« Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » comme ils disent dans les médias. Eh bien, on essaie de comprendre, d’analyser, au lieu de répéter en boucle que ces crimes sont horribles (comme si on en doutait) et de vouloir punir ceux qui n’ont pas envie de chanter « Qu’un sang impur abreuve vos sillons ».
Ici deux analyses concernant la responsabilité de la politique extérieure française dans le développement de groupes terroristes se réclamant du « Djihad »: celle de Bruno Guigue ancien préfet, et celle de Lutte Ouvrière.

Daryush Ramezani iranien 1er prix du Festival International d’Humour d’Europe 2006 2007
Amères leçons d’un crime terroriste
(…) » Si cette idéologie sectaire est l’affaire du monde musulman, il est clair que le monde musulman, dans son ensemble, n’en est pas responsable. Pourquoi le croyant de Tunis ou de Karachi, de Damas ou d’Aubervilliers devrait-il se battre la coulpe à propos d’une idéologie qui n’est pas la sienne ? C’est pourquoi la sommation faite aux musulmans, en tant que tels, de dénoncer le terrorisme jihadiste n’a pas de sens, même s’il est vrai que, le wahhabisme et ses rejetons faisant partie de l’islam, il appartient aux musulmans d’en combattre l’influence.
Problème du monde musulman, l’idéologie sectaire du jihad global ne cessera d’exercer ses méfaits que lorsqu’on lui aura appliqué une solution musulmane. Mais ce combat ne date pas d’hier. Adversaire résolu de la monarchie saoudienne dans les années 1960-70, le raïs égyptien Gamal Abdel Nasser a chèrement payé son désir de moderniser les sociétés arabo-musulmanes. Est-ce un hasard si les régimes nationalistes arabes égyptien, irakien et syrien, respectueux de l’islam mais non confessionnels, ont été systématiquement combattus par l’Occident allié à Israël, avec la complicité des pétromonarchies obscurantistes ?
Pire encore : quelle est, aujourd’hui, la crédibilité de ces dirigeants occidentaux qui n’ont cessé, à la suite de l’administration américaine, de pactiser avec le diable ? Laurent Fabius n’a-t-il pas déclaré en décembre 2012 que le Front Al-Nosra faisait du « bon boulot » en Syrie ? [1] C’est pourquoi le plus ahurissant, lors de la manifestation du 11 janvier, ce fut la feinte candeur des dirigeants français, comme si le crime revendiqué par Ahmed Coulibaly au nom de « Daech » n’avait aucun rapport avec les errements de la politique française au Proche-Orient.
Et pourtant, la diabolisation insensée du régime de Damas, les livraisons d’armes à la rébellion, la complicité éhontée avec des pétromonarchies qui en sont les bailleurs de fonds notoires : autant d’aberrations qui ont exposé le peuple français à la vengeance sanguinaire des jihadistes. La France est passée en quelques jours, au cours de l’été 2014, des livraisons d’armes en faveur de la guérilla antigouvernementale en Syrie au bombardement aérien des groupes jihadistes en Irak : comment ces derniers n’auraient-ils pas été furieux de ce revirement incompréhensible ?
Naviguant à vue, influencé par des conseillers à l’incompétence crasse et des experts ayant perdu toute objectivité, François Hollande a mené en Syrie, à la suite de Nicolas Sarkozy, une politique interventionniste dont nous payons aujourd’hui la stupidité criminelle. Contraire aux intérêts de la France, cette prise de parti dans une guerre civile étrangère nous est revenue à la figure comme un boomerang. L’obstination maladive à vouloir abattre le régime syrien, par tous les moyens, a accouché d’un monstre, le prétendu « Etat islamique », qui est le rejeton abâtardi des politiques française, américaine, saoudienne et qatarie.
Parce qu’ils prétendent combattre aujourd’hui à Paris des terroristes qu’ils soutenaient hier à Damas, les dirigeants de la France ont cru se refaire une virginité en se mêlant à la foule immense de ceux qui ont clamé, sur le pavé de nos villes, leur refus de la haine. Rivalisant en proclamations grandiloquentes, ils ont étalé leur autosatisfaction devant les caméras, comme si cette victoire massive du bon sens était la leur, le tout, comble du grotesque, en compagnie des tortionnaires de la Palestine. Peine perdue : dans la chaîne des responsabilités qui ont conduit au crime terroriste du 7 janvier, c’est hélas l’incroyable cynisme des dirigeants français qui constitue le troisième chaînon. »
Bruno Guigue
[1] Voir : La farce tragique de l’Etat islamique : http://arretsurinfo.ch/la-farce-tragique-de-letat-islamique/
Normalien, énarque, Bruno Guigue est aujourd’hui professeur de philosophie, auteur de plusieurs ouvrages, après avoir été préfet et avoir été licencié par le gouvernement pour avoir osé écrire qu’Israël tuait des enfants.
