jeudi au tribunal de Paris.
L’imam de Drancy jugé pour diffamation
Vendredi 13 juin 2014
Parfois, Hassan Chalghoumi, l’imam le plus médiatisé de France n’aime pas, c’est très rare, disons le franchement, être pris en photo. Enfin, ça dépend qui est le photographe ! Pour d’autres collègues, surtout s’ils vont dans son sens, Chalghoumi se prête volontiers à la pose.
Ce jeudi 12 juin, aux alentours de 14h, alors que les débats devant la 17ème chambre correctionnelle de Paris n’ont pas encore commencé, celui qui est poursuivi pour diffamation, pour des propos tenus le 18 février 2013, (il a accusé lors d’un colloque à l’Assemblée nationale l’association Europalestine d’avoir brûlé la voiture de Samy Ghozlan) s’approche de moi.
S’en suit quelques noms d’oiseaux et plusieurs tentatives pour s’emparer de mon appareil photo. En vain. Sa garde rapprochée vint à la rescousse raisonner « Hassan ». « Pas ici, Hassan, calme-toi ». C’est alors qu’approche le fameux Samy Ghozlan, président du bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) qui demande aux gendarmes de « vérifier ma carte de presse ».
« Elle est sans aucun doute fausse », ajoute-il tout haut. Le prévenu Hassan Chalghoumi et son entourage sont visiblement sur les nerfs. C’est la 1ère fois que Chalghoumi se retrouve devant le tribunal. L’imam, vêtu en civil, un costard bleu foncé et une cravate verte à rayures, est accompagné comme à son habitude de plusieurs gardes du corps.
Le juge prévient d’emblée que vu le nombre important de témoins (5 au total, trois pour la partie civile, deux pour la défense), l’affaire sera jugée la dernière, « aux alentours de 16h30 », précise le juge. Les deux parties quittent la salle. Retour au tribunal quelques heures plus tard. Les débats commencent à 18h.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, le juge propose de visionner la vidéo du colloque. On y voit Hassan Chalghoumi assis, la caméra le filme en plan serré. Ce dernier déclare : « Je rends hommage à mon frère Samy (Ndlr : Samy Ghozlan) pour son excellent travail, non seulement en Seine-Saint-Denis mais aussi à l’échelle nationale. Je pars à Marseille, on me parle de Samy. Je pars à Nantes, on me parle de Samy. Malgré les difficultés, ces moments où ils ont brûlé sa voiture, le fameux Europalestine…(…) ».
Pour Olivia Zemor, la présidente de l’association, qui s’approche la première à la barre, il ne fait aucun doute : « Hassan Chalghoumi a bien désigné Europalestine comme étant le responsable de l’incendie de la voiture ». « Jamais, en 13 ans d’existence, nous avons eu recours à la violence, rappelle Zemor. Et c’est de notoriété publique ! C’est de la pure calomnie. D’ailleurs, je ne sais pas où Hassan Chalghoumi est parti chercher de telles accusations ».
«On ne peut parler ici de message ambigu, continue la présidente d’Europalestine. Tout le monde a compris ce que voulait dire M. Chalghoumi. A cause de ses propos, des militants ont été pris à partie. Ils ont, bien entendu, dit que c’était faux, mais que vaut leur parole face à quelqu’un qui a pignon sur rue, qui passe tous les jours à la télévision et qui est perçu comme beaucoup comme l’imam des lumières ?, se demande-elle ». « Pourquoi cette volonté de nous nuire ? », questionne encore Olivia Zemor.
« Nous subissons constamment le chantage à l’antisémitisme », déplore-t-elle. « Si M. Chalghoumi nous avait dit, « C’est un malentendu, ce n’est pas ce que je voulais dire », nous n’aurions pas porté plainte. Or, cela fait plus d’un an que les propos ont été diffusés partout sur le web, sans que ce dernier ne soit intervenu pour démentir ».
Hassan Chalghoumi est le suivant à être interrogé. Il commence à rappeler qu’il est « l’imam de Drancy, cette ville où ont été déportés les juifs, qu’il œuvre pour le rapprochement entre communautés ». Et d’enchaîner curieusement sur le « conflit israélo-palestinien ». « Je peux soutenir les Palestiniens et soutenir les Israéliens ». La suite, en réponse aux attaques dont il fait l’objet : « Je ne suis ni un collabo, ni un vendu, ni un sioniste. J’ai reçu plus de 11 menaces de mort. J’ai été à l’hôpital deux semaines en septembre dernier. Mes enfants ont été menacés aussi. Qu’est-ce j’ai fait de mal pour mériter ça ? », se plaint l’imam, visiblement très affecté. « Je suis un homme de paix. J’ai juste dénoncé l’intégrisme, la barbarie de Mohamed Merah ».
Le juge lui coupe la parole et lui demande de revenir à l’affaire qui concerne le tribunal. « Pourquoi avoir évoqué Europalestine lors de ce colloque ? », lui demande le magistrat. « Ca fait longtemps que cette association a des soucis avec Samy Ghozlan. Il m’en a déjà parlé. Je ne voulais pas dire qu’Europalestine a brûlé la voiture de Samy, mais il est tellement harcelé par eux, que peut-être que les gens ont été poussés à faire ça… ».
