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Ce que les soldats israéliens ne démolissent pas le jour, les colons le brûlent la nuit

« La violence des colons rend impossible de vivre de la terre, comme ma famille le fait depuis des générations. Cela fait partie de la stratégie d’Israël pour nous forcer à partir », explique Ali Jawad, habitant de Tuba, village dans les collines au Sud d’Hébron.

Ce que les soldats israéliens ne démolissent pas le jour, les colons le brûlent la nuit
Des Palestiniens du village de Tuba dans les collines du sud d’Hébron observent les colons qui ont mis le feu à leurs bottes de foin, le 1er juin 2021. (Autorisation de Jaber Awad)

Le 1er juin, des colons israéliens ont attaqué le village de Tuba en Cisjordanie occupée et ont brûlé tout le foin que ma famille avait acheté pour nourrir nos moutons. Des aliments qui devaient durer une année entière ont été brûlés en seulement deux heures.

La violence des colons n’est qu’une partie de la stratégie coloniale de l’occupation pour s’emparer de nos terres. L’armée israélienne démolit nos maisons pendant la journée et les colons détruisent nos moyens de subsistance pendant la nuit. Alors que je restais là à regarder le feu, je me sentais isolé, impuissant et opprimé. Alors que j’étais soulagé que ma famille soit physiquement en sécurité, nous étions émotionnellement dévastés. Nous étions terrifiés. Nous nous sommes précipités pour empêcher le feu de se propager à une plus grande partie du foin, pour nous assurer que nos enfants et nos moutons étaient en sécurité et pour essayer de sauver ce que nous pouvions.

Il a fallu deux heures et demie aux pompiers palestiniens pour arriver, malgré le fait que la caserne de pompiers la plus proche ne se trouve qu’à quelques kilomètres. Le camion de pompiers a eu du mal à conduire sur le chemin délabré menant à Tuba, où nous vivons, car l’armée israélienne ne nous permet pas d’entretenir les routes qui mènent à notre communauté dans les collines du sud d’Hébron. Au matin, nous avions peur pour notre avenir. Nous n’avions pas de nourriture pour les moutons, et pas d’argent pour en acheter. L’incendie a détruit 41 balles de foin d’une valeur d’environ 7 000 euros. Les moutons sont notre gagne-pain et la seule source de survie dans la zone C de Cisjordanie, qui est sous contrôle militaire israélien total et se trouve dans une zone désignée par l’armée comme « zone de tir 918 ».

Alors que les colonies voisines s’étendent et se referment autour de nos communautés, il devient impossible de continuer nos méthodes traditionnelles de vie de la terre. Cependant, sous occupation, Israël nous empêche également de développer toute autre forme d’économie. Des colons juifs israéliens ont établi Ma’on au début des années 1980, et la colonie s’est agrandie au début des années 2000, lorsque l’avant-poste de Havat Ma’on a été construit à seulement un kilomètre de Tuba. Depuis lors, les colons se sont emparés de la majorité de nos pâturages appartenant aux villages palestiniens de la région.

L’armée et les colons semblent travailler en tandem pour voler nos ressources. Les soldats prennent nos terres sous couvert de sécurité, pour ensuite les donner aux colons pour établir des avant-postes agricoles. Ce n’est pas un hasard. L’expansion et la violence des colons se déroulent sous la protection de l’armée et avec un soutien juridique. Qu’il s’agisse d’une zone de tir, ou en utilisant les lois ottomanes obsolètes pour prendre le contrôle d’immenses étendues de terre qui sont ensuite déclarées terres de l’État, il existe une pleine coopération entre les colons et l’armée.

Les troupes israéliennes retiennent un Palestinien alors qu’elles démolissent des hangars appartenant à des Palestiniens dans les collines du sud d’Hébron, le 12 juin 2019. (Wisam Hashlamoun/Flash90)

Depuis la création de Havat Ma’on, la zone entre Tuba et l’avant-poste a été un site régulier de harcèlement par les colons et les militaires. Nous avons continué à faire paître notre bétail dans la région, malgré tout le harcèlement et la violence et le risque d’arrestation et de blessure. Pourtant, en début d’année, Ma’on s’agrandit à nouveau avec un nouvel avant-poste, ce qui nous empêchait d’accéder aux villages voisins de Kharuba et Sarura, où nous passons régulièrement.

En raison de la perte d’accès à ces zones de pâturage, la seule façon pour nous de rester en vie et dans nos maisons est d’acheter des aliments pour animaux à la ville et de les transporter jusqu’au village. Au cours des 10 dernières années, nous avons dû acheter des balles de foin pour compléter notre pâturage. Mais en raison de l’expansion de Havat Ma’on sur nos terres, c’est la première année où nous sommes obligés d’ acheter les balles de foin si tôt dans la saison.

Mon grand-père et mon père se souviennent d’avoir emmené leurs moutons paître librement avant que les colonies ne soient construites ici. Ils m’ont dit qu’ils n’avaient jamais eu besoin d’acheter de nourriture sur les marchés et que la terre fournissait suffisamment de nourriture à la famille. Mais maintenant que nous avons perdu l’une de nos dernières zones de pâturage, les bénéfices des produits que nous fabriquons à partir du lait de brebis, qui sont censés être notre gagne-pain, seront dépensés simplement pour maintenir les brebis en vie. Ce qui s’est passé cette nuit de juin n’est pas un incident isolé ; la violence des colons n’est qu’une partie de la stratégie coloniale d’Israël pour nous forcer à quitter notre terre. Si ce n’est pas du nettoyage ethnique, qu’est-ce que c’est ? ».

(Traduit par CAPJPO-EuroPalestine)

Source : magazine d’opposition israélien 972 +

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