Source : http://arretsurinfo.ch/ameres-lecons-dun-crime-terroriste/
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Milices djihadistes, créatures monstrueuses de l’impérialisme !
Utilisant l’émotion provoquée par les attentats en France, tous les dirigeants politiques français, de Hollande et Valls à Sarkozy, y sont allés de leurs déclarations pour appeler à faire la guerre contre le terrorisme.
Sans surprise, le ministre des Affaires étrangères, Fabius, a annoncé que les interventions militaires françaises au Mali et au Moyen-Orient seraient renforcées. Mardi 13 janvier, les députés votaient par 488 voix pour, une contre, et 13 abstentions, la prolongation de l’intervention des forces françaises en Irak. Le même jour, le porte-avions Charles-de-Gaulle partait en direction de la région du Golfe où il devrait être engagé dans des combats contre le groupe État islamique.
Cet envoi du Charles-de-Gaulle et d’avions supplémentaires au Moyen-Orient signifie de prochains raids aériens, qui n’apporteront que des destructions et des victimes parmi la population civile, sans pour autant vaincre les djihadistes.
Le gouvernement veut justifier les interventions passées au Mali ou en Centrafrique, ou encore celle déclenchée en septembre en Irak. Il voudrait surtout pouvoir continuer ces guerres, voire les intensifier, avec l’assentiment des travailleurs et de l’ensemble des classes populaires. Mais ces guerres menées par la France dans le monde, au nom de la lutte contre le terrorisme, ont eu pour seul objectif la défense des intérêts des grands groupes capitalistes.
Pour justifier l’intervention au Mali, déclenchée il y a tout juste deux ans, le gouvernement français parlait de s’opposer à l’instauration d’un État terroriste. Mais il était surtout préoccupé de préserver l’ordre dans sa zone d’influence africaine, dans cette zone située au nord du Mali, tout près de la frontière du Niger, pour que le trust français Areva puisse continuer à exploiter les gisements d’uranium.
Il faut bien combattre la barbarie, répètent en boucle les dirigeants politiques, de Hollande à Sarkozy. Mais qui a semé cette barbarie partout dans le monde ? Les milices djihadistes qui, en Irak et en Syrie, imposent une dictature moyenâgeuse à la population des territoires conquis, ne sont pas nées de rien.
Des milices comme celles de l’État islamique, qui utilisent le drapeau de la religion, prétendant représenter la population sunnite, tout comme celles, plus ou moins puissantes, qui prétendent représenter la population chiite, n’auraient jamais vu le jour si l’impérialisme ne leur avait pas ouvert la voie en attisant, directement ou indirectement, les divisions au sein de la population irakienne et en utilisant ces divisions pour imposer sa domination.
Ces milices djihadistes ont été favorisées politiquement par les dix années de guerre et d’occupation impérialistes, qui n’ont apporté à la population que la misère, les destructions, les morts. Elles ont, de plus, été aidées matériellement pour certaines. Ainsi, les États du Golfe, et en particulier l’Arabie saoudite et le Qatar, en bons exécuteurs des basses œuvres pour le compte des pays impérialistes, États-Unis en tête, ont fourni aux milices de l’État islamique basées en Syrie de l’argent et des armes. Ces forces réactionnaires sont les créatures monstrueuses de l’impérialisme, devenues aujourd’hui de plus en plus incontrôlables.
« Il serait temps que les pays occidentaux tirent les leçons de l’Afghanistan. Il y avait en 2001 un foyer de terrorisme. Aujourd’hui il y en a une quinzaine. Nous les avons multipliés. (…) Combien de terroristes allons-nous créer ? », déclarait même l’ancien Premier ministre Villepin en septembre dernier, au lendemain de la décision de Hollande de participer à une nouvelle guerre en Irak, qu’il jugeait « absurde et dangereuse ».
Oui, la barbarie des guerres menées par les puissances impérialistes pour maintenir leur domination a engendré la barbarie des milices intégristes. Compter sur les Hollande et autres dirigeants impérialistes pour la combattre, c’est compter sur des pyromanes pour éteindre le feu. C’est bien ce système capitaliste lui-même, et les hommes politiques qui gouvernent en son nom, qu’il faut combattre.
Aline Retesse
Source : LUTTE OUVRIÈRE N°2424 DU 16 JANVIER 2015
CAPJPO-EuroPalestine