Malgré des investissements toujours plus importants, les lobbys pro-Israël ne parviennent pas à contrer le développement mondial de la solidarité avec le peuple palestinien, selon les conclusions d’un rapport secret dont le site états-unien Electronic Intifada s’est procuré une copie.
(Gidi Grinstein, l’un des auteurs du rapport secret)
Le rapport de 30 pages, qu’Electronic Intifada propose (en anglais) dans son intégralité, est l’œuvre conjointe de deux des plus importants lobbys israéliens, l’Anti-Defamation League américaine, et le Reut Institute, une officine israélienne.
Il n’avait jusqu’à présent été diffusé qu’à des groupes très restreints d’agents de la propagande israélienne, et seulement dans des versions papier, indique Electronic Intifada.
Tout en proposant une série de mesures pour contrer le mouvement BDS, les auteurs admettent que la défense des droits du peuple palestinien est fondée sur une argumentation « séduisante et sophistiquée », à laquelle Israël s’est avéré incapable de répliquer de manière convaincante.
Ce n’est pas faute de moyens financiers : les dépenses directement consacrées par les lobbys israéliens pour contrer le mouvement international de solidarité avec la Palestine ont en effet été multipliées par 20 au cours des six dernières années, et se chiffrent maintenant en dizaines de millions d’euros.
Les conclusions les plus significatives des auteurs du rapport comprennent les points suivants :
• Les activistes pro-palestiniens peuvent effectivement se prévaloir de succès « significatifs », et d’avoir créé un état d’esprit défavorable à la politique israélienne dans de nombreuses régions du monde.
• Le mouvement de solidarité a notamment réussi à s’étendre de l’Europe vers les Etats-Unis, où il a approfondi ses alliances avec des groupes importants représentant des minorités ainsi que des associations luttant pour la justice sociale.
• Les attaques répétées d’Israël contre Gaza ont considérablement renforcé ce que les auteurs nomment, dans leur jargon, la « délégitimisation » d’Israël.
• Les campagnes de boycott ciblées visant la présence israélienne en Cisjordanie, et les colonies en particulier, « gagnent du terrain ».
• Et puis, le gros des « dommages collatéraux » infligés à Israël par la campagne BDS provient du « boycott silencieux », autrement dit les décisions non rendues publiques par des individus, des associations ou des entreprises de renoncer à une quelconque relation avec Israël, que ce soit par sympathie avec la cause palestinienne, ou tout simplement « pour éviter d’avoir des problèmes ».
Les solutions ?
Le lobby, qui a travaillé la main dans la main avec le ministère israélien des « Affaires stratégiques », recommande d’essayer « d’enfoncer un coin » entre les « durs », les « déligitimeurs » de la campagne BDS, et les critiques « soft » de la politique israélienne.
Contre les dirigeants des premiers, il faut, disent les auteurs, se battre inlassablement, mais surtout « secrètement », et mener, selon le journaliste israélien Yossi Melman, « des campagnes d’espionnage, de diffamation, de harcèlement, de menaces de mort, et de violation de la vie privée » des militants visés.
Publié début 2017, le rapport s’efforce d’analyser l’impact de l’élection de Donald Trump à la présidence américaine.
A court terme, les dirigeants israéliens peuvent s’estimer gagnants par rapport à ce qu’a été la présidence Obama, pas assez servile aux yeux de Netanyahou et ses sbires.
Mais l’union sacrée avec Trump peut aussi être destructrice pour Israël, dès lors qu’elle associe le pays avec les politiques les plus réactionnaires de la nouvelle administration en place à Washington, lesquelles sont très impopulaires auprès de nombreux juifs américains, qui se situent majoritairement à gauche sur l’échiquier politique intérieur états-unien.
La communauté juive américaine, la plus nombreuse du monde hors Israël, «traverse aujourd’hui la crise identitaire les plus importante de son histoire, ce qui peut avoir des conséquences majeures pour sa relation à Israël », écrivent les auteurs.
Ils prévoient en fait un déclin, chez les juifs états-uniens, du soutien à Israël, dont l’image de pays « pluraliste, pacifique et démocratique » se détériore rapidement dans cette catégorie de la population outre-Atlantique.
En outre, la lutte contre le mouvement de solidarité avec la Palestine est « vouée à l’échec » si Israël, comme c’est le cas depuis des années, l’accompagne d’une politique islamophobe.
Parmi les principaux dangers pointés par les auteurs, le risque que des groupes militant sur d’autres terrains, contre les violences policières infligées aux Noirs par exemple, fassent la liaison entre leur combat et celui des Palestiniens.
Pour l’instant, constate Electronic Intifada, les conseils tactiques dispensés par les rapporteurs à la machine de propagande israélienne ont fait chou blanc.
A l’occasion d’une récente conférence officiellement dédiée à la lutte contre BDS à New York, un étudiant de J Street (un groupe sioniste, qui conteste en termes modérés la politique israélienne), s’est tout simplement fait traiter d’antisémite après avoir posé sa question.
Et cette semaine, la réaction de Netanyahou, qui a injurié le ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel parce que ce dernier a rencontré deux ONG israéliennes anti-occupation, B’Tselem et Breaking the Silence, augure mal d’une approche un peu plus maline de la part des dirigeants israéliens.
Pourtant, l’Allemagne, complexe de culpabilité oblige après le génocide nazi, continue de financer largement Israël, lui faisant par exemple cadeau de sous-marins à capacité nucléaire construits dans ses chantiers navals, est un soutien majeur du régime d’apartheid, qui aurait tort de l’oublier. Et le fait que le ministre allemand ait refusé de se plier au diktat de Netanyahou dans cette affaire de rencontre avec les ONG, est un signe que les lignes sont susceptibles de bouger.
Israël a poussé à l’adoption, par divers gouvernements dans le monde, de mesures répressives à l’encontre du mouvement BDS. Mais ce faisant, ne s’est-il pas tiré une balle dans le pied, en s’attaquant de manière aussi délibérée à la liberté d’expression ? s’interrogent les auteurs du rapport.
Ces derniers évoquent, mais seulement à la marge, les causes fondamentales de la détérioration de l’image d’Israël dans le monde : le traitement infligé aux Palestiniens sous occupation et aux Palestiniens israéliens, l’absence de tout processus de paix, et la poursuite de la colonisation.
Sans surprise, ils ignorent qu’il y a pourtant un moyen simple de mettre fin au BDS, en mettant fin à ce qui l’a créé : le déni systématique des droits du peuple palestinien. Mais c’est sans doute trop en demander à ces messieurs dames de l’ADL et du Reut Institute et à la panoplie « d’experts » (listés en fin de rapport) qui les ont aidés à concocter le document.
Source : https://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/leaked-report-highlights-israel-lobbys-failures?UTM_SOURCE=EI%20READERS&UTM_CAMPAIGN=6A6FCA5D39-RSS_EMAIL_CAMPAIGN&UTM_MEDIUM=EMAIL&UTM_TERM=0_E802A7602D-6A6FCA5D39-290675021
(le rapport est accessible à partir de ce lien)
(traduction CAPJPO-EuroPalestine)
CAPJPO-EuroPalestine