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L’apartheid comme « légitime défense » : réponse à Arno Klarsfeld, par Yvan Berrebi

Arno Klarsfeld est un excellent avocat, il nous avait impressionnés lors du procès Papon.


Si certains ont pu regretter son sens du spectacle, tous ont reconnu l’irrévérence qui fait les grands du Barreau. Quiconque aurait à organiser sa défense pour un crime dont il serait soupçonné, trouverait en lui un défenseur de premier ordre : comme tous les avocats dédiés à la cause de leur client, il n’a ni le devoir, ni intérêt à laisser entrevoir les arguments de l’adversaire, aussi légitimes qu’ils puissent être. Et dans cette affaire, Maître Klarsfeld refuse en effet de voir en l’occupation le mal absolu : reconnaissons-lui cette faculté d’adaptation aux besoins des dossiers ; dans l’affaire Papon, l’occupation faisait figure d’accusée personnifiée par Papon; aujourd’hui, l’avocat garde la même verve, mais a changé de clients, l’occupation n’est plus évoquée. Il s’agit il est vrai de l’occupation de la Palestine : celle-ci serait-elle aux yeux de Maître Klarsfeld plus légitime ?
Car ce Maître du Barreau semble souffrir d’une schizophrénie politique, qui est celle dont l’Etat d’Israël lui-même souffre de manière congénitale: il faut sans cesse rappeler la Shoah, cela est le devoir de tous, au-delà des différences d’opinion, d’appartenance religieuse ou nationale, et le Législateur a eu raison de criminaliser le négationnisme ; ces rappels continus ont servi de socle à l’établissement de l’Etat sioniste, justifié aux yeux de beaucoup son existence, et pour d’autres encore, justifié une indulgence face aux égarements de cet Etat. Mais il faut en même temps à l’Etat d’Israël tout faire pour que le monde ne voit pas à quelles pratiques le conduisent son égarement : rien n’est effectivement comparable à l’horreur du génocide, mais l’occupation, la torture, les attaques contre des ambulances, le blocage des secours humanitaires, les destructions de maisons et de bâtiments civils, les tirs contre des civils, la violation des droits nationaux des Palestiniens pourtant reconnus par la communauté internationale, la réalité de l’occupation que l’armée d’Israël s’efforce de camoufler et qui finit par apparaître (grâce en grande partie aux « Justes » qui, en Israël même s’élèvent contre toutes ces exactions) sont des pratiques plus proches de celles de l’occupant de la France lors de la deuxième guerre mondiale que de celles d’une démocratie en exercice. Mais pour un bon avocat, chaque procès, il est vrai, reste différent de tous les autres procès.

Cet engagement de Maître Arno Klarsfeld, très sincèrement attaché aux valeurs de la démocratie, reconnaît toutefois que la menace qu’il voit peser sur Israël n’est pas un génocide, il ne s’agit pas de jeter les juifs à la mer. Aujourd’hui, nous dit Klarsfeld, la menace est de faire des Juifs une minorité en Israël. Face à cette menace démographique, quelles réponses apporter ?

Eliminer en bannissant hors des territoires occupés l’essentiel de cette population, réorganiser l’exil, comme en 48 et 67 : si certains y pensent dans les sphères gouvernementales israéliennes, ce n’est pas, l’on s’en doute, ce que retient Arno Klarsfeld.
Etablir un Etat Palestinien viable en Cisjordanie et à Gaza, et mettre en pratique la « hafrada », la séparation, que d’autres en Israël souhaitent, laissant un Israël à l’abri de cette bombe démographique ? Cette solution n’a de sens que pour celui qui ne nie pas l’occupation, dont la fin protégerait Israël de cette menace nouvelle, mais ce n’est pas en ce sens que plaide Maître Klarsfeld.
Mais alors, vouloir maintenir les colonies et l’occupation, tout en écartant le risque que les Juifs ne deviennent minorité en Israël, cela a un nom, cela a un prix : l’apartheid ! Est-ce là, Cher Maître Klarsfeld, ce que vous appelez « légitime défense » ?

Yvan Berrebi, Professeur d’Economie