« Est-ce que vous-même, avez eu des soucis avec cette association ? » relance le juge. « Je ne peux pas vous dire, je ne suis jamais allé sur leur site ». Le juge s’interroge ensuite sur le fait qu’Hassan Chalghoumi, qui était au courant de la diffusion de la vidéo sur internet, puisqu’une plainte avait été déposée contre lui le 13 mai 2013, n’ait pas pris la peine de démentir ces accusations. « Ca aurait peut-être permis d’éteindre l’incendie », tente le juge, par un jeu de mot. « Je ne savais pas que les vidéos étaient diffusées », répond Chalghoumi.
« C’est marqué sur la convocation », précise le magistrat. « Je ne l’ai pas lue, je l’ai donnée à mon avocat ». « Chacun se rejette la responsabilité. N’est-ce pas un peu paradoxal de ne pas vouloir faire un pas vers l’autre pour quelqu’un qui ne cesse de dire qu’il est un homme de paix ? », raille le juge. « J’ai transmis à mon avocat. On attendait d’avoir un contact ». « Est-ce qu’il y a, à votre connaissance, des actions violentes qui pourraient être imputées à Europalestine ? », continue le juge. « Non », dit Chalghoumi.
Mais il y a des sites qui utilisent la cause palestinienne et après il y a des victimes. Regardez Mohamed Mérah qui a tué des enfants juifs ». « Pensez-vous que le procès aurait pu être évité ? », questionne le magistrat. « Oui, s’il me demande, je l’ai fait », répond l’imam de Drancy. « Vous l’avez fait ? », croit comprendre le juge. « Non. S’il me l’aurait demandé, je l’aurais fait », rectifie Chalghoumi. « Vous êtes pourtant un adulte, pas besoin d’une licence en droit pour le faire », s’exaspère le magistrat.
Place aux témoins de la partie civile. Les trois membres d’Europalestine, qui n’étaient pas présents au colloque, mais qui ont pu voir la vidéo par la suite, se succèdent à la barre. Tous rappellent le caractère non violent d’Europalestine. « Brûler une voiture ne fait par partie de nos méthodes. Nous sommes dans une lutte pacifiste », précise l’un d’eux. Un autre : « Je n’aurai jamais accepté de faire partie d’Europalestine, si on avait recours à la violence ».
Les trois relatent comment ils ont dû se justifier auprès de leurs proches quant aux accusations portées par Chalghoumi à l’encontre de leur association, ainsi que de leur impact. « Nos proches étaient inquiets. On a été obligé de démentir sans pour autant être en mesure de fournir des preuves de notre innocence », déplore un témoin.
La défense appelle ses témoins à la barre. Samy Ghozlan, ancien officier de police et président du bureau national de vigilance contre l’antisémitisme, raconte au tribunal les attaques régulières de sites dont il est victime, « comme celui d’Europalestine ». « L’enquête sur l’incendie de ma voiture n’a pas abouti. Personne ne peut donc être accusé. Mais les incitations à la haine, comme celles d’Europalestine, peuvent pousser certains à passer à l’acte », continue-il.
Il est 20h, l’un des magistrats a du mal à rester éveillé. Le juge demande si Olivia Zemor souhaite ajouter autre chose. « En tenant de tels propos, ils disent « Regardez Europalestine brûle les voitures des juifs ». Les conséquences de tels propos sont graves. Après, des groupuscules extrémistes, comme la LDJ (NDLR, la Ligue de défense juive), interdite partout sauf en France, nous agressent violemment. J’ai reçu des pots de peinture au visage qui m’ont valu une hospitalisation et plusieurs jours d’incapacité», conclut dépitée Zemor.
Place aux plaidoyers des avocats. Maitre Cochain, défenseur d’Europalestine tient à « rappeler que les propos tenus par M. Chalghoumi ont été retranscrits par un huissier de justice et non par la partie civile, comme j’ai pu l’entendre ». « Les propos de M. Chalghoumi sont clairs : il a dit qu’Europalestine avait brûlé la voiture de Samy Ghozlan, continue l’avocate. J’ai besoin que le tribunal le condamne pour ses propos. Si vous ne le faites pas, je n’aurais jamais de démenti de sa part et les gens vont continuer à croire que c’est vrai. Leur intérêt est de salir cette association parce qu’elle demande le respect du droit international pour le peuple palestinien. On n’a pas le droit de les prendre en otages en les traitant d’antisémites. Europalestine a été diffamée. Ces accusations sont donc fallacieuses », conclut dans sa plaidoirie Maitre Cochain.
Malgré les talents d’oratrice de l’avocate d’Europalestine, la procureure de la République ne semble pas convaincue. Pour cette dernière, « la phrase n’est pas claire. Cela est aussi dû au fait que le prévenu s’exprime mal en français. De plus, les propos ont été rapportés de l’oral à l’écrit. Ils peuvent être donc interprétés de différentes façons ». Verdict le 18 septembre prochain.
Nadir Dendoune
http://www.lecourrierdelatlas.com/733613062014L-imam-de-Drancy-juge-pour-diffamation.html
CAPJPO-EuroPalestine